Je reprends la question de M. Matthieu Orphelin. Au fond, c'est une question assez violente. Vous nous demandez quand nous allons reconnaître le décalage entre nos peurs et la réalité. J'entends la question. Je le redis, c'est un point de satisfaction, parce que cela semble être consensuel, je l'ai dit à M. Emmanuel Macron lors du dîner sur l'embryon génomique et la PMA, c'est également un point qui a été repris par quelqu'un qui était plutôt un adversaire : puisque nous sommes tous d'accord pour lutter contre l'infertilité, pourquoi n'existe-t-il pas de véritable politique de prévention, de recherche des causes et de solutions ? Chez VITA, nous rencontrons énormément de praticiens, dont certains nous disent qu'ils ont abandonné des chirurgies tubaires, par exemple, parce que ce n'est pas intéressant pour les femmes, qu'il vaut mieux passer directement à la PMA et que c'est trop compliqué. Il faut orienter les choses. S'il y a un décalage assez fort entre nous, c'est que nous pensons qu'il y a un grand scandale en France, à savoir cette montée de l'infertilité, et que malgré le consensus, les pouvoirs politiques ne s'en occupent pas alors qu'une véritable politique serait demandée par beaucoup de Français souffrant de cette infertilité. Je pense aux couples homme-femme qui n'arrivent pas à procréer, parce qu'il y a des problèmes. Parfois, nous ne savons pas pourquoi, vous l'avez dit, mais cela n'empêche qu'il y a quand même un problème.
Qu'est le réel auquel vous nous confrontez ? C'est que tout se passe pour le mieux, dans le meilleur monde homoparental ou monoparental possible. Mais ce n'est pas cela, le réel. Si vous avez entendu uniquement des personnes vous dire que tout se passe pour le mieux, c'est que vous avez été abusés. J'ai une famille et des enfants et cela ne se passe pas du tout pour le mieux. Les adolescents ont des crises d'adolescence et c'est difficile. À un moment donné, il y a des conflits. Si vous les rencontrez, les associations qui accompagnent des familles en difficulté vous diront à quel point il est difficile et complexe d'élever des enfants dans un cadre où il y a eu un manque de père, où l'enfant a été conçu d'une certaine manière et où un très grand désir – nous le voyons dans le cadre de certaines PMA – fait peser sur l'enfant l'injonction de réussir, comme le professeur Testart peut d'ailleurs l'exprimer.
Je crois qu'il y a un vrai tabou quant aux difficultés éducatives dans un cadre « homoparental ». Pour ce qui concerne notre cohérence, chaque fois qu'il y a eu des lois bioéthiques, Alliance Vita a été constant dans sa défense du plus fragile, à savoir celui qui est sans visage et sans voix : l'embryon humain. Nous avons demandé qu'on limite ou interdise la congélation embryonnaire, car nous pensons qu'un être humain vivant ne mérite pas d'être figé dans l'azote jusqu'à ce que s'ensuive je ne sais quoi, c'est-à-dire être éventuellement donné à la recherche qui le détruit. La recherche évoquée sur le fœtus peut aider le fœtus à vivre, ce n'est pas une recherche qui détruit le fœtus. La recherche sur l'embryon détruit l'embryon. Ce n'est pas pareil. L'embryon n'est pas rien à nos yeux. Nous attendons de la science qu'elle nous démontre qu'il n'est rien, mais la science ne sait pas le faire. La preuve est que nous assistons – nous en sommes désolés pour l'embryon et pour l'humanité – à une politique de glissement continu en matière bioéthique.
On ne peut plus nous dire : « Vous êtes hors sujet, parce que vous parlez d'une digue qui n'est pas abordée. » Chaque fois que l'on nous a garanti il y a cinq ans, dix ans, qu'il y aurait telle et telle digue, que ce serait – comme l'a dit Mme Blanche Streb – pour des raisons médicales, petit à petit, tout tombe et il n'y a plus de bioéthique à l'arrivée. Il n'y a plus que quelques petites choses et pratiquement plus de bioéthique. Le dindon de la farce est l'être humain lui-même, parce que la conception de l'homme devient instrumentalisée. J'ai entendu la petite phrase « A qui appartiennent les enfants ? ». À personne. Ils n'appartiennent pas à leurs parents, ni à l'État. Les enfants méritent de naître libres et égaux en droit et nous nous opposons à ce qu'on prive un enfant non encore né d'un droit fondamental, tout en étant absolument d'accord avec vous sur le principe général d'une égalité entre une femme et un homme, je ne peux pas revendiquer d'enfanter mes enfants. Je suis un homme, je ne peux pas le revendiquer. Peut-être que certains hommes commencent à le revendiquer, mais cette distinction, cette dissymétrie est justement ce qui nous rabat un peu le caquet, à nous les hommes ou peut-être aux femmes. Nous avons besoin de l'autre sexe pour procréer, c'est une question d'écologie humaine et c'est une belle limite. En quoi le législateur s'autoriserait à effacer ces éléments, en inventant des procédés qui escamotent l'homme, le père, en le réduisant à un embryon ?