Comme cela vient d'être évoqué, l'outil qui aujourd'hui en droit français pourrait être utilisé, c'est la possession d'état. Dans la définition et dans les articles 311 et suivants du Code civil, c'est l'état de vraisemblance qui permet de donner la qualité de parents à l'égard d'un enfant. Si l'exercice de cette parentalité réunit plusieurs conditions et se fait de façon continue, paisible et publique.
Toutefois, lorsque j'ai demandé et que j'ai déposé ces requêtes en possession d'état devant le tribunal d'instance, un jeune magistrat a eu peur de délivrer l'acte de notoriété qui établit la filiation et qui a exactement les mêmes effets que l'adoption, mais sans le mariage, comme obligation et comme condition. C'est un outil qui est précieux. Il a saisi la Cour de cassation qui a rendu un avis au mois de mars 2018. La Cour de cassation a indiqué que, premièrement, l'article 6-1 du Code civil posait difficulté et ne permettait pas d'établir la possession d'état pour un couple de même sexe, alors que le Code civil le permet pour un couple hétérosexuel.
Aujourd'hui, en droit français, nous avons un texte qui est clairement discriminatoire, puisqu'en fonction de son orientation sexuelle, on ne peut pas établir de possession d'état. Mais, dans un deuxième attendu, la Cour de cassation a dit dans cet avis qu'il appartenait au juge du fond de vérifier et d'opérer le contrôle de conventionnalité. Qu'est-ce que le contrôle de conventionnalité ? Il s'agit de vérifier que les normes supérieures, les articles de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) sont bien conformes pour délivrer l'acte de notoriété à l'intérêt supérieur de l'enfant.
Nous sommes revenus à nouveau devant le tribunal de Saint-Germain-en-Laye et j'ai demandé l'établissement et le contrôle de conventionnalité. Le juge a décidé en novembre 2018 qu'il n'était pas contraire à l'intérêt de l'enfant de n'avoir qu'une seule filiation. Il m'a donc purement et simplement déboutée de l'établissement de ce deuxième lien de filiation. L'important est que le couple de femmes s'entende. La mère d'intention a une semaine sur deux son enfant. Elle n'a pas d'autorité parentale, il n'y a pas de partage, parce qu'elle ne veut pas se contenter d'un partage d'autorité parentale, elle veut véritablement avoir la filiation.
Je ne peux pas leur conseiller, puisqu'elles ont à nouveau fait leur vie de couple et sont en couple avec d'autres femmes, de se séparer. Là, clairement, ce serait une fraude. La solution aujourd'hui est l'abrogation de cet article 6-1 qui a été introduit dans le cadre du « mariage pour tous », réservant la filiation à l'adoption uniquement.
Aujourd'hui, il y a une évolution des mentalités. Il y a une évolution également de cette parentalité, et vous devez vous en emparer pour protéger ces enfants. Cet outil nous permettrait, en tant qu'avocats, de demander la filiation pour les parents qui sont sans droit, parce qu'aujourd'hui, à part un droit de visite et d'hébergement, je ne peux rien avoir.
Il en va de même pour l'autorité parentale soumise, encore une fois à la toute‑puissance et à l'accord du parent biologique en cas de conflit entre les parents. J'ai un droit de visite et d'hébergement, je vois mon enfant un week-end sur deux et la moitié des vacances, mais s'il arrive quoi que ce soit, je ne peux pas consentir dans l'urgence à une opération médicale, parce que je ne suis pas titulaire de l'autorité parentale.
Vous avez certainement entendu parler des propos homophobes envers un couple de femmes, tenus dans un centre d'accueil au CHU de Perpignan. Là aussi, le tribunal administratif a été saisi de cette affaire.
Concernant les magistrats, j'ai eu de très belles rencontres. Certains ont été d'une bienveillance incroyable, d'autres ont tenu des propos qui ont été d'une violence inouïe à l'égard de mes clients, en disant que nous devions nous contenter uniquement d'un droit de visite et d'hébergement, qu'il ne fallait pas rêver. C'était en présence de l'enfant qui était âgé de 14 ans. Ce sont des violences et, là aussi, il faut travailler sur une meilleure formation des magistrats, une meilleure formation aussi des notaires.
Aujourd'hui, la possession d'état, on ne peut plus la demander devant le tribunal d'instance, mais uniquement devant le tribunal de grande instance. La loi de mars 2019 a supprimé, pour désengorger les tribunaux, la délivrance devant le tribunal d'instance, au profit des notaires. Depuis le mois de mars, il est extrêmement difficile pour nous de trouver des notaires qui nous délivrent ces actes de notoriété, parce qu'ils ne sont pas formés.
Il en va de même avec les avocats, puisqu'il y a des avocats qui se trompent sur les procédures. Cela vous a été décrit par Christel Freund. Et là aussi, il faut aussi que vous puissiez vous en emparer pour faire évoluer et éviter ces loupés et ces moments extrêmement difficiles que vivent ces parents homosexuels.