Intervention de François Baroin

Réunion du mercredi 28 octobre 2020 à 16h30
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

François Baroin, président de l'Association des maires de France :

Monsieur Gaultier, nous avions proposé l'idée du couple maire-préfet à Édouard Philippe, car nous avions constaté que le préfet de département n'avait plus d'autorité sur un certain nombre d'acteurs. Le ministre de l'éducation nationale est propriétaire de ses recteurs, le ministre de l'environnement, de ses DREAL… C'est un vrai problème. Il faut que les parlementaires se saisissent de cette question.

À la sortie de l'été, j'ai eu l'impression que le fonctionnement naturel de l'État avait repris le dessus. On a dû exercer une forte pression au mois d'août pour faire accepter aux ARS et aux préfets que les centres de dépistage, financés par le contribuable local, soient pilotés par les communes. Nous avons d'ailleurs souvent acheté des machines pour compléter les dispositifs de l'hôpital. Il est pénible de devoir se battre simplement pour installer des centres de dépistage destinés à compléter les services de l'État. Depuis trois semaines, c'est vrai, les choses vont mieux.

Madame Wonner, vous demandez si nous sommes bien préparés : votre question renvoie au fonctionnement du couple maire-préfet. Si la solution retenue par le Président de la République est, à nouveau, un confinement, à savoir la fermeture de tous les commerces non essentiels, on assumera la même responsabilité. En d'autres termes, on garantira des services publics minimums en matière de transports, d'ordures ménagères, de services funéraires, d'état civil, sans oublier les écoles – et les collèges pour les départements. Il semble qu'il y ait encore un point d'interrogation concernant les lycées et qu'on s'oriente vers la fermeture des facultés. Nous serons assez bien préparés pour répondre à ces missions.

En revanche, sommes-nous bien préparés pour affronter une deuxième vague, dont le président du Conseil scientifique dit qu'elle sera plus forte, et qui affectera, contrairement à la précédente, la totalité du territoire ? Je rappelle que la région la plus touchée a été le Grand Est et qu'une partie des malades d'Alsace, des Vosges, de Troyes, de la Lorraine ont été transférés en Allemagne, en Nouvelle-Aquitaine et en Bretagne. La façade ouest de la France n'avait pas été touchée par le virus, ce qui lui a permis de soulager d'autres régions. Ça ne sera pas le cas cette fois-ci.

J'ajouterai, parce que cela n'a pas été dit, qu'il existe une différence entre les CHU qui sont liés à une université et disposent d'internes et d'une flotte de médecins supplémentaires et les autres hôpitaux. Les centres hospitaliers qui ne sont pas accolés à une faculté de médecine sont en difficulté, car ils sont plus désarmés.

Cela explique la question qui a été posée au ministre de la santé, hier, sur la réserve sanitaire. Il a donné des chiffres, mais je suis incapable de vous dire combien nous avons de médecins ou d'infirmiers supplémentaires dans les hôpitaux des départements du Grand Est. Et je ne suis pas sûr, alors que vous appartenez à la majorité, que vous en sachiez plus que moi. On a simplement compris qu'un effort avait été réalisé pour obtenir des respirateurs supplémentaires, produits par Air Liquide, lesquels ne sont malheureusement pas compatibles avec le dispositif global visant à accompagner la réanimation des personnes atteintes du covid. Autrement dit, on a compris qu'il y avait de la bonne volonté, et qu'on avait essayé de la traduire en actes en juillet et en août, mais que ça conduisait, à la fin, à une impasse. Il faut avoir l'honnêteté de reconnaître qu'on en revient à la même situation.

Les maires – même s'ils n'ont pas de CHU – jouent un rôle central, puisque le centre hospitalier de la ville préfecture couvre la quasi-totalité d'un département, parfois même un peu au-delà – à savoir 300 000 à 500 000 habitants. On s'est demandé pourquoi aucune installation provisoire n'avait été aménagée près de ces centres hospitaliers pour augmenter – éventuellement doubler – le nombre de lits. On nous dit qu'il faut quinze ans pour former un médecin, mais pourquoi des accords n'ont pas été conclus – pas seulement en Europe, mais avec le Gouvernement chinois, par exemple ? Les Chinois mettent volontiers à disposition des médecins et des réanimateurs. L'État pourrait les payer deux ou trois fois plus, et les collectivités seraient très contentes de les accueillir.

Je le dis avant l'allocution du Président de la République : nous verrons quelle est la capacité d'absorption de nos établissements hospitaliers. En tout cas, retenez que les maires ont la volonté d'être aux côtés de l'État pour protéger les populations. Nous n'alimenterons aucune polémique. Ce que nous disons ici devant votre mission d'information, que nous respectons profondément – nous avons fait la même démarche à la demande de la Haute Assemblée – n'a rien de polémique. Il s'agit de constats, sur lesquels on peut être d'accord ou pas. Je vous dis la réalité que l'on a dû gérer. C'est l'intérêt général qui doit nous animer.

