Intervention de Jérôme Salomon

Réunion du mercredi 28 octobre 2020 à 14h30
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Jérôme Salomon :

S'agissant de l'EPRUS, il y a certainement des leçons à tirer des difficultés logistiques que nous avons rencontrées, et nous y travaillons. Il s'agit de revoir la logistique d'État au regard de l'organisation des services de santé, de la sécurité civile et des armées. C'est un travail très particulier, qui relève de spécialistes de métier, que d'organiser le sourcing, les ponts aériens et les ponts maritimes qui ont été mis en œuvre au mois d'avril et après.

Le rapport commandé au Professeur Jean-Paul Stahl portait sur la grippe, et ses préconisations concernaient très largement les vaccins et les antiviraux, mais aussi les masques. J'ai compris de la lecture attentive de son rapport, et il me l'a confirmé, qu'il avait en tête un enjeu populationnel, d'ailleurs similaire à ce que nous vivons aujourd'hui, concernant les masques. L'idée était de mobiliser les Français, avec le lancement très tôt de la production nationale – faisant de nous des pionniers en matière de masques grand public –, de sorte que tous les foyers soient équipés et que les citoyens s'investissent dans les gestes barrières. Il ne s'agissait pas forcément de se doter d'un stock stratégique d'un milliard de masques, mais bien que les Français soient équipés en cas de pandémie grippale, à laquelle, je le précise, les principales réponses sont vaccinales et antivirales. C'est pourquoi nous sommes attentifs aux travaux en cours en la matière.

J'en profite pour vous indiquer que les vaccins contre la grippe arriveront cette semaine dans les pharmacies, par livraisons successives. Les Français ont bien respecté les cibles et les priorités, et nous avons rencontré un important succès d'estime. Les gens se sont davantage déplacés en officine que les années précédentes et, point encore plus positif, ce sont les personnes comprises dans la cible qui viennent chercher leur vaccin. Le message selon lequel les personnes fragiles doivent se faire vacciner a visiblement été bien compris.

La fin des commandes de masques FFP2 a été validée, je crois, dès 2012, par décision ministérielle. Il n'était, en effet, pas très logique de constituer un stock de tels équipements, car ils sont destinés aux professionnels de santé exposés. Dès lors, il est plus logique que ces masques soient directement mis à la disposition de ces professionnels dans les lieux à risque, c'est-à-dire dans les établissements de santé.

Nous nous sommes préparés au mieux à la deuxième vague. Elle a été anticipée dès la première vague pour la rentrée de septembre ; les professionnels de santé, pris au sens large, se sont préparés psychologiquement, techniquement et en se formant. Ce qui est très particulier et doit être relevé, c'est l'ampleur de cette vague. Il n'est pas rare que la deuxième vague d'une épidémie soit plus grave que la première. Vient ainsi un moment où, même si l'on dispose du meilleur système de santé au monde et d'hôpitaux extraordinaires, lorsque les victimes sont trop nombreuses, on subit l'effet du nombre.

Le secteur privé est d'ores et déjà sollicité et plusieurs centaines de patients sont accueillis dans de très bonnes conditions dans des établissements participants au service public hospitalier ou directement en clinique privée. L'effort consenti est remarquable. Nous avons demandé à toutes les ARS et à tous les niveaux des départements d'assurer la meilleure collaboration possible entre les établissements publics et les établissements privés.

Quand des malades meurent à leur domicile, les certificats de décès correspondants sont enregistrés en mairie par la famille, sur la base du certificat signé par le médecin. Un grand nombre de décès surviennent également en EHPAD. Ces décès sont automatiquement signalés et intègrent les statistiques de Santé publique France, qui font état du nombre de cas et de la mortalité, et sont également comptabilisés par l'INSERM et l'INSEE. Il en va de même des décès se produisant dans les établissements de santé. Quasiment tous les soirs, le nombre de morts intervenues en établissement hospitalier est détaillé. Il n'y a donc pas de morts cachés, tous les décès sont comptabilisés en France – c'est une statistique publique qui relève de la responsabilité de l'INSEE, lequel l'établit avec beaucoup d'attention.

