Je serai heureuse que la loi sécurise et encourage ce type de démarche.
C'est bien la solidarité qui est au coeur de nos débats ce matin : la solidarité au sein de la famille, dans l'amitié, le voisinage.
Cet esprit de solidarité constitue le moteur des 8 à 11 millions de nos concitoyens, en grande majorité des femmes, qui aident régulièrement un de leurs proches en situation de perte d'autonomie, de vieillissement ou de handicap, qu'ils soient jeunes ou âgés, afin de permettre leur maintien à domicile auprès d'une personne de confiance.
Le rôle fondamental des aidants et la pression qui repose sur leurs épaules seront amenés à croître dans les prochaines années compte tenu du vieillissement de la population. Vous en avez clairement exposé les motifs, monsieur le rapporteur, notamment l'évolution démographique de notre pays et l'augmentation des maladies chroniques.
Or les aidants présentent d'ores et déjà 60 % de risques supplémentaires de contracter une maladie liée au stress ou au surmenage. Ce chiffre est considérable et traduit l'abnégation dont font preuve les aidants, qui, pour près de la moitié d'entre eux, sont des actifs.
Dès lors, pour eux, articuler vie professionnelle et vie d'aidant – sans parler de la vie personnelle, en particulier pour ceux que l'on nomme la « génération pivot » qui s'occupe à la fois des jeunes et des personnes âgées – est un défi quotidien.
Or, c'est précisément parce qu'il existe cette forte interaction entre la vie personnelle de l'aidant et son activité professionnelle que ce défi dépasse l'aidant. Il affecte l'ensemble de son environnement professionnel, qui doit s'organiser d'une part pour pallier ses absences, et d'autre part pour l'accompagner dans cette période difficile lorsqu'il est présent sur son poste de travail.
Il s'agit là d'un enjeu majeur, sur lequel les employeurs, les ressources humaines, les partenaires sociaux doivent monter en puissance, à l'instar de pratiques volontaristes déjà à l'oeuvre dans certaines entreprises.
À cet effet, les ordonnances que l'Assemblée vient de ratifier très largement en première lecture la semaine dernière offrent le cadre idoine pour que les acteurs du dialogue social trouvent, au plus près du terrain, les solutions pragmatiques à grande échelle à ce défi de société, en complément de l'action des pouvoirs publics. C'est en apportant la sécurité juridique nécessaire à ces mouvements de solidarité dans le monde du travail que nous soutiendrons et favoriserons la solidarité intergénérationnelle entre proches.
Voilà précisément ce qui motive le dépôt de votre proposition de loi, monsieur le rapporteur, et, comme je le disais, ce qui a inspiré la loi du 9 mai 2014 permettant le don de jours de repos à un parent d'un enfant gravement malade.
Cette proposition de loi, qui étend ce dispositif aux aidants familiaux, vient donc compléter notre cadre législatif, qui a subi récemment des évolutions, parfois trop limitées, avec la loi du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement. J'en citerai trois : la reconnaissance du statut de proche aidant, même s'il comporte certaines limites que vous avez évoquées, monsieur le rapporteur ; la création du congé de proche aidant ; la création d'un droit au répit, financé dans le cadre de l'attribution de l'allocation personnalisée d'autonomie.
Mais comme vous l'avez indiqué vous-même, monsieur le rapporteur, cette proposition de loi ne prétend pas répondre à l'ensemble des enjeux considérables relatifs à la situation des aidants familiaux.
C'est pourquoi la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a lancé plusieurs missions d'information sur ce sujet, et je tiens à saluer cette mobilisation, qui concerne tous les bancs. Elle se traduit notamment par la mise en place d'une « mission flash » sur les aidants familiaux, qui sera pilotée par Pierre Dharréville. Cette mission s'inscrit elle-même dans le prolongement du rapport d'information sur l'application de la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement que viennent de rendre Agnès Firmin Le Bodo et Charlotte Lecocq.
Ces rapports alimentent les travaux lancés par le Gouvernement, dans le cadre de l'élaboration de la Stratégie nationale de santé pour la période 2018 à 2022, que porte ma collègue Agnès Buzyn, afin de mieux protéger ceux qui protègent. Le Gouvernement est en effet pleinement mobilisé pour améliorer la qualité du soutien aux aidants, véritable gage d'une meilleure qualité du soutien à nos personnes âgées et à nos personnes en situation de handicap.
Parmi les éléments qu'il faudra développer à l'avenir figure la question du répit à domicile. Comme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, l'a indiqué mardi lors de son audition à l'Assemblée, une expérimentation du baluchonnage sur trois ans a d'ailleurs été introduite dans le projet de loi pour un État au service d'une société de confiance, qui instaure un droit à l'erreur. Je pense aussi au répit en établissement, dans les hôpitaux de jour. Par ailleurs, il est nécessaire d'améliorer le repérage des fragilités des aidants par des professionnels de santé.
Enfin, et nous en revenons plus spécifiquement au sujet de votre proposition de loi, il est fondamental de ne pas réduire l'aidant à ce seul rôle et de favoriser la conciliation avec les autres domaines importants de sa vie, notamment professionnelle. Avec mes collègues Agnès Buzyn et Sophie Cluzel, secrétaire d'État en charge du handicap, j'ai donc confié une mission sur ce sujet à Dominique Gillot, présidente du Conseil national consultatif des personnes handicapées. L'un des deux axes prioritaires de sa mission est de soutenir le retour et le maintien dans l'emploi des aidants familiaux, à temps partiel ou à temps plein, selon leur choix. Pour cela, la mission devra évaluer les besoins des aidants, travailler avec le secteur associatif et faire des propositions pour définir des parcours d'accès à l'emploi adaptés à ces besoins.
Ses conclusions sont attendues pour le mois de mars prochain, afin de nourrir, le cas échéant, l'élaboration du projet de loi relatif à la sécurisation des parcours professionnels, à l'apprentissage, à la formation professionnelle et à l'assurance chômage qui vous sera soumis au printemps prochain.
Parce que cette proposition de loi participe au réveil ou à la mobilisation des consciences sur la situation des aidants, parce qu'elle s'inscrit dans la droite ligne du programme du Président de la République en matière de dépendance, parce qu'elle correspond à sa volonté de renforcer la cohésion sociale et la solidarité entre nos concitoyens, le Gouvernement lui donnera un avis favorable.