Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens premièrement à saluer le travail de notre collègue Paul Christophe, principal auteur du texte. Sur le sujet, nous avons cosigné, il y a quelque temps, sa proposition de loi visant à élargir les droits à la retraite des aidants familiaux. Par sa constance, notre collègue appelle notre attention sur un sujet important : l'incapacité de notre société et du droit à accompagner correctement les aidants familiaux qui décident de soutenir des personnes en perte d'autonomie pour cause de handicap, de maladie ou d'âge.
Selon la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, en 2011, ce ne sont pas moins de 8,3 millions de personnes de plus de seize ans qui aident un proche de façon régulière. Dans 23 % des cas, cette aide est renforcée par celle d'un professionnel. On constate que, pour remplir leur rôle, plus d'un quart des aidants familiaux qui travaillent ont déjà pris sur leurs congés, comme si s'occuper d'un parent malade, handicapé ou en perte d'autonomie pouvait être considéré comme des vacances. Parfois, cela relève plutôt du sacerdoce – et ce n'est pas une insulte de le dire. Il est à mon sens injuste de priver des gens de leur droit aux congés pour se reposer.
Dans les années 2000, nous avons vu l'arrivée d'une disposition particulière : la création d'un congé pour les proches aidants. L'employeur a l'obligation de leur accorder des congés particuliers qui ne sont pas comptabilisés sur leurs congés payés. Le salarié peut même fractionner ses congés de façon à travailler à mi-temps. Dans le cas où l'employeur n'accéderait pas à sa demande, le salarié peut contester la décision devant les prud'hommes qui statueront en référé. Nous devons saluer, évidemment, cette avancée, ce que je fais ici.
Mais – car il y a toujours un « mais » – il faut apporter un bémol à tout cela : le congé de proche aidant est un congé non rémunéré. Vous savez pourtant combien les personnes ont besoin de moyens financiers quand elles connaissent des situations de dépendance. Vous conviendrez avec moi que cela engendre ou risque fort d'entraîner des difficultés de paiement des factures et des autres charges de la vie courante. C'est pour ces raisons que nous vous soumettrons un amendement pour que le congé du proche aidant soit rémunéré.
Puis le président Hollande est arrivé. Emmanuel Macron, l'actuel Président de la République, devenu secrétaire général de l'Élysée, a corédigé ou, tout au moins, inspiré la loi El Khomri. Qu'y trouve-t-on au sujet des aidants familiaux ? Tout simplement que les modalités du congé du proche aidant peuvent être définies par un accord d'entreprise. J'appelle votre attention : cette disposition masque un vrai recul, surtout depuis l'adoption des ordonnances réformant le code du travail, il y a quelques semaines, puisqu'elles ont introduit le principe du référendum d'entreprise, notamment pour les entreprises de moins de vingt salariés. En effet, on peut facilement imaginer que l'aidant familial soit minoritaire dans l'entreprise et que l'accord conclu lui soit défavorable.
Au groupe La France insoumise, nous pensons que les entreprises n'ont pas à adapter les modalités du congé du proche aidant aux besoins de leur activité, parce que cela peut aller à l'encontre du proche aidant, mais surtout de la personne aidée. C'est pour cela que nous pensons que c'est à la loi, et à la République, de trancher. Vous le savez, dans de trop nombreux cas, c'est la loi qui protège et l'excès de liberté qui opprime.
Mes chers collègues, nous sommes tous d'accord là-dessus, et personne ne peut le nier ou le contester : le vieillissement de la population est l'enjeu majeur de ce siècle. En 2060, un tiers de la population française aura plus de soixante ans, alors qu'en 2005 cette proportion n'était que de 20 %. En 2060, notre pays comptera plus de 200 000 centenaires, nous dit l'INSEE. Par ailleurs, avec l'augmentation de la précarité et la dégradation générale des conditions de vie, nous le savons, les situations de dépendance seront de plus en plus nombreuses. Imaginez un peu comment la situation va évoluer, là où la précarité et le chômage sont les plus élevés – je pense notamment à nos banlieues et à nos territoires ultramarins.
Dans les outre-mer, l'image d'une population jeune et d'une démographie dynamique est en train de s'inverser. Aujourd'hui, on parle même du risque d'une « violence démographique » : la Guadeloupe, la Martinique et La Réunion font aujourd'hui partie des départements les plus concernés par le vieillissement. Des bouleversements considérables au sein des familles s'annoncent. Il nous faudra y faire face avec force, lucidité et responsabilité.
Nous savons aussi que nombre d'études mettent en avant les fortes inégalités entre les populations des outre-mer et l'Hexagone, avec une dégradation de l'état de santé plus fréquente et plus précoce. Mes chers collègues, écoutez bien : à La Réunion, par exemple, selon différentes enquêtes, la part des personnes déclarant souffrir d'incapacité dans la tranche des 50-59 ans équivaut à celle observée parmi la tranche des 70-79 ans en métropole. Le même écart d'une vingtaine d'années se vérifie chez celles éprouvant des difficultés à accomplir des actes de la vie quotidienne, comme s'habiller ou faire sa toilette. Imaginez la situation en 2060 !
C'est une bombe à retardement, et les territoires pauvres comme les outre-mer sont en train de subir la double peine. Cela est inacceptable. C'est pourquoi il faut se serrer les coudes et trouver des solutions tous ensemble. Comment soigner ? Comment accompagner ? Comment loger ? L'adoption de cette proposition de loi visant à étendre le dispositif des dons de jours de repos non pris aux aidants familiaux peut être une contribution positive à ne pas négliger, mais seulement si nous savons éviter un piège.
En effet, rien dans ce projet ne protège les aidants familiaux d'un abus du droit de la part des patrons. Nous proposons donc que le dispositif de dons de jours de repos ne puisse être enclenché que lorsque le salarié aura bénéficié du congé du proche aidant que l'employeur lui doit. Il serait trop facile sinon, pour quelques employeurs mal intentionnés, de faire porter le devoir de solidarité sur les collègues plutôt que de respecter leur obligation légale. Le groupe La France insoumise propose plusieurs amendements pour permettre à ce texte d'être efficace, notamment sur les points que je viens de vous exposer. Notre vote dépendra en partie du sort qui leur sera réservé.