Intervention de Geneviève Delaisi de Parseval

Réunion du jeudi 29 août 2019 à 10h40
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Geneviève Delaisi de Parseval, psychanalyste :

Oui, c'est une question très importante. Encore une fois, je ne suis pas juriste, mais je crois que la déclaration anticipée laisse les parents complètement libres. Des parents peuvent dire au notaire qu'ils ont fait appel à un donneur et ne jamais en parler à leurs enfants – j'espère que non. Je fais une projection, puisque le dispositif n'existe pas, mais certains parents viennent me dire : « Vous êtes la première personne à qui nous le disons. » J'écoute et plus tard, ils me disent que le fait de l'avoir révélé à quelqu'un qui ne va pas le répéter à la terre entière les aide, les soulage et que probablement, ils parleront à leur enfant. Cela n'oblige en rien et ne discrimine en rien. Certains parents avec qui j'en ai parlé me disent : « On nous traite comme les homosexuels qui feront une déclaration anticipée, parce qu'ils auront lu le projet de loi. » Pour la psychanalyse, il n'y a pas de distinction entre l'homosexualité et l'hétérosexualité : il y a simplement la sexualité. Je leur dis : « Si vous trouvez que vous êtes mis au même rang que les homosexuels, c'est votre problème, ce n'est pas le mien. En tout cas, pour la psychanalyse, ce n'est pas un problème. »

Le don est un sujet qui me passionne particulièrement. J'ai beaucoup écrit sur le don. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous, dans le sens où si l'on accède à son identité, le donneur va dire : « Je suis donneur, je suis très généreux. » J'ai revu beaucoup de ces donneurs, parce que la recherche que j'ai faite à l'hôpital Necker consistait à les voir au moment où ils avaient donné, c'est-à-dire quelquefois vingt ans avant et à les revoir vingt ans après. C'était passionnant. Ces hommes disaient que cela avait été un moment très important pour eux, que cela leur avait permis de résoudre des problèmes qu'ils n'avaient pas révélés à l'époque, parce que cela n'intéressait pas le biologiste, notamment qu'ils étaient très sensibles à la question de l'infertilité. Leur mère ou leur sœur avaient fait une fausse couche ou avaient eu un problème de fertilité. Quelquefois, ils se reprochaient même d'avoir contraint une compagne à faire une interruption volontaire de grossesse (IVG). Ils avaient l'impression de réparer quelque chose en donnant. J'ai entendu la même chose chez des donneuses d'ovocytes en Espagne qui avaient fait des IVG et pour elles, donner des ovocytes était également réparer quelque chose. Ce n'était pas quelque chose dont ils étaient fiers. Ils en avaient tiré des bénéfices secondaires pour eux.

Vous vous demandiez si la levée de l'anonymat allait toucher aux principes de bioéthique à la française. Lorsque j'ai fait mes premières recherches dans les pays où les donneurs sont dédommagés, ils l'étaient à hauteur de soixante euros. Je leur demandais : « Qu'allez-vous faire de ces soixante euros ? » Ils me disaient : « Je vais aller au restaurant avec des copains ou m'acheter une chaussure de ski, parce que soixante euros, ce n'est pas suffisant pour acheter la paire. » Ils ne donnaient donc pas pour gagner de l'argent. Je sais que des donneurs actuels se vantent d'avoir donné quarante fois, d'avoir pu construire une maison, etc. Les donneurs que je connais dans le cadre des CECOS sont des gens qui donneraient sans problème gratuitement. Un dédommagement de soixante euros n'est pas leur motivation. Je ne sais pas si je réponds bien votre question.

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