Intervention de Christophe Castaner

Réunion du jeudi 22 octobre 2020 à 10h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Castaner, ancien ministre de l'intérieur :

Je vais écarter votre question concernant l'adaptation du plan pandémie grippale, car ce n'est pas le ministère de l'intérieur qui a eu à constater qu'il n'était plus forcément adapté. Je rebondis néanmoins sur ce sujet, car il montre toute la difficulté dans laquelle nous nous trouvons, y compris en matière de communication.

Vous avez rappelé les différents stades. Alors que nous gérions les clusters de façon hermétique dans les stades 1 et 2, dans le stade 3 de la pandémie grippale l'idée du plan était de laisser le virus circuler. Cela a pu conduire certains ou certaines à annoncer que les écoles resteraient ouvertes, car c'était la doctrine médicale que nous appliquions. Le politique – je pense à Sibeth Ndiaye en particulier – n'a fait que porter cette parole à ce moment-là.

Ensuite, nous nous sommes aperçus que cette doctrine n'était pas adaptée. Il a donc fallu la changer. Les certitudes de la veille ne sont pas celles du lendemain. S'agit-il d'une faute du politique ? Il appartiendra à chacun de se faire une opinion.

Ce que je sais, c'est qu'il faut prendre des décisions sur des bases qui évoluent. Il faut accepter que des certitudes scientifiques existent et travailler sur ces bases. L'on peut aussi considérer que l'on peut ne pas travailler avec ces données. Toutefois, cela ne signifie pas que le politique ne décide pas et que le politique doit suivre l'information scientifique. Celle-ci doit l'inspirer, mais il ne doit pas forcément la suivre. Il doit décider. Le Premier ministre Édouard Philippe a eu l'occasion le 21 octobre de conduire une réflexion sur le fonctionnement de nos institutions et de la décision politique.

J'ai rappelé les dates relatives au fonctionnement de la cellule de crise. La France est entrée dans le stade 3 de l'épidémie le 14 mars, puis la CIC a été activée parallèlement à l'entrée en vigueur du confinement le 17 mars.

Dans toutes les phases précédentes, le ministère de l'intérieur avait sa place dans le processus de décision. Au sein même de la cellule de crise du ministère de la santé, une task force a été constituée, comportant en son sein un préfet du ministère de l'intérieur. Je prendrai pour exemple la décision de rapatrier les Français de Wuhan. Si je ne me trompe pas, la réunion au cours de laquelle cette décision a été prise a eu lieu le 26 janvier. Une fois la décision politique du rapatriement prise, nous avons quitté la réunion. Le ministre de l'intérieur que j'étais n'avait strictement aucun avis sur la question de savoir s'il fallait rapatrier ou non ces personnes, car cette décision tenait à des raisons sanitaires. En revanche, à la fin de la réunion, j'ai annoncé que je trouverais des lieux susceptibles de les accueillir. Le lendemain, à midi, j'ai activé le réseau des préfets, puis je suis revenu en réunion avec le Premier ministre et la ministre de la santé sur plusieurs hypothèses de lieux. Le 29 janvier, nous avons accueilli les Français venant de Chine à Carry-le-Rouet pour la première quarantaine. Cela a pu se faire grâce à l'armée, au ministère de l'intérieur, ainsi qu'au préfet Pierre Dartout et à l'ensemble de ses services – mais évidemment sous le contrôle sanitaire du ministère des solidarités et de la santé.

Cela est vrai sur tous les sujets. Dès qu'a été détecté, le 8 février, le cluster de Haute-Savoie, la ministre de la santé s'est rendue sur place et les moyens du ministère de l'intérieur ont été mis à la disposition du ministère de la santé pour que les décisions prises avancent opérationnellement.

La question m'a souvent été posée, notamment au Sénat, de savoir s'il aurait été préférable d'activer la CIC plus tôt. Objectivement, je n'en sais rien. Ce que je sais, c'est que le ministère de l'intérieur est un ministère extraordinaire par sa puissance, sa capacité d'intervention, sa réactivité. Nous l'avons vu à chaque phase de cette gestion de crise, et nous le voyons à chaque phase de chaque gestion de crise. Ce ministère a quelques défauts, mais il a cette capacité. C'est le ministère de la crise.

Toutefois, il ne faut pas lui demander d'avoir un avis médical. Il faut lui demander de mettre en œuvre des orientations politiques décidées sur la base d'un éclairage scientifique ou médical.

Je pourrai vous donner davantage de détails sur les éléments de calendrier. Des questions écrites m'ont été adressées par le Sénat. Je pourrai communiquer ces éléments à votre commission.

J'en viens à la question du lien entre les ARS et les préfets. Dans l'ensemble, le lien entre les préfets de région et les ARS a bien fonctionné. En revanche, j'ai pu constater que c'était aussi une question de femmes et d'hommes, il y a de l' intuitu personae. Le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA), par exemple, est à Marseille, tout comme le directeur de l'ARS. Ils ont donc l'habitude se côtoyer, ils ont leurs administrations en proximité, ils se voient et se connaissent. Il en va autrement au niveau départemental. La structuration même des ARS, qui est très régionale, fait que, globalement – c'est le député des Alpes-de-Haute-Provence qui vous dit cela – la structure départementale de ces institutions est plus légère. J'entends par là qu'elle est numériquement plus faible, et je le dis sans jugement de valeur. C'est en effet une organisation nationale et régionale très puissante.

Sous l'autorité d'Édouard Philippe, nous avons souhaité une réorganisation territoriale de l'État pour revenir vers les départements.

Oui, il peut donc y avoir un décalage. Oui, le dialogue entre les préfets de département et les délégués territoriaux des ARS n'a pas toujours été excellent. De la même façon, il peut arriver que l'échange entre le ministre de l'intérieur et les préfets de région ne redescende pas parfaitement au niveau du préfet de département. Il m'est arrivé de me questionner sur l'efficacité du dispositif et d'interroger tel ou tel préfet, car j'avais l'impression que le message n'était pas bien passé. Notre système de vigilance doit permettre de compenser cette dimension.

Cependant, dans l'ensemble le lien a été fluide. Olivier Véran et moi avons organisé des réunions communes avec les préfets de région, les préfets de département et les ARS. Personne ne m'a fait remonter de difficulté en disant « nous sommes empêchés ». Il y a eu des problèmes, des tensions. Il y a eu des changements de directeurs d'ARS à un moment donné. Je n'imagine pas que ces décisions aient été prises par hasard.

Toutefois, dans l'ensemble, vu du ministère de l'intérieur je ne peux pas considérer qu'il y ait eu, de ce fait, un blocage institutionnel.

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