Je me suis sans doute mal exprimée. Je crois avoir dit que, pour les enfants privés de père, l'action en recherche de paternité était importante. Je ne me souviens pas d'avoir dit que les enfants privés de père recherchaient plus leurs origines. J'ai dit que je saluais tous les progrès de l'histoire des enfants naturels depuis 1942, qui permettent à des enfants privés de père, non pas de chercher leurs origines, mais de chercher un père légal. C'est toute la différence. Ils ont besoin d'un père légal. Et, en général, les actions en recherche de paternité ont une finalité financière et une finalité de reconnaissance, d'intégration à la société.
Quand j'ai dit que les enfants privés de père faisaient des actions en recherche de paternité – elles sont ouvertes depuis 1942, mais étaient interdites de 1804 à 1942 –, cela concernait les cas où un homme s'était défilé. Mais je suis d'accord avec vous pour dire que l'action en recherche de paternité va désigner le géniteur, parce qu'il s'agit du stade du contentieux. Il n'y avait pas d'examen comparé de sangs auparavant. Ce n'est pas pour autant que le législateur n'avait pas de solution. On disait « l'homme qui a vécu en concubinage notoire avec la mère à la période de conception ». À partir du moment où les juges ont eu la boussole de l'expertise génétique, ils s'en sont saisis. Une action en recherche de paternité est donc aussi aujourd'hui une recherche de ses origines.
En ce qui concerne la question très compliquée des enfants intersexes, je précise que je ne travaille plus au CECOS, mais à l'hôpital Bicêtre, à mi-temps, dans l'un des services de référence des enfants qui ont une variation du développement génital. Par rapport aux mentions sur les actes d'état civil, j'ai toujours été très dubitative. J'ai participé aux travaux de Mmes Irène Théry et Anne-Marie Leroyer relatifs à ces questions. À l'époque, je n'étais déjà pas d'accord avec le fait qu'on le mentionne dans l'acte de naissance. Les enfants intersexes étaient appelés « hermaphrodites », et l'on parle aujourd'hui de « variation », de « différence », de disorder of sex development. Je récuse totalement cette idée de disorder.
C'est en travaillant au contact des familles qui ont des enfants intersexes que je me suis aperçue, en tant que juriste, à quel point il était difficile dans la vie d'un enfant d'avoir dans l'acte de naissance des mentions qui relèvent du dossier médical. Parce que les médecins se sont trompés, ont mal identifié les gonades, mal identifiées l'appareil génital, mal identifié l'appareil urinaire, pour toute la vie on va avoir indiqué « sexe féminin », et dessous « rectification en sexe masculin ». Et l'enfant ne s'appellera plus Rose, mais Marc. C'est très compliqué à porter. Je me suis aperçue du bouleversement et de la honte qu'engendrent des choses qui relèvent d'informations médicales sur un acte de naissance. Et cela m'a fait cheminer sur la question des mentions sur les actes de naissance dans le cas général.
La question est très complexe et je ne suis pas médecin, je n'essaierai donc pas de faire une classification. Mais, depuis les années 1950, l'endocrinologie a réalisé des progrès considérables et les médecins savent reconstruire des appareils génitaux. Je ne veux pas lancer la pierre aux médecins ou décrier ce qu'ils ont fait. Quand ils sont intervenus dans les années 1960-1970, quand la médecine a permis d'allonger des petits pénis, de tirer des urètres, d'aboucher un vagin ou un périnée, ils l'ont fait parce qu'ils pensaient que c'était la meilleure façon pour que l'enfant s'intègre dans la société.
Puis l'on s'est aperçu qu'avec ces interventions chirurgicales irréversibles, on avait une probabilité sur trois ou quatre de se tromper. Vous me direz que l'on peut toujours allonger, raboter, couper, mais il s'agit quand même d'organes sexuels qui sont éminemment sensibles. Si l'on se trompe, on ne peut pas remettre de la sensibilité. Quand on coupe le clitoris d'une petite fille parce qu'elle a une hyperplasie congénitale des surrénales ou parce qu'elle a un clitoris trop grand, l'on sait que l'on va attenter à sa sensibilité sexuelle. Mais on le fait parce qu'on pense que ce sera mieux pour elle d'avoir un clitoris qui ne dépassera pas quand elle ira à la piscine. Mais qui va regarder entre les jambes d'une petite fille ?
