Je réfute les termes d'échec total. Il y a eu des échecs, des erreurs et des délais inacceptables, et le ministre l'a reconnu. Il reste que 1,8 million de tests sont réalisés chaque semaine et que les résultats sont communiqués aux intéressés sous trente‑six heures. La CNAM passe 120 000 appels par jour, et les gens contactés jugent incroyable d'être appelés dès le lendemain de l'obtention des résultats de leur test. Comme d'habitude, on ne se plaint que des trains qui arrivent en retard sans voir ceux qui sont à l'heure – c'est normal et je sais qu'il y a eu des anomalies. Les laboratoires se sont mobilisés, la priorisation a été instaurée, la possibilité de faire les prélèvements étendue à plusieurs acteurs, et la prise en charge à 100 % décidée. Les appels passés sont l'occasion de constater que, heureusement, la plupart de nos citoyens sont responsables et adoptent un comportement civique : en cas de symptômes, ils s'isolent d'eux-mêmes. Pour les personnes testées positives asymptomatiques qui ne s'isolent pas, ils sont l'occasion de rappeler qu'il est de leur responsabilité de veiller à ne contaminer personne.
Je ne vais pas, bien évidemment, évoquer ce qui est dit en conseil de défense. Le Président de la République m'invite à y assister, mais, en tant que fonctionnaire dépourvu de responsabilités politiques, je me contente d'y présenter la situation et ses évolutions possibles. Nous avons la chance de disposer d'équipes de modélisation très étoffées. Vous entendrez le ministre et le Premier ministre très prochainement ; ils vous éclaireront sur le sujet. Je peux cependant vous indiquer que, entre le 21 juin et le 22 septembre, trente-huit réunions d'évaluation et d'expertise se sont tenues en présence des experts, des modélisateurs et des épidémiologistes. L'échange avec les experts est permanent, pour évaluer leurs propositions et prendre les décisions qui nous semblent s'imposer, sachant que nous ne pourrons savoir si elles sont bonnes ou mauvaises qu'au terme de leur mise en œuvre.
Il me semblait effectivement que le rapport du Pr Stahl visait la grippe et le milieu familial. Je pense que l'idée d'équiper tous les Français est une bonne chose. Ils ont été sensibilisés à l'intérêt du gel hydroalcoolique voici quelques années, ils sont en train d'apprendre le port du masque. Que tous les foyers soient désormais équipés est très positif, et pas uniquement pour le coronavirus. Toute l'hygiène générale de la population en profite.
On est loin du taux de 30 % de la population atteinte. On estime qu'un million de Français, peut-être, sont porteurs du virus. Malheureusement, les études de prévalence – qui renseignent sur le taux de citoyens ayant été affectés – avancent un chiffre compris entre 8 % et 15 %, avec des pics dans le Grand Est et en Île-de-France où la circulation a été importante. On est donc encore très loin de l'immunité collective.
Je retiens du retour d'expérience qu'il importe de s'attacher des producteurs français d'équipements de protection, mais qu'il faut pour cela leur passer des commandes. Ils ne peuvent se satisfaire d'une commande tous les dix ans, ils ont besoin d'achats réguliers pour tourner – on en revient aux stocks tournants. Il faut installer un flux. On ne l'a pas dit suffisamment, la France a été parmi les pays pionniers à lancer la fabrication du masque grand public. Même des artisans se sont mobilisés.
Au titre des enseignements à tirer pour l'avenir, le sourcing et l'approvisionnement constituent de vrais enjeux. Peut-être cela passera-t-il par la priorité donnée à des fournisseurs français ou européens, en tout cas, nous devons être sûrs de ceux-ci. Nous ne pouvons pas accepter qu'ils nous lâchent pour cause de réquisition nationale. C'est pourquoi le Président de la République a demandé que les équipements importants, vitaux et cruciaux soient « sourcés » sur le territoire européen.
Enfin, la logistique de crise constitue un autre enjeu. Nous serons confrontés à d'autres crises, pas forcément virales. Face à une catastrophe majeure, notre capacité à répondre rapidement et à mobiliser la logistique d'État sera déterminante. Comment articuler la sécurité civile, les pompiers, la défense et la santé dans le déploiement de moyens lourds ? C'est une question cruciale.