Intervention de Renaud Muselier

Réunion du mercredi 28 octobre 2020 à 16h30
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Renaud Muselier, président de Régions de France :

Je commencerai par vous présenter une chronologie des événements.

Le 3 janvier est publié le premier article sur le virus mystère de Wuhan. Le 16 février, Agnès Buzyn démissionne et est remplacée par Olivier Véran. Le 24 janvier est annoncé le premier cas en France. Le 26 février, on dénombre cinquante-sept cas dans notre pays. Le 8 mars, les frontières de l'Italie sont fermées ; Giuseppe Conte annonce le début du confinement. Le 9 mars est détecté le premier cas dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA). Nous fermons les services de la région le 11 mars.

Le 17 mars, débute le confinement national. Un accord des dix-huit régions est trouvé avec le Premier ministre pour abonder de 250 millions d'euros le fonds national de solidarité institué par le Gouvernement.

Le 18 mars, des mesures de soutien sont apportées aux entreprises de transports scolaires et de passagers, pour les aider à affronter la fermeture des écoles.

Le 19 mars a lieu la première réunion de la task force économique, pilotée par le Président de la République, à laquelle participent les régions.

Le 20 mars, est annoncée une prime exceptionnelle en faveur des stagiaires paramédicaux et le doublement de l'indemnité mensuelle.

Le 21 mars, à la suite d'une forte pression politique, est publié un décret ouvrant aux collectivités la possibilité d'acheter des masques. Le lendemain, la région PACA et l'ensemble des régions de France signent leur premier bon de commande, pour un total de 120 millions de masques.

Le 30 mars a lieu la première réunion hebdomadaire des présidents de région, qui se réuniront tous les lundis, pour échanger des informations, à la suite de l'initiative du président de la région Grand Est, M. Jean Rottner, premier concerné.

Le 2 avril, les chefs de parti se réunissent avec M. Édouard Philippe. Dans chacune de nos régions, avec les collectivités territoriales, nous instaurons un fonds résistance – ou résilience. La région, les collectivités, la Banque des territoires l'abondent chacun à hauteur de 2 euros par habitant pour fournir une aide, au plus proche du terrain, à ceux qui sont en très grande difficulté économique.

Le 6 avril, se réunit la task force économique nationale, autour de Bruno Le Maire, qui tiendra une réunion toutes les semaines.

Le 9 avril, a lieu une réunion de travail avec les ministres Mme Gourault, M. Castaner et M. Véran sur l'approvisionnement en masques dans nos collectivités, trois semaines après le début de la crise – au moment où nos masques sont réquisitionnés dans les aéroports, sur les tarmacs, alors que nous les avons commandés.

Le 14 avril, les présidents de RdF se réunissent pour fixer notre participation au deuxième fonds de solidarité national, dans le cadre de l'aide économique.

Le 20 avril commencent les opérations de distribution de masques – on en a remis un total de 120 millions.

Les régions ont participé à différentes actions à hauteur de 1,7 milliard d'euros de dépenses nouvelles – non budgétisées – en deux mois, dans les domaines de l'agriculture, de la culture, du développement économique, de l'éducation, de l'enseignement supérieur et de recherche, de la formation professionnelle, de la santé, du transport et de la mobilité, etc. Nous avons, dans certains cas, bénéficié du concours de fonds européens.

Il y a eu difficultés en matière de coordination sanitaire. Comme de nombreux rapports et audits l'indiquent, le choix de gérer quasi-exclusivement la première vague du covid par une structure verticale – ministère de la santé et agence régionale de santé (ARS) – a abouti, sur le terrain, au développement d'un sentiment d'abandon des acteurs territoriaux. L'ARS, structure peu connue et centrée sur la gestion hospitalière, n'a entretenu aucune relation particulière avec les maires, les entreprises, le tissu associatif. Ces derniers se sont retournés vers leurs interlocuteurs habituels – préfet, sous-préfet, département, région et fédérations professionnelles –, qui savaient peu de choses et n'étaient pas directement impliqués dans la gestion de la crise.

Alors que le contexte médiatique faisait monter une véritable angoisse à l'égard d'une situation qualifiée de « guerre », les relais habituels et connus de la population semblaient tout aussi sidérés et livrés à eux-mêmes que nos concitoyens. Les élus ont donc été à la manœuvre, dès le début de la crise et jusqu'à son terme, afin de ne laisser place ni à l'abandon ni à la panique de la population.

Entre le système centralisé autour du ministère de la santé, qui a présidé à la gestion de la première vague du covid, avec les difficultés qui ont été mises en lumière, et la deuxième vague en cours, l'État n'a modifié qu'à la marge son organisation. Seule une part de responsabilité accrue a été confiée au préfet. Aucune leçon institutionnelle de fond n'a été tirée sur l'organisation de notre système de santé ; notre ministère de la santé semble s'évertuer à maintenir les collectivités locales le plus à l'écart possible. À cet égard, le Ségur reste inachevé. C'est la raison pour laquelle la gestion de la deuxième crise ressemble tant à celle de la première.

Je soulignerai le rôle mal défini du Conseil scientifique. Est-il le conseil du Gouvernement ou une autorité d'expression publique ? Le 26 février, M. Jérôme Salomon déclarait : « Il n'y a pas de sujet de pénurie de masques ». Le 3 mars, sur Radio Classique, M. Jean-François Delfraissy déclarait : « Les masques ne sont pas nécessaires, ils doivent être réservés au personnel de santé et aux personnes suspectes ». Le même jour, M. Olivier Véran confirmait l'existence d'un stock de 150 millions de masques, chiffre ramené, le 10 mars, à 110 millions. J'ai cru entendre qu'il y en avait, il y a quelques années, plus d'un milliard.

Le 16 mars, l'OMS appelait à dépister massivement. Mais Mme Sibeth Ndiaye, alors porte-parole du Gouvernement, affirmait, le 10 mai, que cet appel datait du mois d'avril – incohérence dans les calendriers, les dates, les informations.

Il s'agit d'un échec structurel. Nous avons vécu une illusion de contrôle, comme le dit Henri Bergeron, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). L'autorité était morcelée, les procédures multiples, comme nous l'avons vécu à l'échelle des collectivités territoriales, sans compter la guerre des chiffres, statistiques contradictoires à l'appui. La France a subi des dysfonctionnements systémiques, l'absence d'articulation collective, des décisions verticales, tardives et floues. Même si le Conseil scientifique a perdu le monopole de la parole scientifique, son rôle dans cette cacophonie a contribué à la perte de confiance.

C'est la première fois qu'une crise est gérée par le ministère de la santé – et non par le ministère de l'intérieur –, ce qui a privé les préfets des éléments d'information au profit des ARS, qui ne sont pas conçues pour faire de la gestion de crise. Tout l'appareil de l'État – préfets, sécurité, sécurité civile – a été mis sur la touche, et le système hospitalier s'est débrouillé seul.

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