En ce moment, en France, nous relevons ce chiffre terrifiant de 1 800 morts par jour, soit plus de 50 000 par mois. Le nombre annuel de morts progresse du fait d'un facteur démographique : les enfants du baby-boom arrivent à un âge où les décès sont fréquents ; les classes d'âge d'après 1945 commencent à mourir. Nous disposons de statistiques quotidiennes, mensuelles, annuelles, municipales, départementales et régionales. Ces données sont librement consultables sur le site de l'INSEE.

Quand on compare la mortalité, sur la base de données certes provisoires mais d'excellente qualité, on observe un phénomène très impressionnant de variation mensuelle. En janvier et février de cette année, nous avons enregistré une sous-mortalité, probablement parce que l'épidémie de grippe de 2019 et 2020 a été relativement bénigne. Mars et avril ont été marqués par une très forte surmortalité, plus légère en mai, suivie d'une sous-mortalité en mai et en juin. Cela explique le peu de différences dans les statistiques sur plusieurs mois. En revanche, cette mortalité est imputable. On peut identifier les personnes décédées de la pneumopathie covid, mentionnée comme la cause principale du décès sur le certificat de décès. On peut distinguer les morts dans lesquelles le virus a seulement joué un rôle, par exemple lorsque le patient a subi une embolie pulmonaire ou un infarctus alors qu'il était contaminé. Chose frappante, il est tout à fait possible qu'en février ou mars 2021, les chiffres de 2020 apparaissent presque normaux, par un effet de régulation de la mortalité. D'aucuns avancent que la sous-mortalité enregistrée dans certains pays serait liée à une surmortalité préalable. L'analyse de la mortalité est une statistique lente mais vraiment fondamentale. Ce n'est qu'à la fin de la période que nous pourrons en tirer des conclusions fiables.

Une donnée peut-être plus importante encore que la mortalité brute est constituée par le taux de mortalité. Celui-ci rapporte le nombre de morts liées au virus à la population française. De ce point de vue, le classement de la France à l'international en fait une statistique certes macabre, mais intéressante.

Je ne sais pas si je dois commenter les propos d'un ancien ministre. J'ai échangé avec des infirmiers, des médecins, des hospitaliers, des médecins libéraux et des infirmières se déplaçant à domicile. Tout le monde est sur le front, prêt à se déplacer la nuit, à assurer des gardes et à se déplacer à domicile. Parler de « fiasco » me semble susceptible d'être pris comme une insulte par les professionnels de santé. Ils le prennent un peu pour eux, même si l'intention de la personne n'est pas de les remettre en cause. L'heure est davantage à la mobilisation qu'à la critique.

Je n'ai effectivement pas repris la date exacte de l'arrivée de Grégory Emery. Le conseiller de sécurité sanitaire – je ne vise ni Grégory Emery ni son prédécesseur – assiste à toutes les réunions de sécurité sanitaire. Il n'y a pas de réunions ni de conciliabules secrets. Les comptes rendus de conseil d'administration et de conseil d'administration restreints sont adressés à leurs membres, mais sont aussi rendus publics. Je ne crois pas lui avoir spécifiquement soumis la question du stock stratégique, mais il est présent tous les mercredis, en même temps que le président de Santé publique France. Cela peut expliquer aujourd'hui le sentiment d'alerte alors que nous avons simplement découvert que les stocks étaient périmés et que nous devions passer une nouvelle commande.

S'agissant des commandes, les procédures ont été multiples. Cette année, j'ai également commandé beaucoup d'équipements. Dans une logique de délégation, et en parfaite entente avec le ministre, celui-ci signe ou me demande de signer les lettres nécessaires. Je m'exécute en lien total avec lui ou son directeur de cabinet. Le fonctionnement est parfaitement fluide. Peut-être s'agit-il là d'un enseignement à tirer de cette crise, entre la direction générale de la santé, qui est au sixième étage, et le cabinet du ministre qui est au septième, la porosité est totale. Mon bureau est distant de moins de 10 mètres de celui du directeur de cabinet du ministre. Entre nous, les échanges sont permanents. Peut-être devrions-nous considérer que tout doit être formalisé, que tout échange oral doit être doublé d'écrits. En tout cas, je vous assure que tout est fluide et fait en association, notamment dans le cadre des réunions de sécurité sanitaire qui font de surcroît l'objet de comptes rendus écrits et partagés avec l'ensemble des acteurs.

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