Intervention de Pr Corinne Antignac

Réunion du jeudi 29 août 2019 à 19h15
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Pr Corinne Antignac, responsable scientifique du Centre de ressources biologiques de l'hôpital Necker (CRB-ADN) :

Je suis ici en tant que responsable scientifique du Centre de ressources biologiques, mais je suis surtout à la fois médecin et chercheur. Je suis néphrologue de formation et je m'intéresse aux maladies rares de l'enfant. Je dirige une équipe de recherche dans l'Institut Imagine, l'institut des maladies génétiques. Nous sommes d'abord très honorés et un peu aussi impressionnés de participer à cette audition par la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique. L'audition porte – c'est ce qu'on nous a demandé – sur l'article 18, qui a pour objet de faciliter la recherche nécessitant des examens de génétique sur des collections d'échantillons biologiques conservés à l'issue de soins médicaux ou de recherche. Il est certain qu'en tant que chercheurs, nous ne pouvons que nous réjouir de la volonté facilitatrice, simplificatrice, de cet article. Nous avons analysé l'article 18, et le fruit de cette analyse a été rapporté dans la note de synthèse que nous vous avons fait parvenir. Globalement, le principe de l'article est de permettre l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne à des fins de recherche, à partir d'éléments prélevés à d'autres fins lorsque cette personne, dûment informée du programme de recherche, n'a pas exprimé son opposition. C'est effectivement un point crucial pour permettre l'utilisation des échantillons biologiques qui sont conservés dans les centres de ressources biologiques dont nous nous occupons, et qui sont en quelque sorte le fruit du travail de médecins, de chercheurs et des hôpitaux depuis de nombreuses années. En effet, il se pose toujours la question de l'utilisation maximale des échantillons, parce que ce sont un travail et des coûts énormes qui permettent de constituer toutes ces banques, et il est vraiment important de pouvoir les utiliser au maximum.

Nous voudrions soulever quatre points. Tout d'abord la distinction entre « programme de recherche », qui est introduit ici, et « projet de recherche », qui était utilisé précédemment. On voit bien la différence entre les deux termes, le programme de recherche étant beaucoup plus large. On ne peut que se réjouir de ne devoir présenter que le programme global et non pas des projets extrêmement précis. On se demande quand même comment vraiment définir les programmes de recherche pour qu'ils ne soient pas en contradiction avec la réglementation sur la protection des données où, au contraire, il est demandé que la finalité soit précisément déterminée, explicite et légitime.

Le deuxième point concerne la différence de traitement vis-à-vis des caractéristiques génétiques en fonction des situations. En effet, l'étude génétique peut être conduite à partir de prélèvements faits dans une optique de génétique, ou à partir de la réutilisation de prélèvements qui avaient été faits avecaz une autre finalité. Dans ce cas, on ne dispose plus du consentement éclairé, signé par la personne. Cela peut poser un certain nombre de problèmes, en particulier au regard des données fortuites évoquées dans l'article 10.

Le troisième point touche au droit d'opposition. Le projet de loi prévoit qu'il peut être exprimé sans forme, tant qu'il n'y a pas eu d'intervention sur le prélèvement concerné. Nous nous posons la question de savoir ce qu'est une « intervention ». Si l'intervention couvre les actes nécessaires à la conservation, dont on ne peut se passer, il n'y a alors presque plus de possibilités d'exprimer une opposition avant le début de l'intervention. En fait, cette disposition, au lieu de faciliter les choses, risque de priver la personne de son droit d'opposition et, du coup, de l'inciter à dire immédiatement : « Je ne suis pas d'accord pour ce projet de recherche si ultérieurement je ne peux plus intervenir sur mon échantillon ».

La dernière chose, qui est pour les banques de ressources un point crucial, concerne le retour vers la personne, notamment les critères qui permettent de déterminer que la personne ne peut pas être retrouvée, et surtout les moyens qu'il faut mettre en œuvre en vue de la retrouver. Le fait que la personne n'habite plus à l'adresse indiquée peut-il être tenu comme suffisant ? Ou faut-il aller beaucoup plus loin dans la recherche ? Il faut savoir que cette appréciation dépend beaucoup des comités de protection des personnes (CPP). Les chercheurs souhaiteraient que soient unifiés les critères permettant de conclure que l'on ne peut pas retrouver la personne.

Une dernière chose : il faut se rappeler que, contrairement à ce qui est écrit dans le projet – c'est du moins ce que l'on a compris –, c'est seulement le médecin du patient qui peut contacter celui-ci, et non le responsable du programme de recherche, parce que ce dernier n'a pas accès aux noms des personnes. Il a simplement accès à un code. Par conséquent, le « retour vers le patient » fait reposer beaucoup de responsabilités et de travail sur le médecin qui a initialement permis l'obtention de l'échantillon, et qui d'ailleurs, si c'est plusieurs années après, peut être parti à la retraite.

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