Intervention de Huguette Mauss

Réunion du mardi 27 août 2019 à 11h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Huguette Mauss, présidente du Conseil national de l'accès aux origines personnelles (CNAOP) :

Le CNAOP ne peut pas gérer le dispositif d'accès aux origines pour la gestion d'un registre, parce qu'on change complètement le champ d'intervention du CNAOP, en lui donnant des compétences, notamment médicales, que le CNAOP ne peut pas gérer. C'est le premier point.

Le deuxième point, c'est l'accompagnement que nous exerçons auprès des mères, au moment de la naissance, au moment où elles acceptent d'avoir un contact avec le CNAOP, parce qu'il y a une demande de levée de secret, et l'accompagnement auprès de l'enfant qui recherche ses origines. Cet accompagnement qui est extrêmement important, j'estime qu'il n'est pas nécessaire dans le cas d'un enfant né par tiers donneur. C'est une analyse qu'il faudrait faire, mais je ne veux pas faire une analyse psychosociale ici qui demanderait des investigations complémentaires.

Si on confiait cela au CNAOP, on changerait complètement ses missions et nous n'aurions plus ce centrage sur la relation particulière d'un enfant né dans des conditions très particulières.

En ce qui concerne les conséquences et la motivation pour chercher ses origines, je ne reviendrai pas sur toutes les études qui ont été conduites par des pédiatres, pédopsychiatres, sociologues sur la recherche de son identité, sur la construction. Cela a été largement déjà débattu lors de séances précédentes. Beaucoup d'enfants cherchent à comprendre d'où ils viennent, comment ils peuvent se reconstruire. Dans un certain nombre de cas, la connaissance des origines permet à l'enfant de se réconcilier avec lui-même, et de se sécuriser aussi, même par rapport à sa famille adoptive.

Ce qui est aussi très important, c'est la démarche de la famille adoptive auprès de l'enfant quand celui-ci recherche ses origines. Parce que lorsqu'un enfant qui a quarante ans cherche ses origines, qu'il découvre à la mort de ses parents adoptifs qu'il a été adopté, c'est un autre problème auquel nous sommes confrontés. Souvent, c'est une difficulté qui porte sur la construction même de la famille. Là, on peut trouver effectivement des similitudes entre des enfants adoptés dans une famille où les parents adoptants n'ont pas indiqué à l'enfant qu'il avait été adopté, et l'enfant né par don de gamètes, dont les parents n'ont pas révélé les conditions de la procréation. Effectivement, ce sont des schémas sur lesquels on peut s'interroger. Mais c'est plus l'analyse de la construction familiale, sur laquelle je ne reviendrai pas aujourd'hui.

D'autre part, en ce qui concerne le fait de préserver l'anonymat lorsqu'il y a un problème de santé publique, notre objectif et nos réflexions au sein du conseil sont de faire en sorte que le maximum d'informations médicales puisse être transmis entre les personnes qui savent qu'elles ont un potentiel médical qui risque de se développer sous forme d'une maladie génétique, à la fois de l'enfant, mais aussi de la mère de naissance et de la parentèle. On s'inscrit complètement dans la nécessaire information réciproque, mais en étant les garants de la protection des secrets. On peut, dans un certain nombre de cas, assurer des transmissions d'informations.

Je voudrais revenir sur quelque chose qui nous préoccupe au niveau du CNAOP, c'est le développement de toutes les recherches d'analyse par les banques, les tests d'ADN qui sont faits dans n'importe quelles conditions. Nous, nous refusons, bien sûr, ce n'est pas légal. Nous ne le faisons pas. Un certain nombre de personnes viennent nous voir en nous disant : « Je n'ai pas réussi à obtenir par vos soins les coordonnées de mon père ou de ma mère de naissance. Je les ai eues en passant par des tests génétiques. » Certes, mais on sait aussi qu'il y a des drames. C'est-à-dire que ce sont des démarches personnelles de mères qui vont s'immiscer dans les vies de famille qui ont adopté un enfant et peut-être aussi les détruire. Mais nous avons aussi l'inverse d'enfants qui s'introduisent sans accompagnement.

Et c'est le problème. Toutes ces recherches qui sont faites un peu de façon sauvage ou par les réseaux sociaux peuvent aussi conduire à des situations de nouvelle détresse. Nous sommes assez préoccupés de l'accompagnement social. J'entends bien que les préoccupations médicales doivent l'emporter, mais il faut trouver un juste milieu.

Je voudrais aussi répondre sur les diagnostics néonataux. Je tiens à vous rassurer. Les enfants nés dans le secret sont traités comme les autres au niveau d'une maternité. Tout est pris en charge par le conseil départemental. Les enfants nés dans le secret ne sont pas traités différemment. Il n'y a pas de discrimination. L'objectif est de faire en sorte que l'information soit donnée au maximum, y compris à la famille adoptante, parce que c'est important que le conseil de famille donne suffisamment d'éléments pour éclairer la famille adoptante lorsqu'elle va être proposée pour recueillir l'enfant.

J'ai essayé de répondre à toutes vos questions, mais je voudrais attirer votre attention sur tous les risques qu'il faut maîtriser dans ces affaires, et dont je suis parfaitement consciente. C'est pour cela que je suis prudente, même si je suis un peu passionnée.

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