Intervention de Bertrand Lionel-Marie

Réunion du mardi 27 août 2019 à 18h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Bertrand Lionel-Marie, secrétaire général de la Confédération nationale des Associations familiales catholiques :

En complément de ce qui vient d'être dit, je me permets de citer une journaliste du magazine Elle qui dit : « L'idée qu'il faut changer le corps des femmes pour le plier à la norme sociale du travail, plutôt que de changer la norme est un choix politique contestable. » Je suis 100 % d'accord avec cette journaliste. Tout cela vient des États-Unis et je ne vois pas pourquoi l'on devrait accepter cette vague qui nous submerge. Mme Morinière évoquait ces cas bien connus de Google et Facebook. Il faut savoir qu'en couverture du magazine Bloomberg, la même année, en avril 2014, il y avait un titre : « Freeze your eggs, free your career », c'est-à-dire : « Congelez vos ovocytes, libérez votre carrière. » Il est intéressant de se dire que nous pouvons également lire de façon inversée ce slogan : « Free your eggs, freeze your career. ». Cela signifie que si vous libérez vos ovocytes, vous allez congeler votre carrière. Je ne crois pas que ce soit vraiment un succès, une réussite, une avancée du droit des femmes que de proposer cette autoconservation ovocytaire.

Monsieur le député, pour aller un peu plus loin, vous demandiez ce que nous pourrions proposer comme mesures d'éducation ou d'information. Déjà, il faut repartir du réel. Le réel est qu'aujourd'hui, en France, nous oublions complètement qu'il y a une horloge biologique, parce que nous pensons que la FIV sera le miracle. Non, la FIV n'est pas le miracle ni la solution magique. Déjà, les résultats sont assez mauvais, comme l'évoquait l'un de vous. Il faut donc repartir du réel : à 25 ans, une femme a 25 % de chance par cycle d'avoir un enfant. À 30 ans, elle en a 12 % et à 40 ans, elle en a 6 %. Il faut informer les citoyens sur cette réalité. Il faut informer les femmes, les citoyens, les jeunes femmes, les jeunes filles sur cette réalité. Il pourrait y avoir des propositions tout à fait concrètes en ce sens. Par exemple, dans le code de l'éducation, un article traite de l'éducation à la santé et à la sexualité. Nous pourrions très bien imaginer d'insérer dans cet article du code de l'éducation le fait qu'une information soit dispensée dans les lycées et les établissements d'enseignement supérieur sur les chances de grossesse en fonction de l'âge, que ce soit naturellement ou avec une assistance médicale à la procréation, ainsi que sur les risques inhérents aux grossesses tardives. Derrière tout cela, il y a le fait que l'âge moyen de la première grossesse est passé de 24 ans en 1974 à 28 ans et demi en 2015. L'autoconservation des ovocytes est une mauvaise réponse à une vraie question.

Il pourrait également y avoir des campagnes d'information. Il y en a bien eu sur l'endométriose dernièrement, et sur l'avortement. Il pourrait très bien y avoir une campagne d'information sur l'horloge biologique des femmes. Le ministère de la Santé pourrait mener une campagne d'information. Ce serait utile et cela permettrait peut-être de mettre fin à l'illusion consistant à croire que la FIV va donner un enfant à tout le monde. Aujourd'hui, 40 % des femmes ayant recours à une FIV ont plus de 35 ans, mais ce n'est pas magique. À plus de 35 ans, il est difficile de tomber enceinte, même avec une FIV.

Arrêtons de faire une confiance absolue à la technique, acceptons les limites de nos corps, du corps des femmes, du corps des hommes et éduquons à la sexualité, à la fertilité, mais également à la beauté de nos corps et de notre fertilité, plutôt que de vouloir aller plus avant, vers une option technique qui ne fonctionne pas bien. En moyenne, une FIV fonctionne à 20 % ou 25 % par cycle de FIV et une insémination artificielle à 10 %. Nous ne pouvons pas nous en réjouir. Faisons des enfants plus jeunes, plutôt que d'avoir recours aux techniques.

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