Oui, très rapidement, d'abord sur la question du géniteur et du père. Vous réduisez le père à un géniteur, tout en disant qu'il n'y a donc qu'un géniteur, et vous effacez le père. Il est vrai que dans certains cas, l'enfant a perdu ses parents et dans ce cas, il est adopté. C'est une adoption fondée sur le droit, symbolique. On vient réparer la situation d'un enfant qui a perdu ses parents et l'on essaye de faire au mieux. Ce n'est pas pour cela qu'il faut l'étendre de manière volontaire et délibérée. Vous avez raison, il y a aussi la PMA avec un donneur, mais la différence est que quand on parle du couple homme-femme souffrant d'une infertilité, d'une part il y a cette infertilité, cette pathologie, et d'autre part, l'enfant est bien élevé par un père, un homme qui tient ce rôle au plus près de lui. C'est tout à fait différent.
Vous disiez également que la filiation est juridique. Pardonnez-moi, avant le droit, il y a l'humain ; l'humanité et l'humain passent avant toutes les constructions juridiques possibles et imaginables, y compris le fait d'attribuer deux mères à un enfant, qui est une pure construction juridique. D'ailleurs, pour ma part, je n'ai jamais dit et je ne crois pas avoir entendu que la filiation est biologique. La filiation est charnelle, psychique et bien sûr, il y a toutes les autres dimensions de l'être humain qui sont sociales, affectives, culturelles. Bien entendu, mais quand il y a cohérence entre toutes ces dimensions, nous sentons bien que c'est le plus souhaitable pour tout être humain. Autour de nous, nous avons l'expérience de personnes qui ont subi des déconnexions entre ces différentes dimensions, par exemple les associations d'enfants nés de PMA avec tiers donneur expriment cette difficulté de ne pas savoir d'où ils viennent et d'avoir cette déconnexion entre les différentes dimensions. Ce n'est pas anodin. Autrement dit, amputer sciemment un enfant de père serait véritablement une violence faite à l'enfant. Bien entendu, l'amour est nécessaire et indispensable à l'enfant, mais encore une fois, il a aussi besoin de repères, de savoir d'où il vient, qui lui a donné la vie, etc.
Un autre aspect évoqué tout à l'heure : notre lettre ouverte au Président de la République, où nous évoquons effectivement la position du Conseil d'État qui dit que rien n'oblige, mais rien n'empêche. Il dit que rien n'oblige, parce qu'il n'y a pas inégalité, parce que les situations des couples hommes-femmes, des couples de femmes et des femmes seules sont différentes au regard de la procréation. Cessons donc de parler d'égalité, parce que ce n'est pas le sujet. Il n'y a pas non plus de discrimination. Nous avons cité en particulier le fait que le Conseil d'État dit que rien n'oblige, parce que depuis un certain temps, nous avons véritablement l'impression qu'il y aurait précisément une obligation absolue, impérative et urgente. Nous avons simplement souligné que c'est inexact.
Par ailleurs, le Conseil d'État n'a pas évoqué la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE). Elle est à peine évoquée dans son étude. Pardonnez-moi, mais au passage, le Conseil d'État est tout de même un organe politique et il ne dit rien de l'article 7 de la CIDE qui dit que dans la mesure du possible, l'enfant a le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux. C'est le paragraphe qui concerne sa naissance. À l'évidence, on est en train de parler de ceux dont il est né, de son père et de sa mère. Qu'en est-il du droit ? Qu'en est-il du respect de la CIDE ? La France va-t-elle renoncer à sa ratification ? La France peut-elle sélectionner les articles qui l'arrangent et ceux qui la dérangent ? L'ensemble de ces articles définit ce qui s'appelle la primauté de l'enfant, l'intérêt supérieur de l'enfant. L'article 7 et l'article 3 disent que nous devons dans tout texte, tout projet, toute décision, toute action, tenir compte de cette convention. Comment peut-on mettre à l'écart cet article 7 de la CIDE ? C'est incompréhensible. Encore une fois, le Conseil d'État ne l'a pas évoqué et je ne le comprends pas.
Enfin, je souhaiterais évoquer une autre question qui là encore n'a pas eu de réponse. Nous n'avons pas suffisamment de gamètes en France. Les dons sont gratuits, ce qui n'est pas remis en cause dans le projet de loi. Les couples homme-femme qui ont besoin d'une PMA avec tiers donneur, à savoir 3,9 % d'entre eux, attendent parfois longtemps pour avoir les gamètes dont ils ont besoin. Si l'on ouvre la PMA à des personnes qui ne vivent pas avec un homme ou n'ont pas de relation avec un homme, évidemment, 100 % d'entre elles vont avoir besoin de gamètes. Comment envisage-t-on de faire ? Nous savons que l'on ne va pas rémunérer les donneurs, les hommes, mais en revanche, la Belgique, la Grande-Bretagne, d'autres pays qui ont étendu la PMA aux femmes seules ou couples de femmes achètent des gamètes. Nous le savons, c'est de notoriété publique aujourd'hui. Par exemple, la Grande-Bretagne et la Belgique achètent des gamètes au Danemark et le Canada aux États-Unis. C'est ce qui est arrivé à tous les pays qui ont étendu la PMA : soit ils rémunèrent, soit ils achètent. Comment envisagez-vous de faire ? Comment pourra-t-on garantir que nous ne serons pas absolument à l'encontre du droit français ?