Je vais être rapide et je m'arrêterai là, parce que malheureusement, nous avons commencé en retard et je vais être obligée de partir ensuite. Ce sera donc ma dernière prise de parole.
Je voulais d'abord répondre à Mme Bergé. Vous évoquez le fait que la finalité du texte sur la PMA est d'étendre des droits et non de priver des enfants de père. Le couple homme-femme qui souffre d'une pathologie de la fertilité a un droit à l'accompagnement médical. Il n'a pas de droit à l'enfant. Le couple de femmes ou la femme seule n'ont pas de problème a priori, sont des femmes fécondes. Encore une fois, la situation est différente. Quant à dire que la finalité n'est pas de priver un enfant de père, je l'entends bien et c'est heureux, mais la conséquence est bien celle-là. D'ailleurs, j'entends : « Non, finalement, un père n'a pas beaucoup d'importance. C'est secondaire, il peut être remplacé. » Non, ce n'est pas ce que vous dites, mais la réalité est bien celle-ci. D'ailleurs, nous entendons un certain nombre de propos qui font partie du « male-bashing », que nous n'arrêtons pas d'entendre par ailleurs – pas dans cette enceinte, j'en conviens.
Dire qu'un père n'est rien, qu'il est accessoire pour l'enfant, est également une remise en cause des hommes, il faut bien le voir. Ce n'est pas dit ici, dans cet hémicycle, mais l'effet est celui-ci. Dire qu'un père ne compte pas pour son enfant, que l'on peut l'en priver volontairement est aussi une remise en cause des hommes d'une manière générale.
Madame Obono, vous évoquiez le fait qu'il y a des couples homme-femme dont on dit qu'ils ont accès à la PMA alors qu'ils ne sont pas infertiles. Peut-être que d'après vous, beaucoup de médecins sont dans l'illégalité. Pour ma part et à ma connaissance, il doit y avoir un diagnostic médical constatant une infertilité. Parfois, la cause n'est pas expliquée. Bien sûr, nous ne savons pas encore identifier toutes les causes – sinon nous n'aurions plus besoin de faire de recherche sur l'infertilité. Parfois même, la cause est manifestement psychologique, puisque des couples ont un enfant par PMA, puis un enfant naturellement. C'est assez classique, mais il y a bien eu un constat médical. C'est un processus long et c'est toute la base de la loi et la particularité de la procréation dite médicalement assistée.
Monsieur Orphelin, vous évoquiez les études relatives aux enfants nés dans le cadre d'une PMA en l'absence de père. Je n'irai pas plus loin : le CCNE a dit lui-même que les études étaient dans l'ensemble affectées de biais méthodologiques, des difficultés de recrutement. Les cohortes sont petites, ce sont souvent des militants associatifs qui ont été recrutés et s'expriment pour leurs enfants. À ma connaissance, de manière tout à fait officielle et publique, il n'y a pas d'étude fiable. Nous pouvons donc nous fier à l'expérience humaine, à ce que nous pouvons constater les uns et les autres autour de nous, mais cela reste empirique. En tout cas, le fait de ne pas connaître son père et d'être orphelin de père, que je sache, n'a jamais été quelque chose de formidable pour un enfant. Je ne crois pas que nous puissions le souhaiter à un enfant.
Vous parliez également de peur et de fantasmes, Monsieur Orphelin. Depuis 2012, la Manif pour tous est accusée de répandre des peurs et des fantasmes. Au printemps 2018, Libération a publié une tribune qui disait : « La Manif pour tous avait raison sur tout. » Nous pouvons nous en réjouir, mais je ne crois pas avoir jamais décrit et exposé quelque chose qui ne se soit pas ensuite vérifié, malheureusement, peut-être pas dans les faits, mais en tout cas dans les intentions et les projets qui suivaient. D'ailleurs, quand a été autorisée la PMA avec tiers donneur, on pensait que cela ne poserait aucun problème aux enfants concernés et qu'il fallait leur cacher leurs origines et le fait qu'ils étaient nés par PMA avec tiers donneur. Beaucoup de gens ont contesté, un certain nombre de personnes se sont opposées à cela. On leur a dit : « Vous avez des peurs et des fantasmes. » Ils ont évoqué le risque de consanguinité. Que s'est-il passé quelques années plus tard ? Ils ont créé des associations, ce qui fait aussi qu'ils se sont rencontrés et parfois se sont aimés, pour s'apercevoir parfois qu'ils étaient demi-frères et demi-sœurs. Heureusement, ce n'est pas si fréquent que cela. En tout cas, ils expriment largement, publiquement et depuis des années maintenant la souffrance qui est la leur. Parfois, ce ne sont pas des peurs et des fantasmes, hélas.
Pour finir, vous avez évoqué la GPA. Bien sûr, elle n'est pas dans le projet de loi. Vous nous parlez d'égalité pour des couples dans des situations différentes au regard de la procréation. On parle de marchandisation humaine pour la GPA, mais on la trouve dès la PMA sans père dans tous les pays qui l'ont fait : on s'est mis à acheter des gamètes. Aujourd'hui, on est capable de dire qu'un enfant n'a pas besoin de père. Vous verrez que demain, des gens vous parleront d'égalité entre les femmes et les hommes, des gens vous diront qu'une femme peut s'épanouir en étant mère porteuse. Des gens très connus ont tenu ce genre de propos récemment dans les médias. Ma question est : sur quelle base pouvons-nous garantir qu'après la PMA sans père, il n'y aura pas la GPA ? C'est la parole de quelques ministres. La parole de quelques ministres, pardonnez-moi, mais il suffit de voir M. Édouard Philippe qui a changé d'avis sur la PMA. Je m'arrêterai là, je ne voudrais pas être désagréable. Qu'est-ce qui va garantir qu'après la PMA sans père, il n'y ait pas la GPA ? J'ai une proposition qui serait d'inscrire dans la Constitution l'interdiction de la GPA. Là, cela deviendrait crédible. Autrement, quel autre moyen de garantir qu'il n'y aurait pas de suite ?
J'ai une toute dernière question : comment garantir que les couples souffrant d'une pathologie de l'infertilité, des couples qui ne sont pas féconds – j'insiste – ne seront pas les victimes d'une extension de la PMA ? Qu'est-ce qui pourrait garantir que ces couples n'attendront pas beaucoup plus longtemps, au-delà des deux ans d'attente observés aujourd'hui pour l'accès à la PMA, lorsqu'ils ont besoin de gamètes, pour finalement éventuellement ne pas en avoir ? Une question reste également ouverte pour les personnes souffrant d'une pathologie ou d'une maladie grave susceptible d'être transmise au conjoint ou à l'enfant.
Voilà encore des questions vraiment importantes.