Intervention de Laurence Brunet

Réunion du lundi 2 septembre 2019 à 18h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Laurence Brunet, chercheuse associée à l'Institut des sciences juridiques et philosophiques de la Sorbonne (université Paris-1 Panthéon-Sorbonne) :

Sur l'éviction de la suprématie de la biologie, je redirai que le droit français – parce qu'il découle directement du droit romain, qui a été repris par les artisans du code civil en 1804 – a fait que le droit non contentieux de la filiation ne repose pas sur la biologie. Il repose sur des vraisemblances, il repose sur des représentations. Mais en 1804 on savait très bien que la volonté du législateur était de faire bénéficier de la légitimité le plus d'enfants possible. Pour le désaveu de paternité, il faut que l'adultère ait été caché au mari pour qu'il puisse être invoqué. Depuis toujours, le droit essaie de faire bénéficier les enfants de ses bienfaits. Il leur permet d'avoir un cadre juridique et des responsables.

Il faut donc vraiment revenir sur cette fausse croyance qui donne l'impression que la filiation se collait au biologique, et ce à cause de l'expertise biologique. Je salue les mérites de celle-ci, mais je suis la première à dire qu'elle est critiquable. La bonne preuve, c'est que, dans l'ordonnance de 2005 sur la réforme de la filiation, le législateur a considéré que, en matière d'expertise biologique dans le cas de contentieux – qui est son empire, là où elle est toute-puissante –, les prescriptions de trente ans étaient trop longues. La preuve biologique bouleversait en effet la paix des familles.

En conséquence, en 2005, le ministère de la Justice a ramené ce délai à cinq ans de possession d'état. Il n'y a pas eu de loi, c'était une ordonnance. Cinq ans, c'est court. Peut-être que la Cour européenne va nous condamner à ce sujet. Dès lors qu'un homme a donné son affection à un enfant pendant cinq ans, c'est terminé : qu'il soit le géniteur ou qu'il ne le soit pas, plus personne ne peut le contester. Un homme a fait une reconnaissance, il a élevé cet enfant cinq ans : c'est son père à vie. Il faut donc bien comprendre les ressorts de notre droit à la filiation.

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