Intervention de Danièle Obono

Réunion du mardi 27 août 2019 à 18h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Obono :

J'ai plusieurs remarques à faire et une question à poser, mais je vais essayer d'être brève. D'abord, je voudrais revenir sur l'interpellation initiale concernant le fait que nous avons déjà nos positions et que d'une certaine manière, la discussion ne sert à rien. D'expérience parlementaire de groupe minoritaire, même si elle est récente, d'une certaine manière, tous les débats parlementaires pourraient être considérés comme cela du point de vue de la France insoumise, mais je crois sincèrement que même quand on a une opinion arrêtée, le débat parlementaire est nécessaire. C'est un moment du débat politique public et démocratique qui peut éclairer, confirmer ou infirmer des points de vue arrêtés et faire avancer notre compréhension du monde, de la société que nous construisons. C'est utile et nécessaire, même si par ailleurs, j'ai pour ma part beaucoup de désaccords, parfois très frontaux, avec certaines des choses que vous avez dites et qui sont défendues. Je considère que certaines alertes sont intéressantes, cela a été dit par d'autres collègues, sur la question de l'infertilité et d'autres réflexions sur la recherche sur les embryons et les risques associés. Il faut que ce soit entendu dans le débat, parce que ce seront des débats que nous allons continuer à avoir dans les années futures.

Je ne crois pas qu'il soit inutile d'avoir ces échanges, y compris pour la compréhension que nous avons de la famille, de ce qui fait une famille, parce que cela renvoie à des conceptions du monde, à des idéologies. Pour moi, ce n'est pas une insulte ou un gros mot. C'est aussi d'idéologies que sont faites les avancées sociales, politiques et démocratiques. Je crois par exemple que l'interruption volontaire de grossesse a été une idéologie d'un certain nombre, portée par des mouvements féministes, qui s'est traduite à un moment donné par des lois, parce que cette « idéologie » s'est diffusée dans la société, que cela rencontrait une réalité. En soi, je ne crois pas que ce soit problématique. Je crois d'ailleurs que c'est l'histoire de la loi et des normes, que de traduire à un moment donné le consensus d'une société, les choix essentiels. C'est tout à fait légitime, il y a des choix différents et la démocratie, c'est aussi le dissensus.

Nous abordons là également les débats que nous aurons par ailleurs sur la question de la filiation, de la famille et des familles qui existent de fait, et qui ont toujours existé. Dans beaucoup de choses dites, je perçois une vision assez statique et rigide de ce qu'est la famille, y compris dans la société française. Or dans le monde, les conceptions de la famille, de la filiation sont extrêmement différentes. Les figures que sont les parents, les pères et les mères sont très différentes dans les sociétés à travers le monde. En France et en Europe aussi la conception nucléaire de la famille est très récente. Selon les contextes historiques, économiques et sociaux, la famille avec des parents figures d'autorité, d'altérité a également évolué. Si les débats peuvent au moins faire émerger ces échanges, c'est intéressant, mais encore faut-il que nous allions plus loin que des visions un peu rigides.

La question d'égalité a été évoquée par l'une des interventions, qui expliquait que l'égalité n'est pas la question. Mon point de vue est que sur la question de la PMA – pas sur l'ensemble du projet de loi de révision bioéthique, où il y a des questions éthiques –, c'est une question d'égalité, y compris sur la question de l'infertilité. Dans beaucoup des auditions qui ont eu lieu, notamment lors de la mission d'information et des débats que nous avons pu avoir, il a été expliqué que certains couples hétérosexuels n'avaient pas de problème de fertilité, que l'on faisait des examens et rien n'expliquait pourquoi ils n'arrivaient pas à avoir d'enfant avec des relations sexuelles sous la couette, etc. Ils ont accès à ces procédures, alors que formellement, scientifiquement, ils n'ont pas de problème d'infertilité. De mon point de vue, c'est une question d'égalité, parce que si nous donnons la possibilité à des personnes de pouvoir avoir des enfants, quelles que soient les raisons pour lesquelles ils ne peuvent pas en avoir, dont l'infertilité, pourquoi ne serait-ce pas possible pour les couples de femmes ? Pour moi, c'est la question cœur. J'aimerais comprendre pourquoi vous niez la dimension de l'égalité sur cette question. En arriverez-vous à défendre le fait que les couples hétérosexuels, pour lesquels il n'est pas attesté qu'ils ont des problèmes d'infertilité, ne devraient pas avoir accès à ces techniques ?

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