Je souhaitais répondre à Mme Dubost, mais je vais pour le moment répondre à sa chaise. Sur la question de l'altérité, nous partageons aussi l'idée que dans une famille, ce qui est important est cette première grammaire de la vie, que l'on apprend à grandir « en stéréo », la plupart du temps entre un homme et une femme. Je rappelle que 75 % des enfants de moins de 18 ans vivent en permanence avec leurs deux parents. Ce sont les chiffres de l'UNAF et l'on n'a pas forcément cela en tête. 17 % vivent en famille monoparentale et 8 % en famille recomposée. L'essentiel des familles de notre pays, les 18 millions de familles de notre pays vivent avec ce modèle familial où l'altérité est quelque chose d'important.
Les familles sont également le lieu où quand les choses ne sont pas dites aux enfants telles qu'elles sont, ils ne vont pas bien. Il n'est pas nécessaire d'avoir fait de longues études de psychologie pour le savoir, c'est de notoriété publique. Quand on change le sens des mots, cela ne fonctionne pas. Je suis contente qu'hier, Mme Belloubet ait tout d'un coup changé et au lieu de parler de « la femme qui accouche et de l'autre femme », puisque le texte est rédigé de cette manière-là : « l'autre femme », elle a finalement parlé de deux mères, parce qu'elle a bien senti qu'il y avait un début de polémique sur les réseaux sociaux. Or il n'y a pas deux mères : la mère est celle qui accouche. Des milliers d'années de droit rappellent que la mère est celle qui accouche. Que vont dire les enfants ? « Il y a ma vraie mère et l'autre mère » ? Quel est le sens des mots ? Finalement, ce qui fait l'unité dans notre pays, ce n'est pas forcément un territoire, mais c'est pour beaucoup une langue qui a un rayonnement sur le monde entier. Cette langue est très précise, subtile et dit des choses claires. Quand les mots qui désignent ce que nous avons de plus charnel, la façon dont nous sommes reliés les uns aux autres, dont nous nous engendrons, dont nous recevons de la génération d'au-dessus ne veulent plus rien dire, ne font plus sens commun, comment les familles de notre pays peuvent-elles être reliées ? Comment pouvons-nous fonctionner de cette manière ? Quand la loi dit des choses qui ne sont pas, cela s'appelle de l'idéologie.
La filiation devrait être désignée avec ce qui est. Un enfant qui va naître d'AMP dans un couple de deux femmes va naître de sa mère, le père sera forcément inconnu et il y aura une conjointe pour la mère. C'est la réalité. C'est ce que va vivre l'enfant, même s'il l'aime beaucoup et y est attaché. Je suis sûr qu'il sera attaché à l'autre femme, quel que soit le nom qui va lui être donné, mais c'est la réalité de ce qui va se passer. Quand on change le sens de la réalité, on est dans l'idéologie.