S'agissant des masques, le décret autorisant les réquisitions est bien un aveu d'impuissance de l'État. Les polémiques ont commencé à ce moment-là. En effet, les communes, les départements et les régions ont déployé une logistique – par voie aérienne – pour être livrés en masques, en lien avec de grandes entreprises. Or tout cela a été bloqué aux douanes, pour partie à Paris. Des avions sont ensuite allés à Saint-Étienne, à Lyon ou encore à Marseille. L'État a réquisitionné des masques – alors que ceux-ci avaient été commandés et payés par les contribuables locaux, sous le contrôle de l'Ordre des médecins ou de l'Ordre des pharmaciens, souvent en lien avec les ARS. Ces dernières avaient soit été à l'initiative de la démarche, soit avaient accepté, par leur silence, le fait que les collectivités locales jouent un rôle de distributeur et de logisticien que les agences ne pouvaient assumer. À titre d'exemple, la réquisition qui a eu lieu dans le Grand Est, lors du premier arrivage à Vatry, a été un élément de déstabilisation pour toute la région, et notamment pour la médecine de ville. Il faut le dire. Par ce décret, l'État a lui-même déclenché une polémique – inutile, nous sommes d'accord – et organisé la raréfaction de masques pour des publics qui étaient prioritaires puisqu'ils soignaient les patients, aux côtés des médecins hospitaliers. Je le dis devant vous, mais tout le monde le sait.

La question que vous posez au sujet de la réouverture des écoles est dépassée. Le maire de Montpellier a changé d'opinion, si j'ai bien compris. Le président de l'Association des maires de France que je suis n'est qu'un serviteur loyal de la loi. Si vous me demandez si un maire doit appliquer la loi, la faire respecter et l'accompagner, la réponse est oui. Mais les maires sont aussi des hommes qui ont dressé des constats, notamment sur l'organisation du déconfinement. Ils n'ont jamais fui leurs responsabilités mais on leur a demandé de travailler, en urgence, selon un certain protocole, alors qu'il y avait un danger à mettre nos employés au service de l'éducation nationale, alors que ce n'est pas une compétence municipale. Il était donc assez normal, au nom d'un exercice de responsabilité partagée, que nous demandions au législateur de créer un véhicule protecteur, non pas pour fuir ou s'engager dans une polémique politique, mais pour être au niveau de la mission que l'État nous confiait. L'État nous a demandé d'aller sur son terrain – celui du temps scolaire – et d'agir en lieu et place d'agents qui auraient dû relever de son autorité – et qui étaient devenus des agents municipaux. Nous l'avons fait grâce à vous, je dois le dire, car le Parlement a bien fait son travail, en créant, au moins jusqu'au mois de juillet, un cadre stabilisant, qui a permis à chaque maire d'intervenir.

Monsieur Pont, je ne suis pas capable de dire si nous aurons plus – ou moins – de remparts. Je peux simplement vous dire que les capacités hospitalières sont globalement au même niveau que lors du premier confinement. En revanche, je pense qu'il y a une meilleure maîtrise du point de vue de la médecine générale. Tout le monde a des stocks d'équipements de protection – les collectivités locales en ont constitué, à l'instar des représentants des professions médicales. Ces remparts existent. Le dispositif est beaucoup plus fluide. On n'aura plus ce problème, ce qui est déjà relativement rassurant.

En revanche, les fractures seront nombreuses, non seulement dans les domaines économiques, sociaux, sanitaires, mais aussi, au sein des populations que nous avons accompagnées au printemps, sur le plan psychologique. Nous devons intégrer cette dimension pour appréhender le prochain confinement. Je suis frappé de voir à quel point les mesures de couvre-feu, hors métropole, sont contestées depuis trois jours. Le week-end n'a pas été bon. Ce constat vaut aussi dans les relations avec le milieu économique, la restauration, l'hôtellerie, etc. Il y a une saturation, une peur immense de perdre son outil de travail – la transmission de son patrimoine. Les gens sont au bord du burn out.

On assiste également à une démobilisation du tissu associatif, culturel, sportif... Nous pouvons aider l'État et les parlementaires, en accompagnant, en étant à l'écoute, en faisant preuve de plus d'empathie, de compassion et d'une grande disponibilité. C'est ce que nous avons demandé à tous nos maires adjoints en charge des secteurs sur lesquels nous aurons à intervenir. Nous serons, dès demain, au plus près de nos populations pour éviter le pire, à savoir, éventuellement, des mouvements de sécession – Renaud Muselier a évoqué, pour sa part, l'« insurrection ». Il faut avoir conscience que ces mouvements peuvent susciter des difficultés en termes de suivi des contaminations. Nous répondrons présents, comme je l'ai dit dès hier au Premier ministre.

Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de Coronavirus-Covid 19

Réunion du mercredi 28 octobre 2020 à 16 h 30

Présents. - M. Julien Borowczyk, M. Éric Ciotti, M. Jean-Pierre Door, M. Jean-Jacques Gaultier, M. Jean-Pierre Pont

Excusé. - M. Olivier Becht

Assistaient également à la réunion. - M. Nicolas Démoulin, Mme Martine Wonner

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.