Intervention de Claire Landais

Réunion du mercredi 16 septembre 2020 à 16h15
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Claire Landais, ancienne secrétaire générale de la défense et de la sécurité nationale :

. Le SGDSN n'a pas de compétence juridique pour imposer des obligations aux employeurs privés. C'est pourquoi ce document est dénommé « doctrine ». En tant que service du Premier ministre, le SGDSN a en revanche compétence pour faire des recommandations fortes aux administrations – ce sont quasiment des instructions. Dès qu'on s'éloigne du cœur du cœur, c'est davantage une recommandation, des consignes. Pour les OIV, acteurs qui ont l'habitude de voir leurs obligations fixées par les hauts fonctionnaires de défense et de sécurité, le message était entendu comme comminatoire. Pour le reste, on est dans le champ de la circulaire sans valeur contraignante.

Francis Delon vous dira qu'une diffusion a été immédiatement assurée après la signature de la doctrine. Louis Gautier l'a rediffusée en février 2016 à l'occasion de la préparation de l'Euro de football. Elle n'a pas été de nouveau diffusée par la suite.

N'aurait-il pas fallu prévoir un regard spécifique sur les hôpitaux compte tenu de leur place particulière ? Les règles propres au monde de la santé ne figurent pas dans cette doctrine : on y trouve une citation des professionnels de santé, mais elle n'est pas faite pour le monde de la santé. On peut lui reprocher d'être trop silencieuse mais, je le répète, ce n'était pas son objet. C'est pourquoi elle ne porte pas sur les stocks stratégiques destinés aux malades, aux cas contacts et aux professionnels de santé. D'ailleurs, demander au SGDSN de décrire comment les professionnels de santé devaient être équipés en masques aurait été une erreur, car ce n'est pas son travail et il n'a pas les compétences techniques pour le faire. Il est donc logique que cette doctrine ne se saisisse pas du sujet de l'équipement des professionnels de santé, qui est traité par le ministère de la santé.

On ne peut pas dire que l'on aurait été plus à l'aise si on avait réfléchi avant à l'organisation d'un confinement. Cela étant, le plan pandémie grippale prévoit des restrictions de circulation, des fermetures d'établissements scolaires, des fermetures d'établissements recevant du public (ERP), la fixation des clusters. Certes, ce n'est pas un confinement généralisé, mais il y a là un grand nombre de dispositifs qui, cumulés, ressemblent à un fort ralentissement de l'activité. Les auteurs n'étaient pas allés jusqu'à penser le confinement généralisé, mais beaucoup de mesures étaient les prémices de cette disposition plus radicale à laquelle il a finalement fallu recourir.

Concernant ce que vous appelez la gestion chaotique de la commande publique des masques, elle est due au fait particulier que la commande publique était faite auprès d'un pays qui avait tari ses exportations pour répondre à ses besoins propres. L'organisation de la commande publique est passée par Santé publique France. Un dispositif a été mis en place pour identifier les fournisseurs en Chine, dans lequel le réseau diplomatique a joué un rôle précieux. Le SGDSN a été appelé à faire le lien avec les services de renseignement et certains acteurs de la sécurité pour s'assurer de l'honorabilité de tel dirigeant ou de telle entreprise qui proposait de trouver des fournisseurs chinois. Un dispositif ad hoc a été mis en place, reposant sur un pilotage clair de la commande publique, opéré par Santé publique France et passant par le ministre de la santé. La question s'est rapidement posée de savoir comment équiper le champ non sanitaire dès lors que priorité absolue avait été donnée au monde sanitaire. Quand la production de masques dits grand public, nationale ou étrangère, a commencé à émerger, nous avons pensé à d'autres circuits d'approvisionnement en faisant appel à la direction des achats de l'État ou à l'union des groupements d'achats publics (UGAP), mais nous avons différencié les deux circuits afin d'éviter toute confusion entre les masques sanitaires pour le monde sanitaire et la commande publique pour le domaine non sanitaire.

Au début de la crise, le ministère de la santé étant le mieux placé, il était logique que le centre de crise sanitaire (CCS) assure le pilotage opérationnel de la crise. Quand le champ non sanitaire – notamment le domaine économique et social – a pris beaucoup d'ampleur, nous avons ouvert la CIC. Est-ce le SGDSN qui l'a proposé au Premier ministre ? Cela fait partie des éléments dont nous avons discuté avec le cabinet du Premier ministre, puisque le SGDSN est un peu le conseil du Premier ministre pour l'organisation des crises. Cela s'est fait le 17 mars, mais le traitement de la crise avait déjà une dimension interministérielle.

Le conseil scientifique était une instance d'expertise. « Régularisé » par la loi, il a contribué à alimenter les débats et à servir de référence, mais il n'était pas du tout impliqué dans la conduite de la crise.

Par ailleurs, après l'ouverture de la CIC, est intervenue l'équipe de Jean Castex, qui a pensé le déconfinement.

L'ouverture du centre interministériel de crise, début juin, avec à sa tête Denis Robin, venant du ministère de la santé, était une façon de marquer l'intégration complète et efficace des champs sanitaire et non sanitaire. Il est devenu le centre unifié de la gestion de crise. Peut-être était-ce le modèle idéal, mais je ne vois pas comment on aurait pu, dès le début de la crise, imaginer ce centre totalement intégré alors qu'on était engagé dans une crise sanitaire justifiant parfaitement le rôle du centre de crise sanitaire.

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