Intervention de Edouard Philippe

Réunion du mercredi 21 octobre 2020 à 14h15
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Edouard Philippe, ancien Premier ministre :

S'agissant de l'activation de la cellule interministérielle de crise, vous indiquez qu'elle a eu lieu au mois de mars. Je me permets d'appeler votre attention sur le fait que nous avons activé la veille épidémiologique dès le 2 janvier. Très tôt, nous avons placé le pays au stade 2 de la lutte contre le virus et indiqué qu'une cellule de gestion de la crise sanitaire devait être installée rue de Ségur. La décision a été prise au mois de février, de mémoire – si vous le permettez, j'affinerai les dates au fur et à mesure de l'audition. Nous avons géré la crise sanitaire avec les instruments de gestion d'une crise sanitaire, au premier rang desquels la coordination interministérielle. L'échange d'informations était géré au sein de la cellule de crise sanitaire, comme il est assez logique s'agissant d'une crise sanitaire. L'armement de la cellule interministérielle de crise au ministère de l'intérieur a eu lieu lorsque nous sommes passés d'une crise sanitaire à une crise ayant potentiellement des implications en matière d'ordre public. Très tôt, les échanges interministériels – d'abord au niveau des ministres puis au niveau de l'administration – ont été initiés. Nous n'avons pas attendu le mois de mars pour créer et armer la cellule interministérielle de crise.

S'agissant des capteurs de détection de l'épidémie et des remontées d'information, la question que vous posez est complexe, car elle recouvre des réalités distinctes. Si la question est de savoir si le Premier ministre est informé du nombre de cas ou de l'endroit où ils surviennent, la réponse est simple : ces données factuelles, le système administratif, qui dans l'ensemble fonctionne bien, les fait remonter de façon satisfaisante. Si la question porte sur des informations très strictement médico-sanitaires, la réponse est plus complexe, pour une raison simple : s'agissant de la caractérisation du virus, on ne savait pas tout dès le début – je suis d'ailleurs incapable de dire si nous savons tout à ce jour, et je pense que tel n'est pas le cas. Nous nous sommes longtemps interrogés, non sur la réalité du virus, qui a été prise en considération très tôt, mais sur ses mécanismes.

À titre d'exemple, je crois me souvenir – je parle toujours avec beaucoup de prudence – que nombre de gens, notamment les médecins, appréhendaient la contagiosité du virus, au tout début de la crise sanitaire, par analogie, en se fondant sur l'hypothèse la plus probable – et bien loin de moi l'idée de les critiquer – selon laquelle on devenait contagieux à partir du moment où on présentait des symptômes. Je l'ai beaucoup entendu dire, comme la plupart d'entre nous. Il s'est avéré par la suite qu'on est contagieux avant de présenter des symptômes, ce qui change tout du point de vue de la gestion de la crise sanitaire.

Dès qu'un nouveau virus apparaît, les médecins sont tenus d'émettre plusieurs hypothèses, afin d'adapter le plus rapidement possible le dispositif qu'ils proposent, en fonction des informations dont ils disposent, ou plus exactement des certitudes qu'ils acquièrent progressivement. Des désaccords peuvent surgir ; s'ils sont parfaitement admissibles du point de vue scientifique, ils ne rendent pas la gestion de la crise plus simple, c'est le moins que l'on puisse dire. Selon les analyses des uns et des autres, des désaccords émergent sur la gravité et la contagiosité du virus, ainsi que sur ses conséquences sanitaires ou médicales, à l'échelle de l'individu. Les scientifiques travaillent à partir de leurs désaccords.

En somme, certaines informations remontent très vite et très bien, d'autres sont bien davantage sujettes à caution.

Par ailleurs, j'aimerais évoquer le fonctionnement très particulier de Matignon, qui n'est pas à proprement parler un ministère, et où l'information arrive au fur et à mesure que les ministères la transmettent. Matignon n'est pas et ne doit pas être un endroit où l'on gère les politiques publiques dans la profondeur du temps, mais bien un endroit où l'on arbitre, où l'on tranche et d'où, le cas échéant, on les impulse et on les explique. Cela rend la nature de la remontée d'informations à Matignon assez particulière, et probablement assez différente de ce qu'elle est dans un ministère.

S'agissant des améliorations à apporter et de notre capacité de réaction, nous nous sommes efforcés, dans la gestion de la crise, de réagir aussi vite que les informations et les certitudes nous parvenaient, en tenant compte tenu du fait que, dans le monde où nous vivons, vous ne pouvez pas nécessairement, dès lors qu'une information vous parvient, faire pivoter un dispositif donné du point A au point B. On peut rencontrer des adhérences, des complications, parfois des contraintes juridiques et des résistances. Il me semble que notre capacité de réaction nous a permis de prendre des décisions rapidement – pas assez pour certains, trop pour d'autres. Nous nous sommes efforcés, dès que nous disposions d'informations qui nous semblaient claires et étayées, de prendre une décision. Il est difficile d'en dire plus de façon générale.

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