Intervention de Jean-François Delfraissy

Réunion du mercredi 28 août 2019 à 9h40
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Jean-François Delfraissy, président du CCNE :

Je suis fermement partisan du débat citoyen sur des sujets aussi complexes que la bioéthique. Quand je suis arrivé au CCNE, j'ai été frappé par le fait qu'il y avait un groupe d'experts de qualité tout à fait remarquable, mais je me demandais où se trouvait la vision citoyenne. Elle existait déjà, elle s'exprimait dans les auditions, à l'occasion de la construction des avis. Toutefois, elle mérite plus.

Nous l'avons fait à l'occasion des états généraux, où ont eu lieu des auditions du type de celle que nous avons aujourd'hui, et 290 débats menés en région par les espaces éthiques régionaux. Comment va-t-on avancer ? Nous souhaitons aller plus loin dès le 1er janvier 2020, sans attendre le vote final de la loi. Nous souhaitons lancer dans le débat – avec un certain nombre d'espaces éthiques régionaux – une thématique partagée pour une durée d'un an, qui correspond à un axe de réflexion du CCNE, en constituant des comités citoyens. Nous prendrions plus de temps que nous ne l'avons fait lors des états généraux.

Deuxième question : est-ce que nous introduisons un comité citoyen, comme dans les états généraux de la bioéthique, au sein du CCNE ? C'est une vraie question. Est-ce que nous le faisons au niveau national, ou est-ce que nous essayons au contraire de diversifier cela dans le cadre des espaces éthiques régionaux ? Je suis persuadé qu'il faut le faire. Les régions sont un élément essentiel, avec des sensibilités et des missions qui peuvent être nuancées.

Un débat n'est pas totalement tranché au sein du CCNE entre constituer un comité ad hoc, ou – et c'est ce que nous avons déjà démarré – réunir quelques personnes de la société civile qui accompagneraient la construction d'un avis, indépendamment des auditions du milieu associatif ou des représentants des différents groupements français. Le CCNE est une bande d'intellectuels intéressante, mais ils sont un peu coupés du monde, par certains côtés. Il faut aussi se demander ce que pense le citoyen. Comprend-il ce que nous sommes en train de lui dire ? Il ne faut pas faire de la « substantifique moelle ». Il faut à l'inverse essayer – c'est complexe – de se mettre au niveau et de susciter une vision critique des citoyens qui disent qu'ils ne comprennent pas bien notre texte.

Cette première piste est déjà convenue avec les espaces éthiques régionaux. Elle va démarrer sur certains sujets et se déploiera dans certaines régions seulement, qui s'empareront d'un sujet et le travailleront avec un comité.

Indépendamment de cela, il y a d'autres possibilités. C'est ambitieux, mais si nous ne sommes pas ambitieux, que faisons-nous ? Il y a par exemple en France de très grandes mutuelles, qui ont bien entendu des intérêts en termes de santé – il peut y avoir des problèmes de conflit d'intérêts – mais qui ont quand même des approches intéressantes. Nous avons auditionné les représentants des mutualistes français, et le président de la MGEN. Ils ont réfléchi sur certains sujets, et représentent plusieurs millions d'adhérents. Il y a de la part des mutuelles une vraie demande sur la façon dont nous construisons une réflexion de bioéthique.

Nous nous rejoignons donc largement. En tout cas, l'approfondissement du débat citoyen est l'un de mes objectifs prioritaires pour les deux années qui viennent.

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