Intervention de Geneviève Delaisi de Parseval

Réunion du jeudi 29 août 2019 à 10h40
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Geneviève Delaisi de Parseval, psychanalyste :

J'ai envie de répondre « oui » à vos deux questions, mais je vais un peu développer. D'ailleurs, je le dis dans mon papier, j'étais restée sur le choix entre le 4 et le 4 bis et j'étais un peu désolée de voir que le 4 bis avait disparu du dernier texte du 24 juillet. Je crois qu'il n'y a pas de raison de faire une discrimination négative à l'égard des couples hétérosexuels, qui sont évidemment la majorité de ceux qui font appel à une PMA avec tiers donneur. Je connais bien ces couples, ils sont complètement étouffés par le secret. En général, il y a toujours quelqu'un d'extérieur qui sait. La mère a tendance à en parler à sa sœur, etc. Dès que quelqu'un sait, on connaît le secret de Polichinelle. Le fait qu'il y ait pour ces couples là aussi une déclaration anticipée chez le notaire ne les oblige absolument pas à brandir une pancarte : « J'ai fait appel à un don de gamètes. » Le seul fait de dire à ce personnage incontestable et incontesté qu'est un notaire : « Nous avons fait appel à un don de gamètes et nous vous le disons. Nous ne savons pas si nous le dirons ou pas à notre enfant, mais en tout cas, nous vous l'avons dit. » est bien plus léger que de dire : « Maintenant, c'est nous qui décidons. » J'ai vu des parents dont l'enfant est âgé de 25 ans qui me demandaient : « Ne croyez-vous pas qu'il faudrait lui dire ? » Ils ont quelquefois trente ou quarante ans.

Je vais vous donner une petite anecdote, si vous voulez bien. Un couple que je suis depuis quarante ans est venu me voir, il y a quelques années. Ils ont eu deux enfants par le biais des CECOS et m'ont demandé : « Il faut leur dire. Qu'en pensez-vous ? » Nous avons parlé et ils sont revenus quinze jours après, en disant : « Nous avons organisé un petit dîner avec nos enfants, avec une bouteille, en leur disant que nous avions quelque chose à leur dire. » L'un des enfants leur a dit : « Ce n'est pas la peine de nous cacher. Nous le savons, vous allez divorcer. » Sans doute avaient-ils entendu des discussions entre leurs parents. Ceux-ci ont dit la vérité. L'un des enfants s'est jeté dans les bras de son père en disant : « Merci d'avoir fait cela. Merci de nous avoir permis de vivre, d'avoir donné ton accord. Merci de ce geste héroïque. » Ils m'ont dit cela avec leurs mots et c'était très touchant. Dans beaucoup de familles, les enfants se font un roman familial, pensent qu'ils ont été adoptés, qu'ils sont nés d'un inceste ou d'un adultère. Si les parents ont déjà dit à quelqu'un d'important, qui est le notaire : « Nous avons fait appel à un don. Libre à nous de le dire ou pas. », cela change tout. J'espère que la loi ira dans ce sens.

Quant au fait que la commission qui sera mise en place grâce à vos soins puisse solliciter les donneurs, en leur demandant s'ils seraient d'accord pour révéler leur identité, un peu comme a fait le Conseil national pour l'accès aux origines personnelles (CNAOP), c'est très bien. J'ai suivi de près les travaux du CNAOP et j'ai même participé, avec Mme Ségolène Royal, à la création du CNAOP en 2002. C'est très bien, parce que certains donneurs diront : « Non, cela ne nous intéresse pas. » et d'autres diront oui. J'ai suivi le travail d'une psychologue au CNAOP, il y a peu de temps. Elle a fait un travail remarquable d'accompagnement, entre la mère qui avait accouché sous X et sa fille de cinquante ans qui était ma patiente. Elle les a fait se rencontrer avec elle une fois et ensuite, elle leur a dit : « Maintenant, vous savez. Vous faites ce que vous voulez de cette vérité. » La suite de l'histoire se passe très bien. Je réponds aussi oui à votre deuxième question.

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