On a voulu faire du mieux possible, comme les CECOS l'ont fait à un moment donné pour le secret, puis l'on s'est rendu compte que l'on peut se tromper. Des études anglo-saxonnes montrent que, pour certains types de variations du développement génital – en particulier les insensibilités totales ou partielles aux androgènes –, un quart des enfants changent de sexe. Ils deviennent trans à l'adolescence. C'est quand même ennuyeux, puisque, de fait, on leur a enlevé la moitié des organes génitaux qui auraient pu leur permettre d'avoir une vie sexuelle normale. On n'a pas tous la même vie sexuelle et l'on peut ressentir du plaisir de différentes façons. Pourquoi donc attenter à ces organes génitaux ?
On s'est aussi aperçu que ces opérations devaient très souvent être réitérées. Vous pouvez regarder à ce sujet un film magnifique, Ni d'Ève ni d'Adam, qui est le récit filmé – de manière très pudique, mais aussi avec beaucoup de bonheur et d'espoir – de ces personnes qui ont pendant très longtemps été enfermées dans leur corps, qu'on a reformaté, qu'on a assigné, qu'on a bouleversé, qu'on a charcuté, et qui ne pouvaient pas en parler. Elles racontent des souvenirs d'enfance, où elles sont passées plusieurs fois sur le bloc opératoire. Bien entendu, la science a progressé. Bien entendu, la chirurgie pédiatrique a fait d'énormes progrès. Mais il y a encore beaucoup de reprises d'opérations.
Le point noir, c'est qu'il n'y a aucune étude de suivi. Il n'y en a pas parce que les cohortes sont très difficiles à suivre. La moitié d'entre elles désertent. Les médecins optimistes diront que c'est parce qu'ils sont finalement contents et n'ont plus besoin d'eux. Mais un médecin réaliste dira : « C'est parce qu'ils ont été tellement malmenés par la médecine qu'ils ne veulent plus nous voir. » Pour la grande étude européenne DSD-Life, financée par la Commission européenne, la moitié des patients ne répondaient pas, par rapport à l'ensemble des dossiers des médecins d'Allemagne, de Belgique, de France, d'Italie, d'Espagne. Pourtant, ces patients sont adolescents ou adultes. À toutes les questions telles que « Comment vivez-vous les choses ? » nous n'avons pas de réponse. Ceux qui sont contents répondent, mais la moitié n'ont pas répondu.
On ne peut pas aujourd'hui ne pas réfléchir à la prise en considération du consentement de l'enfant. Je ne veux pas dire que l'on n'opérera pas ces enfants. Il ne faut pas les laisser comme cela. On est d'accord sur le fait que ça va être difficile, mais on peut attendre qu'ils soient en âge de raison. L'âge de raison n'est pas 18 ans. Un enfant a conscience de son genre assez vite. La Cour constitutionnelle de Colombie a considéré que c'était à partir de 8 ans qu'un enfant pouvait dire dans quel sexe il se sentirait le mieux. Le conseil d'éthique suisse a dit que c'était à 10 ans. On n'est donc pas obligé d'attendre, on peut par exemple intervenir avant la puberté sur des filles qui auraient besoin que leur vagin soit étendu avant qu'elles n'aient leurs règles. On peut expliquer, faire adhérer et demander un consentement.
Je travaille avec Mme Claire Bouvattier à l'hôpital Bicêtre, qui dispose maintenant d'une cohorte d'enfants qui ne sont pas opérés. Cela demande un suivi très important avec les parents. Elle se consacre à ces parents, et ils se portent très bien. Ils accompagnent leurs enfants jusqu'à l'âge de 10-11 ans, où elle commence à parler de la chirurgie. Elle va alors expliquer à l'enfant ce qui va se passer, expliquer que l'intervention vise à l'intégrer dans le genre dans lequel il se sent le mieux. Il faudrait réfléchir à ces questions. Nous avons été condamnés par plusieurs instances internationales sur ces sujets.