Intervention de Ludovine de la Rochère

Réunion du mardi 27 août 2019 à 18h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Ludovine de la Rochère, présidente de la Manif pour tous :

Je souhaite répondre en reprenant un propos qui a déjà été exposé lors d'une audition précédente, mais comme il n'y a pas eu de réponse, M. Albéric Dumont prendra ma suite, pour terminer par une question à votre intention.

Si l'assistance médicale à la procréation était ouverte aux femmes seules et aux couples de femmes, les enfants concernés vivraient une absence totale de père : pas de présence paternelle, pas d'amour paternel, pas de père du tout. Certes, nous comprenons tous la puissance du désir d'enfant et nous sommes convaincus qu'une femme seule ou un couple de femmes apporteront de l'amour à l'enfant, qu'il sera choyé, mais l'amour répond-il à tous les besoins de l'enfant, de l'adolescent, du jeune ? La réponse est négative, puisque déjà, nous savons que les enfants nés d'une insémination artificielle avec donneur (IAD) qui ont des parents aimants souffrent quand même de ne pas connaître leur père. En l'occurrence, c'est un aspect que je mets ici de côté.

Allons un peu plus loin. Le père est-il important pour l'enfant ? Compte-t-il dans la vie d'un enfant ? Peut-on dire qu'un père peut être remplacé par une ou deux mères ? Suffit-il d'aimer un enfant pour remplacer un père ? Nous qui avons généralement eu un père, pensons-nous qu'il a été secondaire, superflu, accessoire ? Ces questions nous renvoient également à la différence père-mère et donc à la différence homme-femme, c'est-à-dire à la différence des sexes et même, pour creuser un peu plus la question, à l'identité sexuelle. Le fait d'être homme ou femme est-il important ? A-t-il du sens pour nous-mêmes, notre entourage, nos enfants, pour leur construction psychique ? Je pense par exemple au complexe d'Œdipe. Nous le savons bien, le sexe est une dimension fondamentale de notre être. Il n'est pas possible de balayer d'un revers de la main l'importance de l'identité sexuelle et par la suite l'importance incontournable de la différence des sexes. C'est bien pourquoi père et mère diffèrent l'un de l'autre, non d'une simple altérité, mais bien d'une altérité sexuelle. La paternité et la maternité sont différentes et complémentaires. Pensez tout simplement à l'allure d'un père, à la voix d'un père, à l'attitude d'un père mais pas l'attitude autoritaire, caricaturale et stéréotypée que vous avez décrite, avec une description du XIXe siècle. Le père de chacun d'entre nous a été différent, unique, irremplaçable et à n'en pas douter différent de notre mère, non pas dans les tâches qu'il a effectuées – tout le monde peut faire la vaisselle, cela n'a aucun intérêt de savoir qui fait la vaisselle : c'est dans son être, pas dans le faire.

La question est vraiment profonde, parce que la manière d'être à l'enfant, d'être en relation avec l'enfant diffère entre le père et la mère. Cela explique que l'enfant a bien besoin des deux. D'abord, sans père, il n'y aurait pas d'enfant qui viendrait au monde. Pensons-y aussi. Ce père dont il vient, comme cette mère, l'enfant a besoin de les connaître, parce qu'il en est né, leur doit la vie, leur ressemble ou parfois pas. Tout dépend de ce à quoi on pense, que ce soit le caractère, le physique, etc. Il a besoin d'être en relation avec son père, comme avec sa mère dans la mesure du possible, bien sûr. Incontestablement, c'est une réalité sur laquelle il peut être difficile de mettre des mots, mais je crois que chacun d'entre nous a une idée, une expérience en général de ce qu'est un père, de ce qu'est une mère.

Nous entendons dire parfois qu'un grand-père, un ami, un oncle pourrait être un référent paternel. Je souligne que cela dit bien que la nécessité d'une personne masculine proche de l'enfant est indiscutable. Cette altérité sexuelle est donc bien nécessaire, mais un grand-père, un oncle, un ami a sa vie, sa famille, ses préoccupations. Il ne peut pas remplacer un père auprès de l'enfant ; il n'a pas la même légitimité auprès de la mère de l'enfant qui a la même relation à l'enfant que le père, par exemple pendant les difficultés que peut représenter le moment de l'adolescence. Parler de référent paternel, c'est reconnaître la nécessité de cette altérité, mais c'est rester dans l'illusion. Un père est irremplaçable. Bien sûr, il y a des enfants qui malheureusement vivent, ont vécu sans père. Ils ont bien dû faire avec, mais est-ce une raison pour volontairement, délibérément priver d'autres enfants de père ?

À propos des pères, je voudrais rappeler que la Cour de cassation, dans un arrêt du 14 décembre 2017, a jugé qu'être privé de père cause un préjudice d'affection. Elle soulignait que l'enfant concerné dans cette affaire, dont le père était mort dans un accident de voiture pendant la grossesse de sa mère, souffrait à l'évidence de l'absence définitive de son père. C'est la même question que celle qui nous est posée et encore, dans ce cas, l'enfant savait qui était son père, avec des photos, des images, des récits, etc.

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