Intervention de Jérôme Salomon

Réunion du mercredi 28 octobre 2020 à 14h30
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Jérôme Salomon :

Les avis du Conseil scientifique sont publics et font l'objet de présentations médiatiques, son président s'exprimant régulièrement dans les médias. J'ai rarement vu un Gouvernement, un Premier ministre et un Président de la République aussi investis – je suis sidéré par leur mobilisation, qui se traduit par la lecture d'articles et des comptes rendus du Conseil scientifique, par des échanges avec ses membres et par l'appel à des experts nationaux ou internationaux. L'attention est particulièrement portée sur la partie scientifique, le suivi de l'évolution, l'anticipation et la modélisation.

Nous sommes parfaitement conscients que l'organisation des tests n'a pas été optimale. Toutefois, il faut reconnaître aux laboratoires qu'ils ont fait leur maximum. Localement, la situation a été complexe à gérer pour le personnel, qui n'est pas à son aise lorsque quarante personnes attendent au guichet. Les chiffres relatifs aux délais de rendez-vous, de réalisation des tests et de rendu des résultats sont également publiés ; ils sont désormais conformes, avec des résultats communiqués sous trente-six heures, voire vingt-quatre. L'embolie initiale de la rentrée était due au fait que tout le monde a voulu se faire tester au même moment, mais nous avons beaucoup progressé sur le nombre de personnes habilitées à prélever, sur les délais et aussi sur la priorisation des malades et cas contacts. Nous en sommes aujourd'hui à près de 1,9 million de tests PCR par semaine, ce qui est totalement inédit dans l'histoire de la France. Au total, nous en sommes à 20 millions de tests réalisés.

S'agissant du tracing, la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) a mobilisé de très nombreux appelants sur des plateformes départementales, régionales et nationales. Cent vingt mille appels sont passés par jour aux cas détectés et contacts. On constate que les personnes appelées savent souvent qu'elles sont positives et se sont isolées, et, surtout, qu'elles se chargent de leur propre tracing en prévenant leurs collègues, leur secrétaire ou autre responsable hiérarchique. En plus, donc, des améliorations du côté de la CNAM, l' autotracing fonctionne.

Lorsque la crise est arrivée, Agnès Buzyn s'est fortement mobilisée et a demandé un état précis des stocks. Je vous l'avoue, nous ne disposons pas d'un inventaire actualisé en temps réel. M. Door, qui connaît bien l'EPRUS, sait quel défi représente le fait d'avoir une connaissance exacte et en permanence de ces stocks, qui sont immenses et multiples. Nous avons dressé l'état des stocks très rapidement et commandé des masques dès février, au début, pour soutenir les équipes qui avaient été projetées aux Contamines-Montjoie et celles qui avaient accueilli nos concitoyens rapatriés de Chine. Sur les images, on voit que les équipes étaient alors parfaitement équipées. Dès le 6 février, j'ai demandé la mise en place d'un stock d'État de masques P2 et j'en ai passé commande le 7 février, pour 28 millions d'unités. Nous avons donc réagi assez vite, à un moment où il n'y avait pratiquement pas de cas en France. Maintenant que la pandémie est majeure, on se rend mieux compte, mais, à l'époque, les experts, et même l'INSERM, dont Agnès Buzyn avait cité une publication, affirmaient que le risque de voir des cas apparaître en France était de moins de 13 %. Nous avancions sur la base des informations chinoises selon lesquelles l'épidémie ne sortirait pas de Chine, et de celles de l'OMS et de l'ECDC tenant pour très faible le risque d'importation, notamment en Europe.

Nous avons donc plutôt fait preuve d'anticipation et passé des commandes de manière précoce. Les commandes de février ont d'ailleurs permis à Santé publique France de découvrir 110 millions de masques immédiatement utilisables, auxquels se sont ajoutés les masques de 2019 qui avaient été oubliés et ceux qui n'avaient pas été détruits. Finalement, le chiffre était plus proche de 400 millions de masques potentiellement affectables d'une manière ou d'une autre. Nous étions d'ailleurs un des seuls pays à disposer d'un tel stock – même les quatre ou cinq pays analysés dans le rapport Stahl ne présentaient pas les mêmes chiffres. Les comparaisons internationales sont en cours, mais, globalement, le stock français n'était pas si faible et, surtout, il était mobilisable immédiatement. Outre les commandes, il y a eu des non‑destructions par Santé publique France – ce qui a d'ailleurs permis de trouver d'autres usages pour certains masques – et l'importante décision d'Olivier Véran de déstocker. Celle-ci a été prise très vite, à la fin février ou au début du mois de mars, alors qu'il n'y avait pas de tensions particulières. Ces dernières sont apparues par la suite, lorsque nous avons été confrontés à un besoin, que personne n'avait imaginé, de 20, 30, 40, voire 50 millions de masques. Nous avons mis en place un pont aérien et maritime pour livrer massivement et pousser vers les officines plusieurs dizaines de millions de masques par semaine.

On peut toujours dire a posteriori qu'on aurait pu faire plus ou mieux, mais ces mesures ont été déployées avant même la découverte du cluster des Contamines-Montjoie.

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