Intervention de Christophe Castaner

Réunion du jeudi 22 octobre 2020 à 10h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Castaner, ancien ministre de l'intérieur :

Je remercie David Habib pour son soutien chaleureux. Personne n'a de stratégie consistant à dire que l'on ne savait pas. Vous avez entendu le Premier ministre le 21 octobre, vous m'entendez ce jour. J'ai dit que nous avions fait des fautes. Je les assumerai parfaitement si elles sont déterminées.

En revanche, je sais que le commentaire a posteriori est toujours plus facile. Si j'avais les chiffres du loto à l'avance je vous promets que je gagnerais toutes les semaines. Mais comme je ne les ai pas, je suis obligé de ne pas jouer au loto, tout simplement ! C'est un peu la difficulté dans laquelle nous sommes. Cela n'empêche pas qu'il y a eu des dysfonctionnements, sur l'évolution de la gestion du stock de masques par exemple. Il y a eu des erreurs de communication aussi. J'ai pris ma part sur ce point.

Il y a eu aussi beaucoup de réussites, notamment grâce aux femmes et aux hommes des ministères. Si les politiques sont responsables, dans la mise en œuvre ce sont eux – que ce soit au ministère de la santé ou au ministère de l'intérieur – qui ont été totalement engagés.

Les préfets ont une capacité de réaction extraordinaire, alors même que leur direction compte parmi les directions du ministère de l'intérieur qui ont été les plus sacrifiées au cours des quinze dernières années, à coups de révision générale des politiques publiques (RGPP) et d'autres baisses d'effectifs que nous avons continuées sous cette mandature, dans la ligne de la précédente. Les préfectures, et les préfectures de département en particulier, font face à des tensions lourdes en matière de ressources humaines. Malgré cela, elles ont su réagir avec une efficacité remarquable. Ce n'était pas simple, pour les préfets, d'être tous les soirs en réunion de 19 heures à 21 heures avec le ministre de l'intérieur, ou de recevoir pendant leurs réunions des textos en direct du ministre de l'intérieur leur communiquant des informations sur tel ou tel dysfonctionnement. Face à la gestion de crise, la pression était très forte. Les préfets ont fait face, comme nos forces de sécurité intérieure, et comme les pompiers.

S'agissant de la fermeture des frontières, nous avons tenté, dans la mesure du possible, de faire en sorte que les décisions soient bilatérales. C'est arrivé souvent, mais pas toujours. Par exemple, le niveau de discussion était parfait entre le ministre de l'intérieur allemand et le ministre de l'intérieur français ; mais les Länder ont pris des initiatives, après lesquelles nous avons dû courir. Alors que les échanges avec mon homologue espagnol étaient excellents, l'Espagne a pris des décisions unilatérales, sans concertation. Nous avons dû faire face à cela, avec un principe de réciprocité, et mus toujours par la volonté de privilégier les moyens de déplacement de nos frontaliers. Ceci est vrai pour toutes les frontières extérieures françaises. Les frontaliers ne sont pas aussi nombreux sur la frontière espagnole qu'ils ne le sont sur les frontières avec le Luxembourg, la Suisse, ou l'Allemagne. Nous avons néanmoins systématiquement trouvé des moyens pour qu'ils puissent continuer à travailler. Dans l'urgence, nous n'avons pas toujours été parfaits. Les attestations n'étaient pas forcément les mêmes, les décisions étaient parfois décalées. Nous avons un peu « couru derrière ». Nous avons veillé systématiquement à mettre de l'ordre, mais n'y sommes pas forcément parvenus.

En revanche, pour la sortie du confinement, nous avons exercé une forte pression sur les autorités européennes pour que l'on cherche une convergence des calendriers. Nous avons globalement mieux réussi la sortie que les entrées, qui se sont faites un peu au coup par coup, et parfois de manière un peu subie malgré des relations bilatérales de qualité.

Les taux élevés de positivité dans les centres d'hébergement ont constitué une vraie difficulté. Nous avons fait en sorte, avec Julien Denormandie, qu'il y ait des centres d'hébergement dédiés aux personnes atteintes du virus, comportant des équipements et des moyens médicaux spécifiques. Cependant, nous savons que les conditions de vie et de promiscuité dans les centres d'hébergement sont propices au développement de l'épidémie.

Nous avons fait un choix d'accueil massif, d'ouverture de places et de réquisition d'hôtels afin que personne ne reste dans la rue pendant la période du confinement. De mémoire, le nombre de places a été augmenté de 15 000. Cela témoigne d'un fort volontarisme. Des solutions adaptées, ciblées, ont été trouvées en fonction des taux de positivité et du nombre de personnes malades.

