Intervention de Geneviève Delaisi de Parseval

Réunion du jeudi 29 août 2019 à 10h40
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Geneviève Delaisi de Parseval, psychanalyste :

Je tâche de répondre à la première question sur le fait que j'ai évolué. C'est vrai, j'ai évolué, non sans doute. En termes psy, pour se développer, je crois qu'un enfant a besoin de deux parents. J'ai dit cela il y a très longtemps, en disant que le sexe des parents n'était pas si important que cela, mais que le fait qu'ils soient deux était très important pour moi, psychanalyste. Entre-temps, la société a évolué. N'oublions pas que depuis 1966, le législateur autorise l'adoption pour un célibataire. Finalement, il y avait une espèce d'équation à quatre coins, impossible à résoudre. Je me suis dit : « Puisque la société a évolué et que ces parents peuvent adopter, pourquoi ne pas accepter la PMA pour les femmes célibataires ? » En plus, j'ai rencontré plusieurs associations, notamment Mam'ensolo. Ce sont des femmes très bien, qui ne font pas partie des femmes célibataires en situation précaire sur le plan financier. Ma réponse n'est pas très satisfaisante. Je préfère le couple, un couple femme-femme ou homme-femme, mais je constate qu'un certain nombre de femmes célibataires n'ont pas trouvé le bon partenaire et arrivent à quarante ans. À ma connaissance, cela se passe bien, mais je ne connais pas tout. J'ai donc évolué.

Vous avez sûrement compris la différence entre l'insémination post mortem et le transfert post mortem d'un embryon. Il y a eu un procès célèbre à l'époque, d'une femme qui disait « Mais mon mari était tout à fait d'accord. » Le fait d'avoir du sperme ne garantit pas le succès de l'AMP. Sinon, toutes les inséminations fonctionneraient. C'est une possibilité d'enfant, une virtualité d'enfant. Quand un embryon a été conçu, cela ne va pas non plus forcément fonctionner, mais l'embryon est conçu. Il y a une différence entre cette virtualité du sperme tout seul et le fait qu'un embryon ait été conçu par les deux parents. Je me souviens très bien de cette personne : en discutant avec elle, j'avais vu que ce qui était important, c'étaient surtout ses beaux-parents, qui avaient fait un peu pression sur elle, pour que leur fils mort ait un descendant. Plusieurs personnes lui ont dit : « Vous êtes jeune, vous rencontrerez quelqu'un. Il est très triste que votre mari soit, mais à 24 ans, vous rencontrerez quelqu'un. » Elle subissait vraiment la pression de ses beaux-parents. Il y a eu des articles là-dessus. Elle était bien consciente du fait qu'avoir le sperme de son mari dans une éprouvette n'offrait pas une garantie absolue. À la lumière de ce cas, et j'en ai vu un ou deux depuis, je crois vraiment que cela n'a rien à voir avec le transfert d'un embryon post mortem. Le travail de deuil est très différent.

L'accompagnement des parents est une question fondamentale et cela concerne toute la loi. La commission que vous allez créer sera extrêmement importante. Les parents sont absolument seuls, ne sont accompagnés à aucun moment. Il y a trente ans, on leur disait : « Vous avez de la chance que la stérilité soit d'origine masculine, parce qu'il y a l'insémination artificielle avec don de sperme (IAD). Monsieur, votre sperme est infertile, mais on met à la place celui d'un homme fertile et c'est bon. » C'était dit de manière plus nuancée, mais ils ne sont jamais accompagnés, ou alors ils se font accompagner en payant. La commission devrait mobiliser des psychologues pour accompagner les parents. Je vois l'importance de l'accompagnement, mais arriver à prendre rendez-vous chez un psy, ce n'est pas rien. Beaucoup ne le font pas et se contentent d'un système très opératoire, en disant : « Nous avons réglé le problème d'un point de vue médical, donc c'est bon. » L'accompagnement à tous les niveaux est vraiment fondamental et la France s'honorerait de le faire.

En Belgique, je collabore avec l'équipe de FIV de l'hôpital Saint-Pierre, dirigée par le Pr Houvirse, et tous les parents voient quelqu'un. On ne leur demande pas leur avis, on leur dit : « Cela vous embête, mais il faut le faire. » Quelquefois, cela débouche sur quelque chose, mais au moins, ils ont vu quelqu'un et pourront peut-être, dix ans après, en reparler à cette personne ou à une autre.

Je ne sais pas si l'âge précis d'exercice du droit est très important. En général, on dit que c'est quand l'enfant est suffisamment mûr pour entendre cela. Je crois que les adolescents sont très mûrs maintenant. Des parents me demandent s'il faut le dire à six ans, à l'âge de l'entrée en CP. C'est difficile, parce qu'il faut connaître l'enfant. Si les parents sont au clair avec cette identité narrative, pour reprendre l'expression de Paul Ricœur, ils le disent très tôt. D'ailleurs, je vois que les jeunes couples le disent à la naissance. Ils le disent même quand le bébé est dans le ventre de la maman.

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