Dans votre introduction, Monsieur le Président, vous avez indiqué que la réponse possible à des intérêts individuels nous obligera collectivement à faire des choix sur ce que nous ne pourrons pas faire. Permettez-moi de reprendre les interrogations qui m'ont marqué, qui sont émises dans votre avis n° 129. Jusqu'où la médecine doit-elle aller pour un individu particulier et pour la collectivité ? Comment penser l'accès à des soins et techniques coûteux dans un contexte de contraintes économiques croissantes ? Quels sont les critères pour guider l'allocation des ressources rares ? Ces questions sont essentielles, et la manière dont le projet de loi va y répondre pourrait avoir des impacts considérables pour la relation médicale entre le soignant et son patient.
Si le projet de loi ouvre après des modifications – soit en commission, soit en séance – l'accès aux tests génétiques, cela va générer un besoin supplémentaire d'accompagnement pesant sur les conseillers en génétique, comme cela a été mentionné précédemment. Eu égard à leur nombre très limité, ne risque-t-on pas de rendre plus difficile l'accès aux conseils et aux soins pour ceux qui sont effectivement malades, pour des raisons génétiques ? Par ailleurs, en supprimant le critère pathologique pour l'accès à l'assistance médicale à la procréation, n'y a-t-il pas le risque que notre santé publique collective ne traite plus en priorité les personnes qui connaissent une pathologie ? N'y a-t-il pas le risque que notre assurance-maladie prenne en charge ce qui ne relève pas d'une maladie ? Votre avis n° 129 pose très justement la question des ressources et du choix des priorités. Si notre projet de loi étend un droit d'accès à des techniques, mais ne traite pas ces questions, il va générer une tension accrue sur les ressources. S'il ne pose pas de critères pour le choix des patients, cela va laisser aux médecins l'embarras – parfois subjectif – devant les demandes et les volontés plus ou moins puissantes. Ainsi, ne va-t-on pas au final générer de l'injustice ?