Intervention de René Frydman

Réunion du mercredi 28 août 2019 à 15h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

René Frydman, Professeur émérite des universités, gynécologue-obstétricien :

En ce qui concerne les limites qui pourraient être posées au diagnostic préimplantatoire, l'objectif est de déterminer les embryons sur lesquels il n'est pas utile d'intervenir et de donner un espoir, puisque nous avons la possibilité de savoir s'ils ont ou pas le potentiel de se développer et d'évoluer vers la grossesse et la naissance. Encore une fois, si j'ai bien compris votre question, on peut très bien décider aujourd'hui, en fonction des connaissances, de faire ces examens. Nous n'allons pas entrer dans le détail de l'étude des mitochondries, mais il existe un grand nombre de possibilités sur lesquelles travaillent nos collègues étrangers pour essayer d'apprécier de façon robuste cette potentialité de développement. Il ne s'agit pas d'analyser les caractéristiques de l'embryon afin de le choisir selon qu'il aurait telle ou telle capacité. C'est pour cela que je dis que ce test devrait être soumis à une simple déclaration. On sait ce qu'on recherche, on peut regarder ce qui a été recherché et on peut éventuellement évaluer si cette faculté peut être maintenue ou pas. Voilà comment je vois les choses, et cela me paraît bien préférable à ce système où il faudrait déterminer à l'avance ce que l'on peut faire ou pas. Les choses risquent de changer brutalement, dans peu de temps, si certaines recherches faites à l'étranger aboutissent à ce que l'on puisse effectivement apprécier convenablement le potentiel d'implantation.

En ce qui concerne la levée de l'anonymat, quand un couple vient dans le cadre d'un don, la première chose que je dis est de prendre le temps de la réflexion ; encore faut-il être accompagné, avoir quelqu'un de formé à cela et pouvant renvoyer aux éléments fondamentaux, pour ne pas regretter la démarche ou être perturbés par telle ou telle de ses étapes. Il faut bien parler de ce que sont la génétique et l'épigénétique, et on revient alors à cette question complexe : savoir qui accouche, qui est la mère, qui est le père génétique, qui est le père social, etc. C'est une histoire différente pour chacun. À ce stade, proposer l'AMP dépend aussi de ce qu'il s'est passé avant : si c'est suite à dix échecs consécutifs, ce n'est pas la même chose qu'une prise en charge directe parce qu'on estime qu'il n'y a pas d'autre alternative. Je persiste donc à penser qu'il faut donner une liberté maximale aux trois acteurs : la liberté des parents de dire, la liberté de l'enfant de demander à connaître son donneur et la liberté du donneur, qui a accepté d'être contacté, de suivre ce contact ou pas. C'est le maximum de liberté, me semble-t-il.

Le double don n'est effectivement pas abordé, mais il me semble devoir l'être, parce que beaucoup de femmes qui ont une perturbation de leur ovulation et qui sont seules, vont être autorisées à faire une PMA. D'autres femmes ayant également un trouble biologique vont rester sans possibilité. Le double don pose un problème qui mérite un accompagnement. Je prendrai l'exemple de nos camarades belges qui refusent 15 à 20 % des demandes d'AMP. Ils refusent quand ils sentent que le projet n'est pas équilibré. Dans tous les cas un peu difficiles, y compris en matière de double don, je suis très favorable à ce que l'on s'inscrive dans un protocole, dans une transparence qui donne du recul et permette une évaluation ultérieure, plutôt que prendre des décisions abruptes et décider, a priori, de ce qu'il faut faire ou pas. Le double don appelle un engagement et tout le monde ne peut pas l'accepter.

En ce qui concerne l'intervention des établissements de santés privés, il y a quasiment autant de centres publics que de centres privés d'AMP. En France, le coût de l'AMP est d'environ 3 500 euros, mais dans les centres privés, les honoraires libéraux s'y ajoutent. C'est une information que les couples doivent avoir, mais quel que soit le centre, ils vont être remboursés de la partie prise en charge par la sécurité sociale. Il n'y a pas forcément de dépassement d'honoraires, en tout cas il n'est pas forcément très élevé. Aux États-Unis, ce serait 15 000 euros. L'Espagne est devenue une plateforme commerciale, où tous les excès s'observent en matière de coût de la prise en charge médicale, et il est vraiment temps qu'on puisse s'occuper de nos patientes en France, plutôt que de les laisser aller dans un endroit qui est à mon sens condamnable au regard de ces pratiques commerciales. Si vous y faites tel examen, cela vous coûtera 6 000 euros, tel autre examen, 8 000 ou 15 000 euros. La pression est telle que l'on n'est pas dans le libre consentement, dans la libre information et dans l'accompagnement.

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