Monsieur le directeur général, nous vous retrouvons aujourd'hui certes pour évoquer cette seconde vague qui nous préoccupe et à propos de laquelle vous avez exprimé votre crainte avec des mots très forts, mais aussi pour obtenir un éclairage sur les éléments recueillis depuis votre précédente audition.
Nous sommes notamment interpellés au plus haut point par la gestion des stocks stratégiques. Pour ma part, j'ai été extrêmement surpris par les propos de Mme Agnès Buzyn et de son conseiller santé, M. Grégory Emery, qui nous ont tous deux indiqué, de façon convergente, que la question des stocks stratégiques n'a jamais été prioritaire ; à aucun moment durant les trois ans d'exercice ministériel de Mme Buzyn, l'évaluation du niveau des stocks stratégiques n'a été évoquée. On a beaucoup parlé du stock stratégique de masques, mais Santé publique France gère d'autres stocks d'éléments importants, comme les antibiotiques, passés de 86 millions à 12 millions entre 2015 et 2019, les antidotes, passés de 141,5 millions à 96 millions sur la même période, et même à 75 millions en 2018, ou les antiviraux, tombés de 303 millions à 51 millions.
On a le sentiment que tout s'est joué entre vous et Santé publique France, notamment à travers un courrier que François Bourdillon, directeur général de SPF, vous a adressé le 26 septembre 2018. Cette lettre vous informe, d'une part, qu'une étude épidémiologique dirigée par le Pr Stahl considère qu'il faut environ un milliard de masques pour protéger la population en cas de pandémie grippale. Vous avez repris ce chiffre dans votre propos liminaire en nous annonçant que le stock stratégique est aujourd'hui à l'objectif d'un milliard de masques, confirmant comme tel ce chiffre, qui a parfois été contesté devant notre mission.
Santé publique France vous alerte, d'autre part, sur l'étude du cabinet belge Centexbel estimant obsolète et périmée la quasi-totalité des masques chirurgicaux à disposition de SPF. Par une lettre du 30 octobre de la même année, vous répondez en indiquant la nécessité d'acquérir 50 millions de masques chirurgicaux et, éventuellement, 50 autres millions, si les moyens financiers le permettent. Ces 100 millions d'unités devaient être acquises et mises à disposition des établissements de manière étalée dans le temps, jusqu'au début de l'année 2020, soit après l'apparition de la crise sanitaire.
Il y a là, pour nous, un important motif d'interrogations. Je vous le demande solennellement : le cabinet de la ministre, la ministre ou son directeur de cabinet n'ont-il jamais été informés de l'évaluation du stock stratégique ? S'ils ne l'ont pas été, considérez-vous que vous avez commis une erreur ou une faute en ne transmettant pas cette information ou, au contraire, considérez vous qu'il s'agit d'une faute ou d'une erreur de la ministre et de son cabinet de ne jamais s'être enquis du niveau de ce stock ?
Je souhaite que nous nous attardions quelques instants sur cette question qui motivait, à mon sens, votre retour devant nous ce jour pour obtenir des précisions sur cette gestion chaotique du dossier. Vous aviez alerté, avec un sens certain de la prospective, le futur président de la République Emmanuel Macron du fait que la France n'était pas prête et qu'il convenait de se prémunir contre un risque majeur. Or nous constatons que les stocks stratégiques ont fondu à vue d'œil sans que cela suscite de véritable réaction, de sorte que nous nous sommes retrouvés, début 2020, quasiment dépourvus d'équipements de protection. Je souhaite avoir votre éclairage sur ces points.