Intervention de Dominique Bussereau

Réunion du mercredi 28 octobre 2020 à 16h30
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Dominique Bussereau, président de l'Assemblée des départements de France :

Lorsque, à l'apparition des difficultés, les collectivités communales et intercommunales se sont tournées vers les départements pour obtenir des masques, nous avons pallié l'incapacité de l'ARS à les distribuer, en les acheminant avec les véhicules de la direction des infrastructures ou du service départemental d'incendie et de secours (SDIS). Nous avons alors subi les premières difficultés financières. L'arrêt complet des transactions immobilières a entraîné une perte des ressources provenant des droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Par ailleurs, nous avons dû faire face, très tôt, à une demande accrue de versement du revenu de solidarité active (RSA), avant même que des plans sociaux soient appliqués.

Au vu de ce qui s'est passé, il faut éviter de reproduire certaines erreurs, si un deuxième confinement global de quelques semaines était annoncé.

Je partage l'avis de Renaud Muselier : cela ne s'est pas bien passé avec le ministère de la santé. Toutefois, à titre personnel, je pense qu'Olivier Véran, qui est un homme de terrain, a mieux géré la situation qu'Agnès Buzyn. Il n'empêche que les ARS ont été au-dessous du niveau de la mer, exception faite d'Aurélien Rousseau, en Île-de-France, qui a été plutôt bien perçu par l'ensemble des collectivités départementales et locales.

Dans mon département, un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) a eu à déplorer quatorze décès. Ni le maire de la commune, ni le président du département – co-autorité de tutelle de l'EHPAD – ni le préfet, ni la préfète de région, ni le cabinet du ministre n'étaient au courant. Nous avons appris cette nouvelle par la presse, parce qu'un journaliste local avait eu l'information. Aucun de nous n'a pu jouer un rôle dans la crise de l'établissement.

Depuis lors, Olivier Véran a entamé une campagne de redépartementalisation des ARS, en renforçant le niveau des interlocuteurs départementaux et les équipes. Aujourd'hui, lorsqu'un pensionnaire attrape un rhume dans un EHPAD, on reçoit un mail de l'ARS.

J'ai vécu, dans mon département, les crises consécutives aux tempêtes Lothar et Martin, en 1999, et Xynthia, en 2010. Les préfets sont habitués à gérer ces situations, à rassembler les moyens des collectivités de l'État. Or, ils ont été complètement mis hors-jeu au printemps dernier, alors même qu'ils sont les femmes et les hommes de l'État les plus aptes à faire face aux crises.

Autre problème, qu'Olivier Véran a réglé, mais au bout de trois semaines à un mois : les tests. Nous avons tout de suite dit à l'État qu'il fallait faire des tests, en particulier dans les EHPAD, auprès du personnel et des résidents. Si on avait subi une vague de chaleur, du type de celle de 2003, au moment où nos vieillards étaient confinés dans leur chambre d'EHPAD – alors que, bien souvent, seule la salle commune était climatisée –, la mortalité aurait été beaucoup plus élevée.

Pour les tests, nous avons mis à disposition nos laboratoires départementaux qui, contrairement à ce que certains pensent, ne sont pas que des laboratoires vétérinaires. Nos biologistes, qui ont les mêmes compétences que ceux qui travaillent dans les laboratoires publics et privés, testent la qualité des eaux, des repas dans les établissements scolaires… Ils étaient parfaitement en mesure d'agir. Or, il nous a fallu plusieurs semaines pour obtenir qu'ils soient autorisés à travailler ; encore aujourd'hui, un grand nombre de laboratoires d'analyses volontaires n'ont pu conclure une convention avec l'ARS. Ils ne peuvent donc pas, du fait de la mauvaise volonté de l'État, participer aux politiques de dépistage.

Concernant la relance, une circulaire du 5 mai de Mme Gourault a interdit aux départements de donner ne serait-ce que 1 000 euros à un buraliste, ce qui n'est pas d'une grande habileté psychologique. Cette application de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) m'a semblé un peu stupide.

Les départements étaient un peu réticents à l'idée de participer au fonds national, ce qui se comprend : le fait que l'argent du département des Alpes-Maritimes parte en Charente-Maritime, ou inversement, n'est pas une idée très vendeuse. Lorsque les régions ont créé les deuxièmes fonds – les fonds résilience –, les préfets ont jugé, dans certains départements, au titre du contrôle de légalité, que les délibérations n'étaient pas recevables, alors qu'ils les ont validées ailleurs. Comprenne qui pourra. Comme ce n'était pas clair, les régions ont parfois refusé l'argent des départements versé dans ce fonds. Nous en avons beaucoup parlé avec Renaud Muselier pour mettre de l'huile dans les rouages.

Si, demain, nous revenons à une situation semblable à celle du printemps, le pilotage de l'État devra être complètement différent au niveau départemental. En Nouvelle-Aquitaine, territoire aussi grand que le Danemark ou l'Autriche, l'ARS compte en son siège 650 personnels, mais parfois seulement 10 personnes dans un département, avec une petite camionnette pour prendre en charge une soixantaine d'EHPAD, apporter les masques, etc. L'organisation n'est pas la bonne. J'espère donc que toutes les conséquences en seront tirées.

On a naturellement tous été de bonne volonté : les départements ont aidé les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et les communes, les régions nous ont aidés... Nous avons établi des commandes de masques en commun pour faire baisser les prix et essayer d'en avoir une quantité maximale, en passant soit par les régions, soit par les départements. La bonne volonté, la chaleur humaine, la générosité et les qualités de nos compatriotes et de nos élus locaux ont permis de pallier les situations les plus difficiles, mais la gestion de la crise n'a pas été une grande réussite. Je ne mets pas en cause les hommes. À titre personnel, je trouve qu'Olivier Véran a été à la hauteur de la situation. C'est le système qui a montré son inefficacité. J'espère que les erreurs du printemps ne seront pas celles de l'automne.

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