Oui, c'est l'intérêt, mais je pense qu'il faudra vraiment le cadrer. Nous défendons l'égalité d'accès de toutes les familles. On a évoqué par exemple, et c'est important, l'ouverture au privé. Il ne faudrait pas que l'on crée un accès aux gamètes à deux vitesses en fonction de critères qui seraient à déterminer. Il est vraiment important de garder cette égalité d'accès pour toutes les personnes.
M. Fabien Joly. Sur les solutions, je crois que mon confrère en a déjà esquissé une qui me paraît intéressante, c'est la possession d'état. Évidemment, c'est au législateur d'abroger l'interdiction d'appliquer la possession d'état aux couples de même sexe, tel que prévu par l'article 6-1 du Code civil. Faire ce toilettage ne suffira pas, il faudra aussi modifier d'autres articles, notamment l'article 320 du Code civil.
Il est fait aujourd'hui interdiction à nos magistrats de constater et de reconnaître une filiation lorsqu'une autre filiation de même nature a déjà été établie. Si vous abrogez simplement l'article 6-1, lorsqu'il y a une filiation maternelle établie à la suite de l'accouchement, et qu'on arrive avec notre possession d'état, le magistrat dira : « Mais vous voyez bien qu'il y a déjà une filiation maternelle qui a été établie. » Il ne s'agit pas simplement de faire disparaître l'article 6-1 du Code civil, il s'agira aussi, pour vous législateur, de toiletter l'article 320 du Code civil, en disant qu'il est possible d'établir une double filiation maternelle, voire même une double filiation paternelle.
Je me permets de prendre appui sur votre question pour dire que cette solution peut être évidemment utilisée pour tous les couples de femmes qui, le cas échéant, sont séparés ou qui n'ont pas adopté, parce qu'elles ne pouvaient pas, puisque ces couples n'étaient pas mariés. Cela peut être un élément intéressant.
Après, il y a la limite de cinq ans à compter de la cessation de la possession d'état, mais cela laisse une voie et une fenêtre assez large. Cela permettrait aussi, le cas échéant de pouvoir établir la filiation d'enfants qui sont nés, dans le cadre de conventions de gestation pour le compte d'autrui à l'étranger. C'est le cas notamment dans le cadre de couples de femmes qui ont eu recours à la gestation pour autrui (GPA), ou de femmes seules, parce qu'il y en a, qui ont aussi recours à la GPA. Ce serait un moyen pour elles de pouvoir établir leur filiation en droit français.
J'en terminerai là, parce que comme le rappellent les cours d'appel régulièrement, la possession d'état ne repose pas sur une filiation biologique, mais sur une filiation sociologique. C'est précisément le cas pour deux mères sociales ou deux pères sociaux.