Intervention de Fabien Joly

Réunion du mardi 27 août 2019 à 9h40
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Fabien Joly, porte-parole de l'Association des familles homoparentales (ADFH) :

Je me permets de vous indiquer que l'association s'appelle l'ADFH et non pas l'ADF. Je vais me permettre de rebondir sur ce que disait l'association qui s'exprimait avant moi. L'ADFH a toujours soutenu, et nous continuerons à le faire, la déclaration anticipée de volonté (DAV). Car c'est un mécanisme dont nous pensons qu'il est le meilleur, à condition qu'il soit évidemment étendu à l'ensemble des couples et non pas limité aux seuls couples de femmes. Nous pensons qu'il permet d'établir une filiation de la manière la plus sécurisée qui soit et de faire enfin entrer dans notre droit l'idée que la volonté d'être parents peut permettre l'établissement de la filiation d'un enfant.

Comme vous le savez, cette déclaration sera signée devant notaire au même moment que sera signé le consentement au don. Cela peut évidemment être le fait d'un couple de femmes, d'une femme célibataire ou d'un couple hétérosexuel. Cette déclaration qui va être signée devant notaire va permettre ensuite l'établissement en droit français de la filiation de l'enfant à naître. C'est donc une mesure qui assure à cet enfant que sa filiation vis-à-vis de ceux qui ont souhaité sa naissance soit assurée précisément à la naissance de l'enfant.

Nous estimons que c'est un élément tout à fait essentiel porté par ce projet de loi, et c'est pour cela que nous l'avons toujours soutenu, et nous continuons évidemment à soutenir. Mais il nous semble aujourd'hui étonnant de maintenir une distinction dans l'application de la DAV, qui serait uniquement fondée sur l'orientation sexuelle des parents qui recourent au don.

Au moment où le législateur vient créer un régime juridique extrêmement clair, extrêmement protecteur pour les enfants conçus par don, il serait donc, à notre sens, délicat, voire contraire à l'égalité et contraire à l'intérêt supérieur des enfants, que soient exclus de ce système protecteur et de ce système universel certains enfants uniquement parce qu'ils seraient nés d'un couple hétérosexuel.

On en revient là à l'avis même du Conseil d'État, qui, dans son avis, justifiait cette distinction entre les couples hétérosexuels et les couples de femmes. Nous avons du mal à comprendre pourquoi, aujourd'hui en 2019, le législateur pourrait continuer, pour les enfants nés d'un couple hétérosexuel, à faire prévaloir une sorte de mensonge. C'est le principe du ni vu ni connu, en faisant comme si ces enfants étaient nés d'une relation purement charnelle, alors que ce n'est pas le cas. Il n'y a aujourd'hui absolument rien d'infamant pour un enfant à naître par don.

D'ailleurs, c'est là où l'Association des familles monoparentales ne parle pas pour elle-même. Vous avez eu plusieurs tribunes, dont une signée par une centaine d'enfants nés, conçus par don, qui réclament que ce mécanisme de la DAV soit étendu à l'ensemble des enfants. Ils ne se sentent pas, parce que conçus par don, comme stigmatisés. Ils sont fiers de leur histoire, mais ils demandent à la connaître.

Or qu'est-ce qui permet à un enfant de connaître son histoire ? C'est la possibilité qui lui est faite d'accéder à ces informations, sans que ces informations nécessitent de passer par une révélation de ses parents.

Voilà en quoi la DAV nous paraît une très bonne solution. Elle permet à ces enfants, une fois qu'ils ont atteint leur majorité, d'accéder à leur acte intégral de naissance. Sur cet acte intégral, ils sauront qu'il y a eu une DAV qui a permis d'établir leur filiation. Ils sauront ainsi qu'ils ont été conçus par don et qu'ils peuvent saisir une commission pour connaître l'identité de leur géniteur ou, s'il y a eu don d'ovocytes, de leur génératrice. Il ne s'agit pas pour eux d'établir un lien de filiation avec un hypothétique parent ; il s'agit simplement de connaître leur histoire.

En empêchant cette mention et en ne faisant pas application de ce régime aux enfants nés dans un couple hétérosexuel, on maintient ces enfants dans le déni de leur histoire. Cela nous paraît extrêmement étonnant, sinon choquant, qu'en 2019, on puisse continuer à vouloir maintenir cette discrimination, cette distinction dans le droit français. Le don, je le répète, n'est pas du tout stigmatisant, ce n'est pas une honte. Au contraire, c'est quelque chose qui nous paraît, et qui paraît à ces enfants comme ils l'ont exprimé, aujourd'hui majeurs, quelque chose qui est nécessaire à leur construction et à leur propre connaissance.

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