Intervention de Geneviève Delaisi de Parseval

Réunion du jeudi 29 août 2019 à 10h40
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Geneviève Delaisi de Parseval, psychanalyste :

Je commence par répondre à M. Bazin. Vous demandez s'il n'y a pas d'autre moyen pour un couple infertile de faire le deuil de sa fertilité. J'allais vous répondre un peu naïvement, en vous disant qu'il y a l'adoption. Vous savez comme moi que l'adoption est un parcours semé d'embûches. Des couples ont fait les deux à la fois et ont des enfants adoptés et des enfants nés de dons. Il y a tout de même une différence majeure par rapport à l'enfant, au développement psychique de l'enfant, à savoir que dans l'adoption, il y a une blessure narcissique à vie, celle de l'abandon. Quelles que soient les circonstances de l'adoption, sa mère de naissance l'a remis soit dans un panier, soit à une institution. Elle n'a pas pu le garder. L'enfant ne sait pas pourquoi et ne saura jamais pourquoi. C'est ce à quoi tente de pallier le CNAOP avec beaucoup d'intelligence.

Dans le don de gamètes, il n'y a pas d'abandon. Le donneur donne pour des raisons qui lui sont propres, que j'ai découvertes moi-même en faisant cette recherche sur les donneurs en 1978, au CECOS de Necker. Le donneur tire des bénéfices secondaires de son don. En général, on vérifie seulement que son sperme est bon, mais il n'y a pas d'abandon. Le recours à un don est une façon tout à fait digne et noble, à partir du moment où le donneur est respecté en tant que personne, de pallier la stérilité, sachant que le don d'ovocytes est un sujet compliqué. Je ne sais pas si vous en parlerez pendant votre mission, mais c'est vraiment très compliqué. Ma religion n'est pas faite, si j'ose dire, parce que j'entends des parents dire : « Oui, il est très important de le savoir. » et d'autres « Ce n'est pas du tout important. » Dans l'ensemble, c'est plutôt : « Ce n'est pas du tout important. », mais je n'en ai pas entendu assez. Je ne sais pas si je réponds complètement.

Madame, votre question est très compliquée et elle en contient plusieurs. Vous avez parlé de la procréation post mortem. Il faut distinguer l'insémination post mortem du transfert d'embryon post mortem. Il y a eu un procès sur une insémination post mortem et pour moi, c'est carrément malsain. En revanche, la transplantation post mortem d'un embryon conçu par le couple, dont la malheureuse Maria Pirès a fait les frais... Son mari a eu un accident d'automobile en venant la voir à l'hôpital, alors que l'on venait de lui faire une fécondation in vitro. Il s'est tué et l'équipe médicale a refusé de transférer cet embryon qui était tout ce qui lui restait de son mari. Cet embryon avait été conçu par eux deux. Il y a eu une levée de boucliers et je crois que cela ne se ferait plus maintenant. C'est une bonne chose. À partir du moment où un être vivant a été conçu par les deux parents, je ne vois pas pourquoi sa venue au monde ne serait pas possible, même si la mort est évidemment très dommageable.

Je me permets de faire une toute petite parenthèse sur un travail collectif que j'ai réalisé avec des historiens, sous la direction de M. Daniel Roche, professeur au Collège de France, sur les enfants nés des veuves de la guerre de 1914. Cela paraît loin du sujet, mais comme vous le savez, un grand nombre d'enfants sont nés post mortem, le père étant mort à la guerre. Un livre a été publié : L\'Histoire des pères et de la paternité. Les historiens ont montré que cette génération d'enfants qui n'ont évidemment jamais connu leur père ne s'est jamais aussi bien portée que toutes les autres générations avant et après. Il n'y a pas eu plus de toxicomanie, etc. Simplement, ils avaient la photo du père qui était à l'époque posée sur la radio et on leur a parlé de ce père qui les avait désirés. La mort est évidemment très triste, mais ce n'est pas ce qui devrait changer les choses, à partir du moment où l'enfant est conçu.

Pouvez-vous me rappeler l'autre question, s'il vous plaît ?

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