Intervention de Mathilde Panot

Réunion du mercredi 16 septembre 2020 à 21h35
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMathilde Panot :

Tout le monde acte qu'il y a un vrai malaise à l'Office national des forêts, dont atteste notamment le nombre des suicides. Il n'est donc pas sérieux d'inclure ces dispositions au milieu d'une telle loi et de voter un tel article après un court débat. Cela n'est pas à la hauteur des enjeux.

S'agissant de la privatisation rampante, M. le ministre estime que nous n'avons pas la même vision. Quant au rapporteur, il indique que l'ONF attend cette réforme. Or les représentants de l'intersyndicale, que nous avons rencontrés il y a deux jours nous ont demandé de combattre cet article car, loin d'attendre cette réforme, ils n'en veulent pas. Ce n'est pas moi, une illuminée insoumise, qui vous le dis, mais l'intersyndicale de l'ONF ainsi que les conclusions d'un travail que je mène depuis un an, dans une commission d'enquête citoyenne, en auditionnant de nombreux forestiers et associations environnementales. L'article 33 les inquiète car, comme les collectivités, ils craignent de n'être pas représentés, après le changement du conseil d'administration qui passera de 30 à 12 membres.

Vous dites que permettre à l'ONF de recruter des contractuels privés ne conduira pas à une privatisation rampante et que ceux-ci représentent déjà 43 % de son effectif. Depuis trois ans, l'office a gelé l'embauche de fonctionnaires, tout en supprimant 400 postes, soit 1 emploi sur 20. Je ne dis pas cela pour lancer une polémique mais pour vous alerter sur ce que j'estime être une privatisation. L'intersyndicale interprète également cette évolution de la sorte.

Il a été question de la pression économique à laquelle les agents sont soumis. Pour certains d'entre eux, réaliser une coupe rase est une souffrance. Nous ne sommes pourtant pas des Idéfix, qui ne veulent pas cultiver la forêt ! Cette caricature est dommageable au débat démocratique. Pour ce qui me concerne, je crois à une sylviculture douce, dans l'esprit de la sylviculture Pro Silva. J'ai visité de nombreuses forêts qui sont gérées différemment, sans utiliser des engins qui tassent le sol, ni des ouvriers forestiers dont l'espérance de vie en bonne santé est dramatiquement basse – c'est un enjeu social qu'il faudra évoquer un jour car celle d'un bûcheron ne dépasse pas 52 ans. Ce chiffre donne une idée de ce qui se passe en forêt et des enjeux sociaux du secteur.

La forêt est multifonctionnelle : derrière le bois, la question de l'eau ou la question sociale se posent. Auparavant, les agents de l'ONF invitaient de nombreuses classes pour leur faire découvrir les forêts. Ces activités n'entrent pas parmi les apports économiques de la forêt. Aujourd'hui, les agents affirment qu'ils ne peuvent plus les mener car ils sont trop peu nombreux – leur nombre, je l'ai dit, a été divisé par deux. Leur secteur étant plus grand, ils n'ont plus le temps de remplir ces missions multiples.

J'assume que l'on puisse faire autre chose que des coupes rases en forêt. Elles ne sont pas une fatalité. De nombreux forestiers s'en passent d'ailleurs déjà. La France est très en retard sur cette question : la Suisse a interdit les coupes rases dès 1872 ; l'Autriche a une réglementation similaire à celle que j'ai proposée dans la proposition de loi que j'ai présentée avec d'autres députés ; et tous les Länder allemands disposent de lois qui réglementent la coupe rase en forêt. La France, elle, laisse faire.

Il faut poser ce débat sérieusement, non aussi rapidement que nous le faisons, afin que la représentation nationale puisse décider ce qui va advenir des forêts et du service public forestier. Poser le problème au milieu d'une loi comptant plusieurs dizaines d'articles n'est pas sérieux.

Enfin, si l'article est appliqué, les équipes de l'ONF comprendront des agents différemment assermentés en leur sein. C'est bien une complexification, alors que nous visons une loi de simplification.

J'aurais encore beaucoup à dire, mais je m'arrêterai là.

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