Intervention de Anne Courrèges

Réunion du mardi 3 septembre 2019 à 9h35
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Anne Courrèges, directrice générale de l'Agence de la biomédecine :

Il est important de dire que l'Agence de la biomédecine ne peut bien fonctionner que si elle parle à l'ensemble de ses partenaires dans leur diversité. Ce sont naturellement les professionnels de santé ou les autres agences sanitaires ou ministères, mais ce sont aussi les associations, qui nous apportent un regard extrêmement précieux, une expertise, puisque les patients sont experts. Cette expertise s'est beaucoup diversifiée au fur et à mesure de l'enrichissement des missions de l'Agence de la biomédecine, mais aussi de la structuration des activités et du panorama associatif, qui a beaucoup changé ces dernières années. Nous avons vu apparaître des sujets qui ont fait émerger des associations pour en parler.

Traditionnellement, les associations sont représentées au conseil d'orientation de l'Agence. Notre conseil d'orientation est notre instance éthique, l'instance qui émet un avis éthique sur toutes les activités de l'Agence, un avis indépendant qui m'est remis. Cette exigence éthique qui est au cœur des missions de l'Agence s'incarne par la diversité des intérêts et des sensibilités qui peuvent être représentés, d'où la présence de parlementaires, de juristes, de professionnels de santé, mais aussi d'associations. Les textes prévoient que soient représentées les associations de patients, et même les associations de patients agréées – ce qui ajoute une contrainte car dans nos secteurs, toutes les associations ne sont pas agréées. La représentation peut aussi être ouverte à des associations d'enfants nés de PMA.

La loi de modernisation de notre système de santé a étendu la représentation des associations à notre conseil d'administration, et nous nous en sommes félicités. Il y avait quelque chose de paradoxal à ce que l'instance dirigeante de l'Agence n'intègre pas d'associations. Nous avons mis en œuvre cette extension autour de la notion d'association agréée d'usagers du système de santé ; cette définition est bien adaptée dans le cadre de l'hôpital, mais dans une agence particulière comme celle de la biomédecine, qui a une expertise pluridisciplinaire, qui intervient sur des champs en regardant à la fois du côté du donneur et du receveur, et pour des personnes qui, par ailleurs, ne sont pas nécessairement malades, cette définition était très réductrice et ne recouvrait pas tous les intérêts en présence.

Vous avez donné l'exemple des associations de promotion des dons. La plupart des personnes qui s'engagent dans ces associations ne sont pas des personnes qui ont été malades ; elles ont pu avoir d'autres personnes malades dans leur entourage qui les ont sensibilisées à la question. Ce ne sont donc pas des associations de patients. Ces personnes s'engagent dans une démarche qui se veut généreuse, altruiste pour essayer de la promouvoir.

Le critère de l'agrément était un obstacle pour les associations récentes et pour les petites associations, ou créées autour de thématiques nouvelles – certaines associations promeuvent la levée de l'anonymat au sein même de l'assistance médicale à la procréation, par exemple – ou avec des objets spécialisés. Si nous voulons avoir un panorama associatif le plus divers possible, le plus représentatif possible dans chacun de nos segments d'activité, nous avons besoin d'un assouplissement des contraintes législatives. Le projet de loi permet d'élargir l'accès à l'Agence à des associations qu'on ne peut actuellement par intégrer, sauf par une lecture un peu extensive des textes. Leur regard sera extrêmement utile et précieux au regard de la diversité de nos métiers.

Les lois de bioéthique sont toujours l'occasion de réviser les missions de l'Agence de la biomédecine, plus souvent pour nous en ajouter que pour nous en retirer, il faut bien l'admettre. Toutefois, il est prévu cette fois de nous retirer deux missions : les neurosciences et les nanobiotechnologies. Nous n'avons pas beaucoup investi ces missions. Concernant les neurosciences, nous avons organisé un groupe de travail qui rend un rapport tous les ans, voire tous les deux ans sur des thématiques particulières. Le rapport est rendu public. Notre contribution en matière de nanobiotechnologies se trouve essentiellement dans le rapport d'information au Parlement et au gouvernement sur l'état des sciences et des connaissances. Ces missions n'ont jamais été au cœur de l'Agence de la biomédecine : elles sont restées extrêmement périphériques. Il y a parfois des zones de recouvrement, mais cela dépasse largement les compétences dont dispose l'Agence. Il aurait donc fallu faire des recrutements massifs. Par ailleurs, les missions ont été conçues comme des missions d'information générale sur l'actualité des deux secteurs. Or l'Agence est une agence sanitaire, une autorité investie de pouvoirs de régulation ou d'inspection. Au contraire, les organismes de recherche font des publications de qualité. Nous avions le sentiment que l'Agence de la biomédecine n'était pas nécessairement la plus qualifiée pour apporter ce regard, comprendre et deviner les sujets qui pouvaient émerger, alors que nous aurions dû fournir un investissement de taille si nous avions voulu nous engager dans une démarche très structurée.

Le projet de loi fait le choix de concentrer plutôt l'Agence sur les missions pour lesquelles elle a vraiment des compétences, et de les enrichir compte tenu des évolutions législatives – par exemple le suivi des donneurs apparentés en matière de cellules souches hématopoïétiques compte tenu du développement des greffes haplo-identiques. Ce parti nous permettra d'accompagner efficacement leur mise en œuvre dans les années qui viennent.

Les missions de l'Agence résultent de structurations historiques. L'Agence a été créée pour assurer la transparence et l'équité de la liste d'attente en matière de don d'organes, parce qu'il y avait à l'époque quelques interrogations sur la gestion de la liste d'attente. Or, cette liste existait parce qu'il y avait un vrai besoin.

J'ai souligné que nous étions à l'équilibre concernant les spermatozoïdes. L'activité de recueil et de conservation ne s'est pas structurée de la même façon pour des raisons historiques que personne ne néglige, mais aussi parce que jusqu'à aujourd'hui, il n'y a pas de situation de pénurie structurelle et nous espérons que la situation perdurera – je mets de côté l'activité plus récente des dons d'ovocytes. Au contraire, en matière de dons d'organes, l'Agence est indispensable car les délais sont extrêmement courts. Il faut pouvoir faire les choses dans l'urgence. Nous assurons à la fois l'anonymat entre le donneur et le receveur et nous intégrons les contraintes opérationnelles des uns et des autres. Lorsqu'un organe est proposé à la greffe, nous appelons l'équipe de greffe qui est le receveur prioritaire et nous lui donnons 20 minutes pour nous répondre. Si dans les 20 minutes, elle ne nous a pas répondu pour signifier qu'elle prenait le greffon, nous appelons l'équipe suivante, etc. Notre rôle est donc assez particulier et vise à fluidifier le système dans des contraintes d'urgence et en assurant une transparence dans les critères de gestion et dans leur mise en œuvre compte tenu de ce qui avait pu se produire dans le passé.

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