Intervention de Laurène Chesnel

Réunion du mardi 27 août 2019 à 9h40
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Laurène Chesnel, déléguée Familles Inter LGBT :

Bonjour, merci d'être revenus prématurément de vacances pour nous écouter. Je représente l'inter LGBT, une interassociation qui rassemble environ 70 organisations LGBT et de défense des droits humains. Nous organisons chaque année la Marche des fiertés, dont le mot d'ordre cette année était : « Filiation PMA, marre des lois a minima ! ».

Pourquoi « marre des lois a minima » ? Si nous sommes ravis de ce projet de loi, il y a un certain nombre de manques importants. Mes collègues ont déjà parlé de la question de la filiation. En effet, nous considérons qu'avoir une filiation spécifique pour les femmes lesbiennes est discriminatoire, puisqu'au regard du don et du lien biologique entre les parents, nous sommes dans la même situation que les couples hétérosexuels.

Nous considérons aussi qu'il est discriminatoire pour les femmes lesbiennes de ne plus pouvoir établir leur filiation par accouchement. Jusqu'en 2007, il était réservé aux femmes mariées la possibilité d'établir leur filiation par accouchement. À l'époque, la distinction entre femmes mariées et femmes non mariées a été jugée discriminatoire, permettant à tout le monde d'établir ainsi sa filiation hors né sous X. Actuellement, cette distinction reviendrait juste pour les femmes lesbiennes, femmes à qui les stéréotypes ont déjà tendance à nier une vie sexuelle et même leur existence. Alors même que si on parle d'accès aux origines, nous sommes dans un point de l'histoire de l'enfant et des parents qui est important.

Par ailleurs, nous pensons qu'il faut faciliter l'accès aux origines et qu'il y a des choses très intéressantes dans le projet de loi. Mais pour le faciliter, il n'y a pas de raison qu'une commission se prononce sur chaque cas, mais plutôt si cet accès est de droit, qu'elle y fasse droit.

Il faudrait améliorer aussi l'accompagnement des parents parce que nous pensons que la première des choses est de réellement expliquer aux parents quelles sont les nouvelles dispositions législatives et comment, à quel âge, etc., dire aux enfants la vérité sur leur mode de conception.

Pour cela, nous proposons que dorénavant l'Agence de la biomédecine (ABM) garde une copie de tous les consentements au don pour pouvoir répondre à d'éventuelles interrogations d'enfants, et notamment d'enfants nés de couples hétérosexuels qui se demanderaient si jamais ils sont nés de don ou pas.

Concrètement, le souci lié à la filiation, c'est aussi pour nous le problème de prendre en compte la diversité des familles homoparentales, comme l'ont dit Les Enfants d'Arc-en-ciel. Pour cela, un des manques du projet de loi concerne la possibilité de prendre en compte les couples qui se sont séparés avant d'avoir pu faire l'adoption de l'enfant du conjoint ou avant 2013, et qui n'ont actuellement absolument aucun moyen d'établir leur filiation.

Il faut aussi prendre en compte le cas des couples qui malheureusement continueront à aller à l'étranger, notamment parce que le risque existe d'une pénurie de gamètes, et notamment d'ovocytes. Mais aussi parce que, dans la pratique, les centres d'assistance médicale à la procréation (AMP) en France interdisent l'accès, en général, à partir de 39 ans, quand bien même la loi porte normalement l'âge de remboursement à 42 ans. Ce sont trois ans qui font une énorme différence. Nous pensons qu'on pourrait tout à fait étendre le droit commun et ses protections actuelles pour tous les couples, mais aussi avoir une homologation par un juge du consentement signé à l'étranger pour lui donner la même valeur que le consentement donné en France.

Nous avons aussi un point important qui concerne les personnes trans et intersexes. Nous préférerions que le projet de loi adopte comme rédaction « les personnes en capacité de porter un enfant », ce qui permettrait d'inclure tout le monde. Pourquoi inclure tout le monde ? Parce que les personnes trans et intersexes ont souvent dû subir des traitements stérilisants, parfois contre leur gré s'agissant des enfants intersexes, parfois sous chantage pour obtenir leur changement d'état civil pour les personnes trans. Elles auront besoin pour avoir des enfants d'avoir recours à l'AMP.

Dans la même optique, il faudra s'assurer de la non-discrimination des candidats à l'AMP en fonction de leur statut conjugal, de l'orientation sexuelle ou de leur identité de genre, parce que des questionnaires un peu alarmants circulent déjà auprès des centres d'études et de conservation des œufs et du sperme (CECOS) sur une possible hiérarchie des demandes.

Enfin, pour favoriser cette loi, il est important de ne pas détruire le stock de gamètes en France, mais bien d'interroger tous les donneurs passés pour savoir s'ils accepteraient ou pas la levée de l'anonymat ou d'informations non identifiantes. Cela servirait à la fois pour les personnes qui ont déjà eu recours aux dons pour leurs enfants, ou pour le futur.

Enfin, la dernière mesure nous semble importante et qui sort du cadre des premiers chapitres de la loi consiste à mettre fin aux mutilations sur les enfants intersexes en bas âge. C'était une préconisation phare du rapport de la mission parlementaire sur la loi bioéthique. Nous regrettons beaucoup qu'elle ne soit pas dans le texte actuel. Nous espérons que vous aurez l'occasion de l'enrichir. Merci.

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