Je rappelle le principe du DPI HLA, qu'on appelle parfois « bébé médicament » ou « bébé du double espoir ». Un enfant est atteint d'une maladie. Une greffe de sang de cordon compatible venant d'un autre enfant de la fratrie permettrait éventuellement de le soigner. Une grossesse est engagée et vous espérez que l'enfant qui va naître dans le cadre de cette grossesse sera compatible. Pourquoi passer par la procédure de DPI ? Pour s'assurer que l'enfant qui va naître sera indemne de la maladie puisqu'on sait d'ores et déjà que cette maladie existe dans la famille. L'espoir derrière est qu'en plus, il soit compatible avec le frère malade et que la greffe soit possible.
Depuis 2016, le DPI HLA n'est plus proposé en France. Le dernier centre qui le proposait a préféré renoncer. Nous avons donc réuni les professionnels pour comprendre les raisons pour lesquelles ils avaient renoncé. Cette activité était réalisée par très peu de centres car elle est très spécialisée. Le DPI HLA est très difficile, très lourd, pour des chances modestes : la probabilité de donner naissance à un enfant indemne de la maladie et HLA compatible est de 1 sur 16. Très peu de naissances permettent donc d'aboutir à une greffe. Lorsque l'on met en regard la difficulté, la lourdeur de la pratique et les enjeux éthiques forts associés à la pratique du DPI HLA avec les chances de succès, les équipes médicales sont amenées à réfléchir. Un verrou législatif est parfois invoqué pour expliquer pourquoi certains couples se rendent en Belgique : si des embryons ont été conçus par FIV, mais qu'aucun ne répond à la double condition d'être indemne de la maladie et d'être compatible, il n'est pas possible de faire une nouvelle stimulation pour avoir d'autres embryons. Le couple est obligé d'utiliser la première cohorte d'embryons. Et c'est uniquement quand cette cohorte n'est plus utilisable qu'ils peuvent s'engager dans un nouveau cycle de FIV, ce qui peut à ne pas aller jusqu'au bout de la procédure.
D'un point de vue médical, le DPI HLA reste une indication pertinente, par exemple pour les drépanocytoses. Mais il n'est plus pratiqué en France compte tenu de ces éléments. Les couples ne sont pas sans issue cependant. En Belgique notamment, le DPI HLA est pratiqué avec une prise en charge par l'assurance maladie française, l'acte n'étant pas proposé en France, mais toujours légal.
Mettre en place le registre tel que celui-ci est conçu, avec les exigences posées en matière d'opérationnalité et de pérennité, sera un défi majeur. Le suivi anonyme permet de réaliser beaucoup d'études. Si nous voulons aller plus loin, en croisant des données et en valorisant les données du Health Data Hub, nous pouvons espérer que les programmes de recherche se démultiplieront à l'avenir. Nous aurons la possibilité d'aller jusqu'à un suivi individuel. Pour maintenir l'effectivité du suivi en matière de don d'organes, il faut penser tout le parcours très en amont, du début à la fin. Nous ne sommes pas en train de penser à un parcours sur un an ou deux ans, mais sur 70 ans ou 80 ans. Ce sujet qui ne se résume pas à la question du registre est d'une grande complexité, y compris opérationnelle et organisationnelle.
Le sujet des découvertes incidentes se pose non seulement dans le cadre du diagnostic prénatal mais aussi lors de l'examen des caractéristiques génétiques et même dans le cadre de la recherche. L'intérêt du projet de loi est de faire les passerelles : vous passez, par exemple, un examen de caractéristiques dans le cadre somatique parce que vous avez un cancer. Parce que vous faites un test compagnon, vous aurez des informations de caractéristiques constitutionnelles. Il faut pouvoir à nouveau rentrer dans le circuit. Des hypothèses dans lesquelles ces informations vous concerneront peuvent survenir, ou concerner vos proches. Des situations peuvent être un peu particulières, comme celle du tiers donneur en assistance médicale à la procréation. De ce point de vue, une évolution est à souligner dans le projet de loi : actuellement, quand on découvre une pathologie, génétique notamment, le système de circulation de l'information est organisé dans un sens, du donneur vers l'enfant. Aujourd'hui, on l'organise dans l'autre sens. On organise un système complet pour limiter au maximum les pertes de chances et remonter l'information en cas de découverte d'une anomalie génétique soit chez l'enfant né d'AMP, soit chez le donneur.
Nous sommes donc en train de travailler à des règles de bonnes pratiques avec les professionnels et les associations pour encadrer la gestion des découvertes incidentes, la question du consentement, et la restitution de l'information. Ces questions sont délicates, les professionnels qui œuvrent dans le secteur savent qu'une information génétique conduit à une fragilité, une vulnérabilité. Le projet de loi affirme le caractère fondamental du conseil génétique, qu'il faut renforcer parce qu'il aura un rôle majeur dans les années à venir.
Pour revenir sur le don croisé, le calibrage du nombre de paires et les garanties apportées font du don croisé d'organes un système extrêmement encadré depuis plusieurs années. Les étapes et les examens médicaux sont nombreux, le processus est relativement long et toutes les personnes impliquées ont quand même le temps de se poser des questions. Le passage devant le comité « donneur vivant » en présence d'un psychologue est une étape très importante permettant d'apprécier les motivations, la bonne compréhension et le degré d'engagement de la personne qui fait cette démarche. Un passage devant le tribunal de grande instance ajoute une étape supplémentaire. Du point de vue du receveur, la question n'est pas de savoir si le greffon existe dans la chaîne, mais bien d'avoir un greffon. On a tendance à penser que les différentes garanties apportées font qu'un défaut serait une hypothèse d'école. Nous sommes là cependant pour envisager toutes les hypothèses, y compris les hypothèses d'école : c'est ce que nous devons aux personnes qui s'engagent dans la procédure. L'intérêt de l'introduction du donneur décédé est aussi une façon de limiter les risques. Bien évidemment, si cela devait se produire, nous saurions gérer les systèmes d'urgence avec des collèges d'experts qui permettent de reprioriser les circonstances. Nous en avons l'expérience en effet dans d'autres domaines. Rappelons que les patients sont dans une impasse immunologique où c'est l'accès même à la greffe qui est l'enjeu.
En 2007, avec les professionnels, nous avons mené une vaste étude du système du diagnostic prénatal. La compétence venait de nous être confiée, un état des lieux était donc nécessaire. Cette étude a été précieuse pour structurer le secteur du diagnostic prénatal, et nous continuons de suivre cette activité, comme le montrent nos rapports médicaux et scientifiques. Nous suivons avec une attention particulière le dépistage de la trisomie 21. Tous les ans, nous analysons les données et pouvons faire évoluer cette activité en fonction des besoins. Si nous éprouvions le besoin de le faire pour le diagnostic préimplantatoire, il n'y aurait pas d'obstacles de principe – mais ce travail est considérable.