Intervention de Éric Ciotti

Réunion du jeudi 22 octobre 2020 à 10h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Ciotti, rapporteur :

Notre souci est de tirer les conséquences de la crise. Le but n'est pas de dresser des procès. Ce n'est pas à nous de le faire, c'est peut-être à d'autres – et encore, je suis assez étonné et choqué par ce qui est fait, mais c'est un autre débat. L'enjeu est de tirer les leçons de cette crise.

La question du pilotage de la crise est importante. Vous l'avez dit, le ministère de l'intérieur est le ministère de la crise. Il est outillé, armé, efficace pour cela. Or les élus de terrain que nous sommes – vous l'avez dit avec quelque précaution, et c'est normal – ont tous mesuré les difficultés qui ont pu apparaître dans le lien entre les préfets de département et les ARS. Vous avez raison d'évoquer cette difficulté. Je vous félicite d'avoir voulu redonner des pouvoirs aux préfets de département et placer sous leur autorité toutes ces administrations déconcentrées au niveau régional qui se sont autonomisées, ce qui affaiblit l'unité de l'État. Cependant, le chemin est encore très long. C'est un balbutiement qui a été opéré.

Pourriez-vous repréciser votre vision dans ce domaine, et quelles ont été les difficultés qui sont apparues ? Il faut selon moi un pilotage unique. Y êtes-vous favorable ?

En période de crise, il ne peut y avoir de dyarchie – que ce soit au sommet de l'État ou au niveau des territoires. L'activation de la cellule de crise le 17 mars est un sujet. Nous y reviendrons. Avez-vous ressenti sincèrement la difficulté de cette forme de double pilotage avec le ministère de la santé – alors qu'en période de crise une main unique doit prendre la direction des opérations ? Avez-vous ressenti également cette difficulté au niveau des territoires ?

J'en viens à la question des équipements de protection des forces de l'ordre. Vous avez donné les chiffres et les calendriers.

Le début de la crise a été source de grandes tensions parmi les forces de l'ordre qui ont très mal vécu le fait de ne pas disposer d'équipements de protection. Elles ont même menacé de ne plus faire les contrôles. Des collectivités locales ont été sollicitées par des syndicats de police pour leur fournir des masques. Ce fut le cas du conseil départemental dans lequel je siège et d'autres collectivités dans mon département. Ces collectivités ont eu le sentiment de pallier les défaillances de l'État qui n'assurait pas la protection de ces fonctionnaires.

Vous évoquiez un stock de 1,460 million de masques FFP2. Comment et à partir de quand ce stock a-t-il été constitué ? Pourquoi n'y avait-il pas de masques chirurgicaux, conformément à la recommandation du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) dont le ministère de l'intérieur avait été saisi selon les informations et les courriers qui nous ont été communiqués par le SGDSN de l'époque ? Pourquoi le ministère de l'intérieur n'avait-il pas pris les dispositions pour protéger ses fonctionnaires en cas de pandémie ?

Il faut souligner en outre le caractère prioritaire de la protection de nos policiers. Dans cette crise, ils avaient un rôle décisif - presque aussi essentiel que celui des soignants - car faire respecter les règles instaurées pour éviter la propagation du virus.

Par conséquent, pourquoi ce stock comportait-il uniquement des FFP2 ? Pourquoi un stock de masques FFP2 avait-il été constitué à l'origine ? En 2011, il avait été décidé que les masques FFP2 seraient réservés aux soignants. Pour autant, des situations de crise auraient pu justifier le stockage de ces FFP2. Mon propos n'est donc pas une critique.

Pourquoi n'y avait-il pas de masques chirurgicaux au sein du ministère de l'intérieur ? À quelle date avez-vous pris conscience du manque de masques ?

Le Premier ministre, Mme Agnès Buzyn et ses conseillers nous ont dit que jamais la question des stocks stratégiques ne s'était posée, ni à Matignon, ni au ministère de la santé, ni à aucun niveau de l'échelon exécutif – le ministre, son directeur de cabinet, comme le conseiller chargé de la santé publique. Est-ce que vous, votre directeur de cabinet ou un membre de votre cabinet avez porté un regard sur ces stocks d'équipements de protection ? Un suivi quotidien de ces équipements est-il assuré au sein du ministère de l'intérieur ? Cette question vaut pour les masques, mais aussi pour d'autres équipements de protection potentiellement utiles en temps de crise.

Vous avez évoqué la question du respect du confinement. Des questions se sont posées sur le fait qu'il a été plus difficile de faire respecter le confinement dans certains territoires, où les contrôles ont peut-être été un peu plus fluides. Des interrogations ont également été soulevées sur des manifestations. Je pense notamment à la manifestation du collectif Traoré, qui a rassemblé plusieurs milliers de personnes en plein confinement – ce qui présentait naturellement un risque sanitaire. Cela a laissé penser qu'on était fort avec les faibles et faible avec les forts. Ainsi, une personne âgée qui sortait faire ses courses pouvait être contrôlée, quand cette manifestation ne l'était pas. Cette manifestation n'avait pas été autorisée, pourquoi le ministère de l'intérieur l'a-t-il laissée prospérer ?

Je souhaite soulever une autre question, qui ne relève pas de votre champ de compétences mais dont je suis convaincu qu'elle a des conséquences très lourdes sur le climat de sécurité du pays. Nous recensons 13 000 à 14 000 détenus de moins dans les prisons. Ce choix a été posé à partir des directives de politique pénale engagées par la garde des sceaux Nicole Belloubet visant à faire diminuer massivement la population carcérale. Vous savez que cela a eu des conséquences mécaniques sur le climat de l'insécurité. Avez-vous été associé à cette décision ? S'est-elle inscrite dans un dialogue entre le ministère de l'intérieur et celui de la justice ? Partagez-vous l'analyse selon laquelle cette décision a eu, a et aura des conséquences durables sur le climat sécuritaire du pays ?

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