Vous me posez la question de savoir qui a interdit à l'ARS Grand Est de commander des masques. Je n'en sais rien. Je ne sais pas si cette information est vraie. Ce que je sais, c'est que personne n'a interdit à la préfète de commander des masques. Le système est centralisé au ministère de l'intérieur. Comme je l'ai dit plus haut, le secrétariat général du ministère de l'intérieur a fait feu de tout bois pour renforcer les moyens dont nous pouvions disposer.

Je note que le directeur de l'ARS a un sens de la solidarité qui lui appartient. Moi, en revanche, j'ai le souvenir d'avoir été solidaire, et d'avoir assumé devant l'Assemblée nationale et devant le Sénat une décision dont j'ai reconnu qu'elle était, a minima, maladroite. Il s'agissait de la décision de réquisitionner des masques à l'aéroport de Bâle-Mulhouse. Cela a déclenché une forte polémique. Les collectivités me l'ont beaucoup reproché. C'était une initiative de l'ARS, prise en lien avec la préfète et avec le préfet du département. J'ai toujours été parfaitement solidaire, car je savais qu'ils avaient fait cela avec la volonté de protéger les personnels de santé – même si j'ai eu l'occasion de dire que la méthode avait été, a minima, maladroite et que nous avions, de ce fait, laissé penser que le Gouvernement se comportait mal avec les collectivités locales qui achetaient des masques. Cela fait partie des quelques sujets de désaccord qui se sont présentés avec les collectivités locales.

Je ne reviendrai pas, sauf si vous me questionnez là-dessus, sur la genèse de cette réquisition de masques à l'aéroport de Bâle-Mulhouse, qui a été une exception. J'ai été solidaire de cette décision. Avoir le sens de l'État lorsque l'on est ministre, mais aussi ancien directeur d'ARS, c'est aussi assumer.

Madame Auconie, vous me demandez de m'exprimer « en mon âme et conscience ». Ce n'est pas tout à fait l'exercice dans lequel nous sommes, où j'ai dû prêter serment et où je suis interrogé comme ancien ministre de l'intérieur. Les transports médicaux en TGV ont permis de transporter plus de malades dans de meilleures conditions de sécurité. De plus, les pompiers ont très été mobilisés. Une baisse de 30 % des interventions a été constatée pendant le confinement, cependant les temps d'intervention ont été beaucoup plus longs – notamment pour protéger nos personnels et les sapeurs-pompiers. Dans certains cas, aurait-il été plus adapté de faire appel à eux ? Je n'en sais rien mais je sais qu'ils auraient été parfaitement capables de le faire.

Ces transports sanitaires ont permis de réduire la pression sur les hôpitaux du Grand Est comme en Corse ou à Mayotte – où des transports très réguliers ont été organisés vers La Réunion. Cela a donc été particulièrement efficace et utile, mais ne peut être mis en œuvre de la même façon aujourd'hui. Le Président de la République a eu l'occasion de l'évoquer.

Les pompiers auraient-ils pu être plus efficients dans certains cas ? Peut-être. Toutefois, dans l'ensemble, cela a été mis en œuvre et les oppositions entre blancs et rouges ont été rares.

J'en viens à votre question relative au numéro unique, souvent « controversé » selon le mot que vous avez employé. J'ai eu connaissance de quelques tensions, notamment pour l'armement des hélicoptères. C'est un sujet sur lequel il faudra que nous grandissions. Par « nous », je désigne l'État au sens large. La rivalité qui existe entre les blancs et les rouges est source d'inefficacité. Nous avons connu quelques tensions. Quand le 15 était saturé, le 112 a pu faire face. Cela s'est peut-être produit aussi en sens inverse.

La question du numéro unique reste pendante. Elle est extrêmement délicate. Lorsque j'ai pris mes fonctions, je pensais que c'était le dossier le plus simple à régler. J'ai quitté mes fonctions en pensant que c'était certainement le dossier le plus compliqué ! Une réunion était prévue avec Édouard Philippe pour arbitrer ce sujet, juste avant le déclenchement de la crise du covid-19. Je sais quelle était son intention et je regrette que cette réunion n'ait pas pu avoir lieu.

Tout ce qui permet de converger vers une plate-forme unique rassemblant les blancs, les rouges, et le Samu social – à l'image des expérimentations menées dans certains départements – pour agir et décider, est plus efficace que ce que nous connaissons aujourd'hui.

Cela permet également de protéger les pompiers. Lorsqu'il y a un lien avec une autorité médicale au moment de l'intervention, les pompiers peuvent avoir accès au dossier médical de l'appelant et disposer ainsi, par exemple, d'informations d'ordre psychiatrique. Tout ce qui contribue à maximiser les éléments d'information au moment de l'intervention – qu'il s'agisse d'informations médicales, techniques ou sécuritaires – aide à gagner en efficacité.

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