Intervention de Christophe Castaner

Réunion du jeudi 22 octobre 2020 à 10h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Castaner, ancien ministre de l'intérieur :

Nous avons effectivement connu une forte baisse de la délinquance, mais aussi une évolution de la délinquance qui a d'ailleurs posé des problèmes à la sortie du confinement. Des ruptures de stocks se sont produites sur certains produits stupéfiants et dans certaines filières. Des substitutions d'équipes et de produits ont donc été effectuées. Après le déconfinement, nous avons assisté au retour d'alimentations plus régulières, auquel les services, en particulier l'office anti-stupéfiant (OFAST), s'étaient préparés. Des interventions massives et très efficaces ont été effectuées sur les routes. Des guerres de reconquête de territoires ont également eu lieu.

Nous sommes restés constamment vigilants sur de nombreux sujets, à commencer par celui du terrorisme. Les services de la DGSI, du service central du renseignement territorial (SCRT) et de la préfecture de police ont été très mobilisés dans ce but.

Le risque accru de violences intrafamiliales pendant le confinement était perçu, mais non de façon statistique. Toutefois, personne ne doutait du fait qu'il existait des violences conjugales et des violences contre les enfants avant le confinement, et que le fait d'être enfermé dans un appartement ne pouvait qu'accélérer ou accroître ce risque.

J'ai voulu, et je l'assume pleinement, transformer en profondeur l'approche du ministère de l'intérieur sur ce sujet. Cela fait partie des politiques sur lesquelles j'ai pesé fortement, très tôt – à l'image de celle relative à la question du suicide.

J'ai voulu mettre la pression sur les services mais ils se la sont mise eux-mêmes. Comme nous savions qu'il y avait un empêchement de la plainte, du départ, comme du secours, nous avons voulu trouver une série de solutions. Par exemple, nous avons renforcé notre dispositif d'alerte par chat, que j'avais inauguré en novembre 2018 avec des policiers et des gendarmes, pour qu'il soit accessible 24 heures sur 24. Si une victime de violences intrafamiliales ne pouvait pas téléphoner, elle pouvait au moins chatter.

En cas d'impossibilité de recourir au chat, nous avons ouvert le numéro 114, le numéro d'urgence destiné aux personnes sourdes et malentendantes, aux victimes de violences intrafamiliales pour qu'elles puissent envoyer des alertes par texto. Comme je lui ai donné un petit coup de griffe en citant les 300 masques distribués au Puy-en-Velay, je vais rendre hommage au président de la région Auvergne-Rhône-Alpes : il s'agissait d'une suggestion de M. Laurent Wauquiez.

Marlène Schiappa a travaillé à la constitution de permanences dans les supermarchés. Et je me suis inspiré également d'un dispositif d'alerte dans les pharmacies, pratiqué en Espagne. J'en ai fait part immédiatement à la présidente de l'Ordre des pharmaciens, qui m'a donné son accord.

De plus, les policiers et les gendarmes se sont montrés proactifs. Ils ont immédiatement proposé de passer des appels d'initiative. Ils connaissaient des situations familiales compliquées, mais non assorties de plaintes ou de suites judiciaires. D'eux-mêmes, ils se proposaient d'appeler pour prendre des nouvelles. Ils ont la capacité d'identifier des moments de tension au cours d'un échange téléphonique, et pouvaient donc décider de se rendre au domicile pour voir si la situation présentait des risques pour la personne concernée. Des interpellations ont eu lieu dans ce cadre, ainsi que des mises sous main de justice de maris violents.

Le ministère avait la volonté de tout faire, dans la mesure de ses moyens, pour éviter que l'enfermement ne soit synonyme de violences cachées. Nous avons pu noter qu'il n'y avait pas eu une explosion des plaintes à la sortie du confinement. Nous aurions pu imaginer que, les violences augmentant, les victimes iraient porter plainte. Cela n'a pas été le cas. Pour autant, cela ne signifie pas que notre dispositif a été parfait mais il a été efficace. Le fait de beaucoup parler des violences pendant le confinement a pu aussi aider à inhiber la violence trop naturelle de certains.

Il s'agissait en tout cas d'un sujet d'échange permanent entre le ministre Adrien Taquet, la ministre Marlène Schiappa, la garde des sceaux Nicole Belloubet et moi-même. L'enjeu était de veiller à ce que tous les moyens soient déployés pour faire face à ce risque. J'ai dû oublier certains dispositifs d'alerte, mais l'idée était bien de les déployer le plus largement possible.

Madame Peyron, je ne dispose pas des chiffres que vous demandez avec moi et ne prendrai donc pas le risque de vous répondre. Il y a eu assez peu de délation et assez peu de menaces contre les personnels soignants. Toutefois, c'était déjà trop. S'il n'y en avait eu qu'une, cela aurait déjà été insupportable. Nous avons donné pour instruction d'assurer la protection des personnels soignants, d'accompagner la prise de plainte, et de déployer des dispositifs spécifiques. Par exemple, à Paris, sous l'autorité du préfet de police, des raccompagnements de personnels de santé ont pu être organisés pour renforcer leur sécurité.

Le ministère de l'intérieur devrait pouvoir vous donner des éléments statistiques sur ce point, même s'il ne figure pas précisément au rang des infractions recensées dans nos grilles statistiques. Des notes sont cependant régulièrement remontées sur ce sujet.

Par ailleurs, certains maires avaient appelé leurs concitoyens à dénoncer ceux qui ne respectaient pas le confinement. J'ai eu l'occasion de m'exprimer sur ce point en rappelant que la délation n'était pas la meilleure façon d'organiser son pouvoir municipal – il s'agissait là d'une opinion personnelle, que nous sommes, je pense, plusieurs à partager. Au-delà, j'ai dit très fermement qu'il fallait « arrêter les conneries », et que la police et la gendarmerie avaient autre chose à faire que de prendre des appels passés par des gens, sur commande du maire, pour dénoncer leurs voisins sous prétexte qu'ils ne se seraient pas munis de la bonne attestation pour sortir leur chien. Nous l'avons vécu, et j'ai sifflé la fin de la récréation.

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