Sur les personnes intersexes, un groupe de travail s'est mis en place juste après l'avis n° 129 ; il devrait délivrer un certain nombre de recommandations dans le courant du mois d'octobre. Vous allez dire que cela arrive un peu tard pour la loi ; c'est vrai, mais nous avions de gros sujets à traiter dans un délai très court. Les États généraux de la bioéthique sont un exercice extraordinaire que nous avons dû faire dans un délai extrêmement bref, avec une équipe relativement réduite. Nous ne pouvions pas aborder tous les sujets au même niveau.
L'intersexe est évidemment un sujet important qui a déjà suscité beaucoup de réflexions, y compris de la part de politiques – un rapport du Sénat a été publié. Il nous a paru important, si nous le reprenions, de ne pas répéter ce qui avait déjà été dit, mais plutôt d'essayer de trouver ou de ne pas trouver quelque chose qui pouvait interpeller et déboucher sur une évolution. C'est un sujet difficile.
En tant que médecin, je ne pensais pas qu'il y avait autant de passion entre les équipes médicales et les familles. Nous avons bien fait de prendre un peu de temps et de calmer les choses. Bien sûr, il y a un groupe de travail là-dessus et il va arriver un peu en décalage par rapport à la loi – encore que cela dépend aussi du calendrier que vous allez suivre.
Nous avons évolué sur l'autoconservation des ovocytes. Dans l'avis n° 129, nous avons pris une position pour l'ouverture de l'autoconservation des ovocytes qui tient compte de ce que nous avons entendu lors des États généraux. Ce que nous avions écrit dans l'avis n° 126 était beaucoup plus nuancé, parce nous avions été très sensibles à la question du respect de la femme, qui appelait à ne pas tomber dans l'injonction : « Nous vous embauchons, nous vous payons une conservation des ovocytes et vous ferez un enfant plus tard ». Le respect devait être sauvegardé. Inversement, ce qui est devenu prégnant est que l'autoconservation résulte avant tout d'une décision individuelle. La loi va donc dans le bon sens.
Je pense que le Pr. René Frydman vous le redira cet après-midi, mais parler de la seule autoconservation des ovocytes n'a aucun sens. Il faut parler d'une vraie politique autour de la procréation en France, fondée sur l'information des jeunes femmes sur la différence entre l'âge sexuel, l'âge endocrinien et l'âge de procréation possible, qui sont doucettement mélangés et dont les gynécologues parlent très peu. Il y a un vrai effort d'information générale à faire.
Sur l'autoconservation des ovocytes, le projet de loi va dans le bon sens. Qu'il y ait une participation individuelle ne me choque pas. La prise en charge est réalisée pour l'acte technique, qui n'est pas si simple puisqu'il y a quand même une échographie, une ponction, etc. Ce n'est pas très compliqué, mais ce n'est pas anodin. Qu'il y ait pour quelqu'un qui souhaite bénéficier de ces techniques, une charge correspondant à la conservation elle-même ne me choque pas. On va me dire : « Oui, mais que va-t-il se passer pour les plus pauvres et les plus démunis ? Est-ce que nous ne sommes pas en train de constituer une médecine à deux vitesses ? ». Il s'agit de l'éternel débat français, mais peut-être que cela peut s'étudier. Qu'il y ait une sorte de participation au fait de pouvoir conserver ces ovocytes ou ces spermatozoïdes ne me choque pas plus que cela.
Sur le développement de l'enfant, je crois avoir déjà répondu. Des études ont été réalisées et j'ai déjà dit qu'elles concernaient très peu la France, beaucoup le monde anglo-saxon. Ces études sont de qualité, mais avec des cohortes peu nombreuses. Nous n'avons pas la grande étude qui permettrait de dire : « C'est comme ça et ce n'est pas autrement ». Nous avons une série d'études qui ont comme particularité d'aller toutes dans le même sens, c'est-à-dire de ne pas donner de signal d'alerte sur le devenir psychologique de ces enfants. Je le répète : je souhaite qu'une disposition législative fasse en sorte que nous puissions avoir une étude en France qui permette de raconter l'histoire dans cinq ans. J'insiste là-dessus : nous devons pouvoir savoir quelles ont été les conséquences d'une décision législative. La notion d'évaluation de la loi est insuffisamment développée en France, en particulier sur les sujets de santé publique. Il s'agit d'une bonne opportunité pour le faire sur un sujet sociétal de ce type.