Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui une proposition de loi déposée par mon collègue Paul Christophe, qui vise à étendre le don de jours de repos non pris dans le cadre des entreprises aux aidants familiaux.
Permettez-moi d'abord de féliciter mon collègue pour la qualité et la pertinence de son travail. Il soulève ici une question majeure dont la quasi-totalité des groupes politiques a salué l'opportunité et l'intérêt lors de l'examen en commission des affaires sociales. Le caractère presque transpartisan de cette proposition de loi se reflète d'ailleurs dans la diversité des cosignataires.
« Les aidants ne peuvent pas être la variable d'ajustement de nos politiques publiques » : ce sont les mots des représentants des aidants, consultés dans le cadre de la mission d'évaluation de la mise en oeuvre du volet Domicile de la loi du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement, dite loi ASV, dont le rapport a été rendu conjointement par l'inspection générale des affaires sociales et l'inspection générale de l'administration en septembre dernier.
C'est tout le mérite de cette proposition de loi que de chercher à améliorer la situation des millions de nos concitoyens qui se dévouent pour accompagner au quotidien les personnes âgées en situation de perte d'autonomie, qu'il s'agisse de leurs parents, d'un membre de leur famille ou tout simplement d'une personne de leur entourage.
Son dispositif se caractérise par sa grande simplicité et son caractère opérationnel. Il vise à favoriser le don de jours de repos non pris au sein des entreprises pour les aidants s'occupant d'une personne âgée, sur le modèle de la loi du 9 mai 2014, qui avait permis d'entériner une pratique déjà existante dans les entreprises, celle du don de jours de repos pour les salariés s'occupant d'un enfant gravement malade.
En inscrivant dans la loi ce dispositif, nous offrirons un cadre stable à l'expression de cette solidarité, afin qu'elle bénéficie au plus grand nombre. Nous répondrons ainsi à une carence de la loi ASV, qui, il est vrai, a permis des avancées majeures concernant les aidants familiaux. Elle a ainsi reconnu le statut de « proche aidant », qui va au-delà des seuls membres de la famille.
La loi ASV a également introduit plusieurs dispositifs visant à mieux prendre en compte les besoins des aidants familiaux : elle a notamment réformé le congé de soutien familial, devenu congé de proche aidant. En outre, elle a créé un droit au répit, qui constitue une reconnaissance légitime de la difficulté de la tâche accomplie par les proches aidants.
Pour autant, cette loi n'a pas pris en compte la question du don de jours de repos dans les entreprises, alors qu'il s'agit d'un sujet essentiel. En effet, les aidants exercent pour la plupart une activité professionnelle en parallèle de leur activité d'accompagnement, et sont souvent pénalisés pour cette raison. Plusieurs études l'ont montré, il est en effet très difficile de conserver sereinement une activité professionnelle, tout en consacrant le temps, l'énergie et le dévouement à l'accompagnement d'une personne en situation de dépendance.
Dans son rapport sur l'évaluation de la loi ASV, l'IGAS note ainsi qu'il est fondamental de ne pas réduire l'aidant à son seul rôle d'aidant. Concilier le rôle d'aidant avec les autres domaines de la vie, qu'il s'agisse de la vie familiale, de la vie professionnelle ou des loisirs, conduit ainsi à faire de l'accompagnement des aidants un enjeu majeur.
De surcroît, une enquête réalisée en 2015 par l'Association française des aidants montre que l'impact de leur action sur leur santé est loin d'être négligeable. Ainsi, environ 48 % des aidants interrogés dans le cadre de la médecine du travail déclarent avoir des problèmes de santé qu'ils n'avaient pas avant d'avoir été aidants.
Cette proposition de loi constitue donc une nouvelle avancée au sein d'un projet plus global que nous devons porter, celui de l'adaptation de la société au vieillissement d'une partie croissante de ses membres. Car il est clair que l'enjeu d'une telle adaptation est encore devant nous.
Les évolutions démographiques l'illustrent : la proportion de personnes âgées de soixante-quinze ans et plus était de 7 % en 1990 et sera respectivement de 9 % en 2020 et de 18 % en 2070. À cette date, plus d'un Français sur trois aura plus de soixante ans, contre un sur quatre aujourd'hui.
Prendre en compte ces évolutions était l'ambition de la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement, dont l'objectif premier était de maintenir aussi longtemps que possible les personnes âgées à leur domicile.
Plusieurs chantiers majeurs restent en suspens, sur lesquels nous ne pourrons pas faire l'économie d'une réflexion approfondie. Je suis en effet convaincue, et c'était le sens des propositions que nous avons présentées hier, avec ma collègue Charlotte Lecocq, lors de la remise du rapport d'évaluation sur l'application de la loi ASV en commission des affaires sociales, que c'est notre société et notre cadre de vie dans son ensemble qui doivent s'adapter à ces évolutions démographiques.
Cette transformation doit en effet toucher l'intégralité des secteurs, dans toutes leurs dimensions, qu'il s'agisse de la politique de la ville ou de l'accès aux services culturels et sportifs. Conserver des services de proximité et revitaliser les centres bourgs de nos villes et villages, en particulier dans les zones rurales, constitue ainsi un enjeu essentiel.
Il convient également de favoriser et de réorienter l'emploi en direction de l'accompagnement des personnes âgées, tant il s'agit là d'une opportunité économique majeure. Je pense aux services de la silver economy, l'économie des cheveux gris, et aux évolutions techniques liées à la domotique.
La question d'un financement pérenne de la prise en charge de la dépendance, que l'on associe souvent à la question de la création d'une cinquième branche de la Sécurité sociale, doit également être mise sur la table. C'était d'ailleurs le sens d'un amendement que les députés de mon groupe ont porté lors de l'examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale le mois dernier.
La question qu'il convient de se poser est d'ailleurs moins celle des moyens à apporter que celle de la logique du financement. En 1945, au moment de la création de la Sécurité sociale, l'espérance de vie avoisinait soixante ans. Elle atteint aujourd'hui soixante-dix-neuf ans pour les hommes et quatre-vingt-cinq ans pour les femmes. La question d'un risque lié à la dépendance n'était logiquement pas envisagée. Peut-on aujourd'hui conserver les mêmes logiques de financement qu'auparavant, alors que les besoins ont changé ?
En conclusion, vous l'avez compris, chers collègues, le groupe UDI, Agir et indépendants soutiendra bien évidemment cette proposition de loi de bon sens. Monsieur le rapporteur, vous avez avec vous, en plus du Gouvernement, trente-quatre autres ambassadeurs des aidants.
Nous invitons l'ensemble des membres de cette assemblée à faire de même, tant l'accompagnement et le bien-être de nos anciens, comme des personnes à leurs côtés, sont des enjeux qui nous concernent tous.