Comme vous le dites, une des mesures importantes du projet de loi est la distinction, introduite au regard des enjeux éthiques, entre le régime d'autorisation, maintenu pour la recherche sur l'embryon (qui a pour conséquence la destruction d'un embryon), et un régime de déclaration, introduit pour la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines. Ceci conduit à la fois à un assouplissement des conditions de fond et à des règles procédurales allégées, tout en maintenant un droit de regard de l'Agence de la biomédecine : elle disposera d'un pouvoir d'opposition quand elle considérera que les conditions ne sont pas réunies, y compris les conditions éthiques. Je rappelle que les cellules souches embryonnaires humaines ne peuvent pas redonner un organisme viable et que l'embryon a été détruit au moment de la dérivation des lignées de cellules. Cette distinction des régimes avait été fortement demandée par les équipes de recherche et cette préoccupation avait été évoquée dans le bilan d'application de la loi fait par l'Agence. Le sujet de la conservation n'a pas été traité parce qu'il n'était pas prioritaire, à la différence des protocoles de recherche, y compris parce que ces protocoles font l'objet des contentieux évoqués.
Le sujet des DPI, du DPIA, est complexe parce qu'il convient de définir à quelle hypothèse on souhaite appliquer le DPIA. Êtes-vous dans l'hypothèse où des couples sont déjà dans un parcours de DPI et on rajoute le DPIA ? Sommes-nous dans l'hypothèse où l'on permettrait le DPIA à tous les couples en procédure d'AMP ? Si l'on considère qu'il y a une vraie valeur ajoutée, le proposerait-on à tous les couples qui entreraient dans une procédure de procréation et qui répondraient à des caractéristiques d'âge ou autres, ou qui auraient des fausses couches ?
J'ai pu assister à de nombreux débats dans les congrès médicaux. Au-delà des questions de périmètre et d'efficacité, tout cela n'est pas neutre et a un coût : c'est un défi organisationnel. Le proposer à large échelle suppose de disposer de professionnels en mesure de l'offrir. De nombreuses questions sont ainsi soulevées. Les équipes de recherche souhaitent définir un protocole de recherche. Il me semble que la lettre d'intention du PHRC (programme hospitalier de recherche clinique) a été acceptée justement pour faire à la fois une recherche d'efficacité et une recherche médico-économique dans un contexte français – nous avons des études à l'international, pas toujours randomisées d'ailleurs. Nous avons tous besoin de ces données en contexte français pour éclairer les questions que nous nous posons tous et qui sont légitimes.
Le sang de cordon et le sang placentaire récupéré au moment de l'accouchement avaient beaucoup occupé les débats à une époque, et avaient pu nourrir beaucoup d'espoir. Une politique très active de collecte de sang de cordon avait été menée. En dehors de la greffe de sang placentaire dans l'hypothèse de maladies graves du sang, notamment en matière pédiatrique, les espoirs ne se sont pas nécessairement confirmés même si un regain d'intérêt ressort pour ces cellules actuellement. Dans le domaine de la recherche, il n'y a pas eu beaucoup d'applications autres que la greffe de cellules souches hématopoïétiques, essentiellement dans le domaine pédiatrique. Il est toutefois possible de l'envisager pour l'adulte, ce qui est vécu comme une greffe alternative : on cherche d'abord un donneur familial, puis un donneur le plus compatible possible en dehors du périmètre familial. Le sang de cordon intervient quand on n'a pas de donneur compatible. L'activité ne s'amplifie pas parce que par définition, nous n'avons pas beaucoup d'autres hypothèses d'emploi et aujourd'hui, plus de 36 000 lots de sang de cordon sont conservés. L'objectif fixé par le plan greffe sur les cellules souches hématopoïétiques est de conserver environ 1 000 lots de sang de cordon par an. Néanmoins, même dans le domaine des cellules souches hématopoïétiques, il y a un vrai questionnement sur la bonne stratégie thérapeutique, au regard du développement de la greffe haplo-identique qui, dans un certain nombre de cas, peut entrer en concurrence directement avec les greffes alternatives, dont le sang de cordon, et qui a un intérêt par rapport au sang de cordon : on reste dans le cadre familial. D'un point de vue organisationnel, le donneur et le receveur sont présents, les choses sont plus faciles à organiser.
Des études ont été autorisées par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), menées avec le soutien de leur société savante, la SFGM-TC, et de l'Agence de la biomédecine qui notamment fournit des données, afin de définir l'intérêt du sang de cordon par rapport aux autres stratégiques thérapeutiques visant à soigner les maladies graves du sang. Les professionnels nous disent que le sang de cordon occupera une place probablement moins importante que celle qu'il a pu avoir dans le passé. Il faut savoir quelle sera cette place résiduelle, pour quelles indications, sachant que d'autres innovations thérapeutiques existent dans ce domaine très dynamique. Aujourd'hui, à titre conservatoire, on maintient l'activité, car nous savons que si on l'arrêtait, elle ne repartirait pas. Elle répond aux besoins exprimés mais nous verrons dans les deux ou trois années à venir quelle sera la place du sang de cordon dans la stratégie thérapeutique.
Quant à la recherche sur l'épigénétique, l'Agence ne peut être concernée que par la recherche purement fondamentale sur l'embryon, sans visée gestationnelle. Dès lors que nous passerons à des recherches plus « cliniques », des recherches biomédicales, c'est l'ANSM qui deviendra compétente. Nous lisons beaucoup de choses, avec beaucoup d'intérêt, ce qui peut d'ailleurs nous amener à soutenir diverses recherches dans nos programmes. La façon dont on peut aborder ce sujet est cependant assez circonscrite : nous sommes intéressés simplement parce que la recherche sur l'embryon aujourd'hui est très tournée vers des techniques d'AMP. Toutes ces problématiques ne sont pas sans lien.