Comme je le disais dans mes propos introductifs, il nous semble aujourd'hui que pour répondre à l'intérêt supérieur de l'enfant il y a deux choses que vous, législateurs, devez prendre en compte. D'abord, sécuriser la filiation nous semble un élément essentiel. Plusieurs intervenants expliquaient les cas douloureux qui se présentent aujourd'hui devant les tribunaux. Étant moi-même avocat, j'en connais. Je ne sais pas si je commets des fautes procédurales et des erreurs de procédure comme j'ai entendu que certains de mes confrères avaient pu en commettre, mais en tout état de cause, oui cette question est patente. Elle est pendante devant les tribunaux.
Aujourd'hui, le législateur laisse les tribunaux se débrouiller avec ces questions extrêmement sensibles. D'un côté, il y a une mère notamment qui est reconnue par le droit français comme étant le seul parent légal et, d'un autre côté, c'est une mère sociale qui n'a pour l'heure aujourd'hui aucun droit et qui pourtant, dans tous les cas que l'on voit venir dans nos cabinets, s'est occupée de cet enfant avec le même amour, avec la même dévotion, avec le même temps. Nous sommes face à des situations dans lesquelles vous avez des juges qui sont corsetés par des dispositions du Code civil, qui ne leur permettent pas aujourd'hui facilement de dire : « Cet enfant a deux mères et ces deux mères, comme dans n'importe quel couple hétérosexuel, les parents vont, sur un pied d'égalité, pouvoir élever et s'occuper de cet enfant. »
Pour nous, la DAV permet de sécuriser la filiation puisque ces enfants, grâce à cette déclaration, seront désignés comme ayant comme parents, ceux qui ont concouru à leur naissance et qui ont porté le projet parental de créer une famille. Ce sont eux qui seront automatiquement à la naissance désignés comme les parents.
Pour les familles de femmes, pour les couples de femmes, plus besoin d'un mariage, plus besoin d'une adoption, cette filiation est sécurisée dès la naissance de l'enfant à l'égard des deux mères. Et l'extension aux couples hétérosexuels de ce mécanisme, ne changerait absolument rien, puisque les couples hétérosexuels signent déjà devant notaire un document qui est un consentement au don. Ils pourraient donc, comme pour les couples de femmes, signer dans le même temps une DAV. C'est cette DAV qui établirait, là encore, à l'égard de la femme qui a accouché et du père, que ce soit le mari de celle-ci ou son concubin, une filiation.
La DAV répond donc à ce besoin de sécurité. Elle y répond, et cela me paraît très important, en mettant fin à une pseudo application du modèle de faire des enfants par la voie charnelle. Or ce que propose le projet de loi, c'est de continuer à faire croire en droit que les enfants, nés d'un tiers donneur dans le cadre d'un couple hétérosexuel et alors même qu'il y a eu un acte médical, seraient nés par voie charnelle.
Je ne vois pas fondamentalement pourquoi maintenir une telle supercherie. Il n'y a rien d'infamant à être né, à être conçu par don. C'est cette idée, en 1994, qui avait poussé le législateur à faire en sorte qu'on cache le don. Mais il n'y a plus de raison de le cacher.
L'utilisation de la DAV permet de sécuriser cette filiation. Le deuxième élément essentiel, sur lequel je remercie le rapporteur Jean-Louis Touraine de me donner la parole et de la donner à l'association MAIA, c'est que ce projet de loi, pour la première fois, à la demande des personnes qui ont été conçues par don, va permettre de mettre un terme ou d'apporter des dérogations bienvenues au sacro-saint principe de l'anonymat des donneurs.
Ce projet de loi, même s'il était voté en l'état actuel, sans évolution, permettrait à ces enfants conçus par don, à leur majorité, de demander à une commission de pouvoir accéder à des données non identifiantes de leurs donneurs, et plus encore s'ils le souhaitent à leur identité. C'est donc ici clairement une œuvre du législateur qui est faite pour que tous ces enfants puissent connaître leur histoire.
Une fois qu'on a dit cela, pourquoi permettre aux enfants nés dans un couple de femmes d'être informés du fait qu'ils ont été conçus par don ? Ils le savent, de toute façon, car deux femmes, sauf innovation de la nature, ne peuvent pas ensemble concevoir un enfant. Ces enfants savent donc qu'ils ont été conçus nécessairement par l'intervention d'un don. Ceux-là pourront avoir accès à l'information. Pourquoi les enfants de couples hétérosexuels ne disposeraient-ils pas de la même information ? J'insiste bien, et j'en terminerai ainsi sur cette idée, cette déclaration anticipée de filiation dont il y aura une mention sur la copie intégrale de l'acte de naissance, j'ai entendu qu'on parlait de stigmatisation. J'ai entendu des propos qui me paraissent toujours excessifs.
Cette DAV apparaîtra sur la copie intégrale de l'acte de naissance. Premier point : soyons clairs, cette copie intégrale de l'acte de naissance n'est pas communicable à quiconque ; elle n'est communicable qu'aux intéressés. Dès lors comment prétendre qu'il y aurait stigmatisation des enfants dont personne ne saura qu'ils ont été conçus par don ? Le deuxième élément qui me semble tout à fait essentiel, c'est que ces mentions marginales notamment existent déjà pour l'adoption. Quand vous êtes un enfant adopté, cette mention apparaît sur la copie intégrale. Et nous n'avons jamais dit qu'il y avait stigmatisation des enfants adoptés.