Monsieur le Premier ministre, notre pays, et le monde avec lui, a traversé – et traverse encore, malheureusement – une crise sanitaire majeure, qui a emporté à ce jour 34 000 de nos concitoyens. Cet événement nous a frappés brutalement, avec une ampleur inédite à l'échelle de plusieurs décennies.
Vous étiez aux responsabilités lorsque la crise a éclaté. Le rôle de notre mission d'information est d'évaluer les politiques appliquées alors. Nous sommes animés par la volonté d'améliorer nos dispositifs, ce qui suppose d'évaluer ce qui a mal ou pas du tout fonctionné. Nos concitoyens ont eu le sentiment, confirmé au fil de nos auditions, qu'un temps de retard important a handicapé la gestion de cette crise, et qu'une anticipation insuffisamment pertinente a bloqué certaines décisions, s'agissant notamment du déploiement de moyens stratégiques et de nos capacités de test. Par ailleurs, plusieurs auditions ont mis en lumière des difficultés de pilotage et de coordination des diverses structures chargées de gérer la crise, qu'elles soient étatiques ou locales, déconcentrées ou décentralisées. Nous constatons aussi des écarts importants, tant positifs que négatifs, avec des pays comparables au nôtre. Certains, tels que l'Allemagne et les pays du Sud-Est asiatique, ont des résultats nettement meilleurs que les nôtres ; d'autres présentent un bilan plus lourd.
J'aimerais vous poser deux questions d'ordre général.
D'abord, quels sont d'après vous, en conscience, les principaux échecs et les principales réussites de la gestion de cette crise ? Quels dispositifs n'ont pas fonctionné ? Comment expliquer ces images ayant beaucoup intrigué nos concitoyens où l'on voit des soignants – vous avez rappelé leur engagement, fait d'abnégation et de courage, et je les salue à mon tour, comme nous l'avons fait à plusieurs reprises – contraints de porter des sacs poubelles comme protection, notamment dans le Grand-Est ? Nous avions le sentiment de vivre dans un pays disposant de l'un des meilleurs systèmes de santé au monde. Soudain, le doute s'est installé sur ses capacités.
Ensuite, il m'arrive de lire la presse, qui rapporte, s'agissant de la gestion de la crise, une différence d'appréciation entre vous et le Président de la République, notamment sur la question de la date du déconfinement. Pour résumer – vous me contredirez peut-être –, votre approche était plus prudente et plus rigoriste que celle du Président de la République. La deuxième vague que nous subissons à l'heure actuelle vous donne sans doute raison sur ce point. Quoi qu'il en soit, nous avons eu le sentiment que le pilotage de la réponse à la crise souffrait d'une forme de dissonance au sommet de l'État.