Intervention de Edouard Philippe

Réunion du mercredi 21 octobre 2020 à 14h15
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Edouard Philippe, ancien Premier ministre :

Je ne suis pas sûr d'avoir toutes les réponses à vos questions, monsieur Dharréville…

Pour ce qui est de l'acceptabilité des décisions, dans le monde merveilleux du droit, on produit une norme qui s'applique et que les gens respectent. Mais nous vivons dans le monde réel. J'ai été très frappé par ce qui s'est passé dans la région de Marseille. Le ministre de la santé avait dit plusieurs fois que les chiffres se dégradaient et qu'il fallait rester vigilant. La décision a été prise de freiner l'expansion du virus, en apportant des restrictions à la vie sociale. On a vu des responsables politiques locaux – je ne leur en fais pas une critique – la remettre en cause. Si une décision de cette nature n'est pas acceptée, et donc pas respectée, elle ne produit pas d'effet. La crise sanitaire nous rappelle que, en plus d'être opportune et légale, la règle de droit doit être acceptée. Face à des décisions aussi lourdes que le plan bleu dans les EHPAD ou le confinement généralisé, nous nous sommes posé la question de leur acceptabilité. D'ailleurs, pour revenir au premier tour des élections municipales, l'acceptabilité de la décision aurait sans nul doute été bien moindre si, crise politique aidant, on avait remis en cause la légitimité même de ceux qui la prenaient. Tout se tient dans cette affaire.

Nous assistons depuis plusieurs années, en France, à l'érosion lente et continue de l'expertise, de la rationalité voire de la notion d'intérêt général. Prenons un exemple un peu provocateur. Placez un prix Nobel de chimie avec une blouse blanche devant un lac et faites‑lui dire devant une caméra que l'on peut s'y baigner sans danger. Je vous garantis que de nombreuses personnes vont se méfier, parce que c'est un prix Nobel qui le dit ! L'expertise est radicalement remise en cause, ce qui n'est pas rien, pour administrer les affaires de la cité et pour gouverner des hommes. Si l'on croit plus, par principe, l'association de protection du lac que le prix de Nobel de chimie, ce rapport à la science et à la rationalité rendra très compliquée la prise de décision. La République est aussi fondée sur l'idée de la science. Le système métrique va avec la Révolution. Cette relation un peu compliquée avec la science, avec son enseignement et une forme de révérence à son égard n'est pas sans conséquences politiques.

Je ne crois pas que l'exécutif ait laissé l'administration gérer la crise. Au contraire, c'est l'inverse que j'ai ressenti. La pression a été telle à certains moments que des décisions qui auraient pu être prises à des niveaux administratifs sont souvent remontées vers le politique, parce que le système parfois se crispait.

Je n'ai pas eu à connaître de la gestion des différents acteurs – EPRUS, Santé publique France et direction générale de la santé – avant le mois de janvier, je ne peux me prononcer à ce sujet. Je leur fais pleine confiance pour faire du mieux possible.

Le Gouvernement n'a pas choisi de renvoyer des décisions vers l'administration. Au contraire, nous avions la volonté de gérer la crise et de prendre les décisions qui s'imposaient en fonction des informations qui nous remontaient.

S'agissant de la création d'un Haut Conseil de la lutte contre les épidémies et les risques biologiques, je serais heureux de lire la proposition de loi de M. Door, mais n'étant pas parlementaire, il ne m'appartiendra pas de me prononcer.

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