Monsieur le député, vous souhaitez supprimer la disposition qui permet d'organiser le don de jours de congé entre salariés, car vous estimez que ce serait pour l'employeur une manière « de se défausser sur la solidarité des salariés ». Je ne partage pas ce point de vue et c'est pourquoi je suis défavorable à votre amendement.
Je voudrais préciser un certain nombre de points.
D'après une enquête présentée en octobre dernier par le réseau Adhap Services, qui fédère des entreprises d'aide à domicile, les aidants estiment que leur rôle a un impact sur leur vie quotidienne à 54 %, sur leur vie sociale à 48 % et sur leur vie professionnelle à 45 %. Cela va dans le sens des observations faites sur tous les bancs. En 2014, l'Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises s'intéressait déjà à la situation des 8,3 millions d'aidants familiaux, qui sont âgés en moyenne de cinquante-deux ans, dont la moitié sont en activité professionnelle et 57 % des femmes. Un quart d'entre eux passent de sept à vingt heures hebdomadaires à aider leurs proches, ce qui signifie qu'ils sont, pour une bonne partie d'entre eux, amenés à aménager leur activité professionnelle. Les trois quarts déclarent avoir dû s'absenter de leur travail au cours des douze derniers mois, en dehors des congés payés et en plus de leurs droits à congés, du fait de leur rôle d'aidants. Dans le même temps, la plupart souhaitent préserver leur activité professionnelle, pour des raisons financières et aussi de développement personnel et de carrière professionnelle.
Le dispositif en discussion ne vise pas, contrairement à ce que vous semblez dire, monsieur le député, à se substituer au droit au congé de proche aidant, mais à le compléter, en en allongeant de fait la durée, ou à favoriser le recours à ce droit en permettant le maintien de la rémunération. Il n'est aucunement prévu que le salarié aidant soit amené à « quémander », si j'ose dire, des jours de congé auprès de ses collègues. Le droit au congé de proche aidant demeure une disposition d'ordre public, opposable à l'employeur.
En outre, il s'agirait d'un don bénévole, anonyme et sans contrepartie. Dans la pratique, pour la mise en oeuvre du don de jours de congé pour enfant malade, qui a servi de modèle à cette disposition, ce ne sont pas uniquement les salariés qui peuvent faire un don ; l'entreprise peut elle aussi abonder le fonds de congés – un certain nombre l'ont fait. Il existe aussi des accords d'entreprise sur le sujet. L'existence d'un tel droit à congé permettrait aux aidants de souffler un peu, sans prendre le risque de perdre leur emploi.
La présente proposition de loi sécurise juridiquement le dispositif et encourage la solidarité. Elle traduit ainsi l'une des trois grandes valeurs de notre République : la fraternité. C'est pourquoi je vous invite tous à l'adopter, et à repousser l'amendement.