Intervention de Daniel Borrillo

Réunion du lundi 2 septembre 2019 à 16h05
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Daniel Borrillo, Université Paris X-Nanterre :

Pour rebondir sur l'accouchement sous X et le droit à l'identité, la CEDH a dit clairement que l'accès aux origines fait partie du droit à l'identité, reconnu aujourd'hui comme un droit fondamental, et que ce droit à l'identité est un droit relatif, dans le sens où l'on va tenir compte de l'intérêt de la femme qui accouche de manière anonyme et des droits de la personne à avoir accès à cette information. Quand la Cour va débouter une personne ayant demandé un droit absolu à avoir accès à son identité biologique, elle va considérer que le système français, autour du CNAOP, permet d'établir un équilibre entre ces deux intérêts : celui de protéger la vie privée de la femme qui accouche sous X et celui de l'enfant à avoir une information. La médiation du CNAOP permet ensuite, si les deux parties sont d'accord, de disposer non seulement d'informations non identifiantes, mais aussi d'informations identifiantes.

C'est ce que dit actuellement la CEDH. Peut-être évoluera-t-elle. J'ignore si tous les pays disposent d'un système d'accouchement anonyme tel que le système français, mais je crois que confondre la filiation avec l'engendrement remettra en question l'accouchement sous X. J'irai jusqu'à dire qu'on pourrait remettre en question le système français de la filiation incestueuse. Pourquoi, au nom de l'accès aux origines, ne donnerait-on pas, comme le permet la loi suédoise, la possibilité de connaître le nom et d'avoir des renseignements sur ses géniteurs, y compris dans ce système de filiation interdit en France qu'est la filiation incestueuse ?

Il est fondamental de bien dissocier la question du droit aux origines et à l'identité et celle de la filiation, d'autant plus que la DAV est apparue à un moment donné comme une conséquence de l'évidence qu'en dehors de l'acte de naissance, il n'y a aucun moyen de pouvoir donner ou garantir à la personne la possibilité d'avoir accès à ses origines. Or, le droit comparé et le droit international montrent qu'il existe d'autres mécanismes que l'acte de naissance. Certes, la copie intégrale de cet acte n'est pas accessible à tout le monde, mais elle l'est assez facilement si l'administration en fait la demande dans ce qui pourrait être considéré comme une mission de l'État de garantir le droit à la vie privée. Pourquoi ne pas imaginer, comme cela existe dans d'autres pays, un système d'accès aux origines qui ne repose pas sur l'acte de naissance ? Aux Pays-Bas ou en Suède, cette information est presque de même nature qu'une information médicale. Elle est détenue par les cliniques ou les hôpitaux et peut être demandée en cas de soupçon fondé sur la manière dont on a été conçu. Il est évident qu'un enfant issu d'un couple de lesbiennes aura un soupçon et pourra demander cette information.

J'ignore pourquoi il est établi dans l'opinion publique, dans les débats et dans les auditions qu'en dehors de la copie intégrale de l'acte de naissance, il n'existe pas d'autre moyen d'accéder aux origines. Il faudrait y remédier, car le fait que cela passe par l'acte de naissance entretient cette confusion entre engendrement et filiation. Il nous a fallu des siècles en droit pour pouvoir dissocier l'engendrement de la filiation et aujourd'hui, on les associe par cette idée que l'unique système qui permettrait l'accès aux origines est la copie intégrale de l'acte de naissance.

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