Intervention de Mathilde Panot

Réunion du lundi 14 septembre 2020 à 17h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMathilde Panot :

Nous devons nous prononcer sur un texte qui traite pêle-mêle de commissions consultatives, de carte Vitale, de tourisme, de sport en entreprise, de demandeurs d'asile… Bref, un projet de loi fourre-tout qui semble résulter d'un brainstorming de technocrates dont la préoccupation initiale était « Comment liquider la puissance publique en un seul essai ? ». Nous étions jusqu'ici habitués à vos ardeurs libérales confuses. Néanmoins, il paraît qu'une crise sanitaire, sociale et écologique a dernièrement secoué le monde entier et a mis à nu les ravages du capitalisme libéral. À aucun moment, nous n'en voyons la trace dans ce projet de loi. Vous n'avez visiblement tiré aucune leçon de la période qui vient de s'écouler.

Je vais vous dire ce que recouvre concrètement le choc de simplification que vous appelez de vos vœux. Le choc de simplification, c'est Lafarge qui déverse paisiblement du béton dans la Seine. Le choc de simplification, ce sont les ravages de l'incendie de Lubrizol à Rouen. Le choc de simplification, c'est la diminution de moitié des contrôles des installations à risque dans notre pays depuis 15 ans. Comment pouvez-vous, sans honte, abhorrer les effets dont vous chérissez les causes ?

Quand il s'agit de simplifier des procédures, vous vous attardez davantage sur le sort des entreprises que sur celui de nos concitoyens. Ces derniers seraient ravis d'apprendre que vous facilitez l'accès à leurs droits essentiels, comme ceux de l'Assurance maladie, des allocations familiales ou de l'Assurance chômage, alors qu'une personne sur trois ne demande pas l'allocation de retour à l'emploi quand elle pourrait y prétendre.

Détruire l'État aujourd'hui, c'est se priver immédiatement d'avenir. C'est à l'État d'assumer son rôle à ce moment précis de la civilisation humaine où la catastrophe écologique et sociale est sous nos yeux. À ce sujet, il n'est pas de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Avec ce texte, vous mettez en péril le rôle crucial qui échoit aux autorités environnementales et vous amorcez la destruction du service public forestier. Vous favorisez le remplacement massif des fonctionnaires de l'Office national des forêts (ONF) par des contractuels de droit privé. On trouvera alors, dans les mêmes équipes, des personnels différemment assermentés. Vous parlez d'une simplification ! En bref, vous conduisez irrémédiablement l'établissement à sa privatisation. Comment pouvez-vous envisager d'abandonner la gestion de nos forêts publiques à la main invisible du marché, alors qu'elles constituent des puits de carbone indispensables à la lutte contre le changement climatique ? Les agents de l'ONF en ont assez de vos manœuvres ! L'avenir du service public forestier mérite un débat national. Pourquoi introduire de telles dispositions en catimini ? Où est le ministre de l'agriculture, ministre de tutelle de l'ONF ? Où est la ministre de l'écologie que l'on voyait arpenter la forêt publique de Fontainebleau pour son premier déplacement ?

Votre projet de loi est à courte vue. Vous vous préoccupez davantage du nombre de fonctionnaires qu'il sera possible de supprimer avec ce texte que des perspectives politiques qu'il vous reste à nous offrir. Je n'en vois aucune ici.

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