Intervention de Jacques Creyssel

Réunion du mardi 6 octobre 2020 à 18h45
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Jacques Creyssel, délégué général de la fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD) :

Dès le départ, nos enseignes se sont engagées à vendre les masques à prix coûtant. Le Gouvernement avait demandé que leur prix soit inférieur à un euro l'unité, comme le précise notre communiqué conjoint avec le ministère. En pratique, le prix des masques, dans nos magasins, était compris entre 50 et 60 centimes l'unité. Il a beaucoup baissé, de sorte qu'une bonne partie des masques est vendue à perte. Le prix instantané est tellement bas que des difficultés se posent, et que ceux ayant acheté des stocks au plus haut de la crise sont obligés de s'aligner. L'évolution des prix est suivie, de façon hebdomadaire, par divers observateurs. Les prix varient de un à cinq, ce qui reste inférieur à ce qu'on trouve par ailleurs. Nos marges sont au mieux négatives. Il ne s'agit pas d'un produit avec lequel les distributeurs ont gagné de l'argent, bien au contraire.

Concernant l'autorisation de la vente de masques par les pharmaciens, le ministère des finances, qui travaillait avec d'autres acteurs, nous a demandé de l'aider à éviter que le déconfinement ne tourne à la panique. Nous avons répondu présent, comme nous l'avons toujours fait. Pour le reste, hormis en mettant nos responsables à la disposition du ministère de l'économie et des finances, nous ne nous sommes pas occupés de ce qui se passait ailleurs, d'autant moins qu'aucune difficulté ne nous semblait se poser. D'ailleurs, le communiqué de presse conjoint publié le 29 avril indiquait : « Comme nous l'avons fait avec d'autres canaux de distribution, nous travaillons à satisfaire l'objectif que chaque Français puisse s'équiper, le 11 mai, en masques de protection ». Je n'en sais pas davantage. Dans le cadre d'une commission d'enquête sénatoriale, j'ai participé, il y a quelques jours, à une table ronde sur le sujet avec des représentants des pharmaciens. Nous avons demandé et obtenu des autorisations et avancé sans relation directe avec eux. C'est pourquoi nous avons été d'autant plus surpris des critiques qui nous ont été adressées, et qui nous semblaient infondées. Nous ne faisions que répondre à la demande des pouvoirs publics, et il nous semblait que nous faisions plus que notre métier en la matière.

Je n'ai pas de chiffres sur d'éventuelles contaminations du personnel. Ce que je peux dire, c'est que nous avons été totalement exemplaires en matière de déploiement de mesures visant à protéger nos salariés, lesquels ont été formidables pendant la crise. Les hommages rendus à nos hôtesses de caisse et à nos autres personnels, notamment par le Président de la République, sont plus que mérités. Un travail incroyable a permis de faire en sorte que chacun continue à acheter à manger, ce qui est essentiel.

Il est beaucoup question de protocoles ces temps-ci. Je rappelle les dates : 15 mars au matin, réunion avec le ministre ; 15 mars après-midi, rédaction du protocole ; 16 mars, envoi du protocole. Cela a été réalisé en une journée. Dans la foulée, les masques et les protections en plexiglas ont été commandés, et le protocole – comprenant notamment le lavage des mains, la mise à disposition de gel hydroalcoolique et le nettoyage des caddies – mis en place. Nous avons veillé à ce que ni nos salariés ni nos clients ne soient exposés au virus. Nous avions une double responsabilité tout à fait essentielle. Je me suis souvent exprimé sur les radios et les chaînes de télévision pour dire qu'on pouvait aller sans risque dans les magasins, parce que nous avions fait tout ce qu'il fallait.

Nous avons travaillé en liaison permanente avec les partenaires sociaux et chaque enseigne l'a fait de son côté. Nous avons organisé une réunion des partenaires sociaux avec Muriel Pénicaud, alors ministre du travail, qui était très impressionnée par le travail collectif que nous avions réalisé, me disant même qu'elle n'avait pas souvent vu des relations sociales d'une telle qualité au sein d'une branche.

Concernant les stocks qui auraient été mis de côté, j'ai répondu tout à l'heure. À titre d'illustration, il est arrivé que l'une de nos enseignes manque de masques, tandis qu'une autre en avait reçu beaucoup. Leclerc a ainsi reçu des masques de la part d'Intermarché, en attendant de recevoir les siens. Nous n'en avions pas assez, et les approvisionnements ont été progressifs. Il n'y avait aucun stock caché. La communication a porté sur les commandes et non sur les stocks.

S'agissant des circuits locaux, ils nous sont chers, contrairement à ce que l'on a pu entendre dire. Si vous vous rendez dans un hypermarché, vous constaterez que l'origine de la plupart des produits agricoles – fruits, légumes, viandes – n'est pas très éloignée. Nous passons chaque année des centaines d'accords avec des agriculteurs et des PME locaux. Le produit local, plus encore que le produit français, est de plus en plus demandé par nos clients. Nous l'avons proposé pendant cette période plus encore que d'habitude, comme nous nous y étions engagés, en accueillant dans nos magasins, sur nos parkings et dans nos galeries commerciales des producteurs locaux, ce que nous ne faisions pas auparavant, afin qu'ils vendent en direct leurs produits, puisqu'ils ne pouvaient pas faire autrement. Cela a créé de nouveaux liens avec des producteurs qui, jusqu'alors, ne souhaitaient pas vendre leurs produits dans la grande distribution. Nous travaillons avec Julien Denormandie à des engagements pour aller plus loin dans ce domaine. Cette stratégie claire a été accompagnée de la volonté de mettre en avant les produits agricoles français, notamment la fraise, l'asperge et l'agneau pascal, non sans difficulté, car les prix sont bien plus élevés que ceux d'autres produits, et les quantités sont insuffisantes – nous importons 55 % des fraises que nous vendons. Nous avons d'ailleurs dû répondre, avec Bruno Le Maire, aux critiques des consommateurs sur la hausse des prix. Nous avons travaillé en liaison permanente avec Christiane Lambert, la présidente de la FNSEA et avec les industriels, afin que tout se passe le mieux possible, et nous avons bien l'intention de continuer ainsi.

Sur la vente des produits non-alimentaires, nous avons échangé avec Bruno Le Maire dès le 15 mars. Ouvrir le magasin sans offrir à la vente un nombre important de produits aurait posé des problèmes de sécurité, de fonctionnement et de déambulation dans les magasins. Le Gouvernement a donc décidé que nous pourrions continuer à vendre tous les produits. À quelques exceptions près, les jeux de société par exemple, ces ventes se sont effondrées, parce qu'en période de fort absentéisme, il fallait donner la priorité à l'alimentaire, et parce que les Français n'avaient pas le goût d'acheter autre chose. Dès cette période, et cela s'est malheureusement poursuivi, les ventes de produits textiles se sont effondrées. Je comprends la réaction de certains commerçants spécialisés – nous en avons aussi au sein de la FCD –, mais la vente de ces produits obéissait à des raisons purement techniques. Au demeurant, continuer à les vendre à des conditions ne permettant pas de les amortir représentait pour nous un surcoût.

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